Depuis 1996, le Forum populaire Asie-Europe (AEPF) se réunit tous les deux ans dans le même pays que le sommet officiel, intergouvernemental, Asie-Europe (ASEM). Il était ainsi pour la première fois organisé en Chine – et, qui plus est, à l’heure de la crise financière mondiale. Ce n’était donc pas un forum « ordinaire ». Le bilan que l’on peut en tirer est très contrasté.
1. Une rencontre « Asie-Europe ». Ce forum reste le seul à assurer un échange militant entre les deux pôles du continent eurasiatique. Les débats en atelier ont été riches – plus encore peut-être que par le passé. L’éventail des questions abordées est très large : environnement, droits sociaux et démocratiques, fondamentalismes religieux, rapports entre partis et mouvements… Le bilan est ici très positif, malgré un déséquilibre récurrent entre la participation européenne (surtout associative) et la participation asiatique (avec plus de mouvements sociaux).
2. La collaboration avec les ONGG chinoises. Pour organiser un forum à Pékin, il fallait accepter de collaborer avec des « ONG » gouvernementales. Le bilan en ce domaine s’avère encore bien pire que ce que l’on pouvait prévoir. Malgré leurs engagements, ces associations officielles n’ont permis qu’une présence marginale de participants chinois indépendants. Elles n’ont fait preuve d’aucune ouverture dans les débats, répétant les antiennes gouvernementales sur la « société harmonieuse » que la Chine est censée être.
Le plus étonnant a été le degrés d’arrogance du pouvoir. Nous avions tous reçue une invitation officielle pour obtenir nos visas. Pourtant, nous avons été soumis à une pression policière constante et ubuesques : détecteurs par rayon X chaque fois que nous entrions dans notre hôtel (pourtant situé loin de tout), participants étrangers suivis par les flics quand ils faisaient des emplettes (j’ai même eu deux voitures de police au cul quand j’ai été observer quelques oiseaux dans la proche campagne !)… Par ailleurs, les ambassades chinoises avaient invité aux forums, sans en informer les organisateurs concernés, des personnalités de droite d’Europe et d’Asie qui n’avaient rien à y faire – y compris un proche du général Musharaff, le dictateur pakistanais déchu !
Notons qu’en cela, le Forum de Pékin s’est déroulé de façon très différente de ce qu’avais été, il y a quatre ans, le Forum de Hanoi. [1]
3. La réponse à la crise. Les « ONG » gouvernementales chinoise n’ont pas voulu avancer de réponses alternatives à la crise financière et la Déclaration finale du Forum s’en ressent malheureusement. Néanmoins, les discours d’ouverture du forum (finlandais et malaisien) reflétaient l’urgence de la situation. La réactivité a en fait été très forte : des assemblées plénières informelles se sont tenues pour analyser les divers facettes de l’actuelle crise globale. De ces réunions parallèles est né « l’appel de Pékin » qui a reçu le soutien de nombreux mouvements dans le monde (dont la LCR). [2] Il représente l’une des toutes premières initiatives de riposte et de résistance collectives au désordre capitaliste actuel. Le bilan est, ici, à nouveau très positif.
Le prochain forum Asie-Europe aura lieu à Bruxelles en 2010. Entretemps, il faut donner corps à l’appel de Pékin et aux luttes solidaires eurasiatiques.