Entre 14 000 et 21 000 postes seraient supprimés d’ici à 2026. Et tout doit aller très vite : ce chantier de démolition de l’emploi et des conditions de travail doit se mettre en place avant le 1er janvier 2020, date à partir de laquelle de nouvelles entreprises pourraient venir concurrencer la SNCF pour les transports régionaux de voyageurs.
10 % à 15 % de postes en moins d’ici 2026
Depuis longtemps, des suppressions de postes touchent tous les services mais il s’agit cette fois d’un véritable plan social dans plusieurs services. La direction veut fermer ou réduire drastiquement les effectifs de plusieurs ateliers de maintenance du matériel, comme à Villeneuve-Saint-Georges ou à Sotteville. Elle annonce également la fin de la vente de billets aux guichets. D’après la CGT-cheminots, 952 postes seraient voués à la suppression à la Vente et à l’escale d’ici mars 2019. Alors qu’on compte aujourd’hui, dans bon nombre de guichets des grandes gares parisiennes, des attentes d’une heure. Mais foin des usagerEs ! Ils et elles sont priés d’acheter leurs billets sur internet, et tant pis si leur âge ou leur situation personnelle (il arrive que certains ne sachent pas lire) leur rend la tâche impossible ; tant pis si certaines tarifications complexes ne peuvent se faire qu’aux guichets. Vive la digitalisation… qui permet à la direction de supprimer des postes !
Sous prétexte d’équité, dégommer le statut
« Il ne peut y avoir de SNCF à deux vitesses, avec les statutaires, d’un côté, et les nouveaux salariés, de l’autre. » Après avoir assuré, au moment du vote du pacte ferroviaire en juin dernier, qui mettait fin aux embauches au statut à partir du 1er janvier 2020, que les quelques avantages de ce statut serait conservés pour les cheminotEs qui l’ont, voilà la menace d’une volte-face ! Il s’agit entre autres de revoir l’évolution de la rémunération des cheminotEs au fil de leur carrière en augmentant la part liée au « mérite » (déjà existante malheureusement) au détriment de celle liée à l’ancienneté. Franchement pas une énorme surprise, non plus, pour les cheminotEs qui ont fait grève contre le pacte ferroviaire et savaient que la fin des embauches au statut annonçait une remise en cause du statut lui-même.
La direction se prépare à appliquer sa réforme
Le coup de pression de Pépy est calculé. La direction de la SNCF tente de reprendre la main après une grève qui lui a coûté cher. Et pas seulement financièrement ! Les cheminotEs rejettent toujours massivement le pacte ferroviaire. Leur lutte du printemps leur a permis de conserver la sympathie d’une partie de l’encadrement dans l’entreprise et de l’opinion publique à l’extérieur. Aujourd’hui encore ils représentent un espoir pour tous ceux et toutes celles qui contestent la politique de Macron. Ce ne sera pas simple, pour la direction de la SNCF, d’appliquer une telle réforme en si peu de temps. En témoigne la réaction d’un cadre supérieur interviewé par le journal le Monde à l’occasion d’un séminaire réunissant 800 cadres de l’entreprise les 3 et 4 octobre à Saint-Denis : « Il n’y a pas de doute sur le « quoi », par contre le « comment », c’est plus compliqué ». Il y a de la résistance dans l’air, y compris dans l’encadrement, voilà pourquoi Guillaume Pépy multiplie les sorties médiatiques musclées.
En face, des mobilisations et des ripostes
Les mesures répressives contre des cheminotEs grévistes, militantEs syndicaux ou non, convoqués en entretiens disciplinaires, sont toujours l’occasion de rassemblements non négligeables. Et dans les secteurs visés par les suppressions de postes, à commencer par le commercial, les résistances sont notables. Sur la région Paris Rive-Gauche, où la direction envisage 250 suppressions de postes, plusieurs journées de grève ont eu lieu ces derniers jours. Le 9 octobre, 150 agentEs des lignes Transilien N et U (région de Versailles) interpellaient leur direction contre la fermeture de plusieurs gares. Le 11 octobre, c’était au tour des vendeurs Grandes lignes d’Austerlitz de se dresser contre un projet de fermeture de toutes les boutiques du secteur et d’une grande partie des guichets de la gare. À chaque fois, la grève a été massive, les cheminotEs nombreux aux rassemblements, et ces rassemblements riches en discussions. Quelles suites à donner ? Comment coordonner les secteurs touchés de plein fouet ? Rien n’est simple mais la colère commence à se traduire en actes. Une colère qui s’est exacerbée avec les morts dramatiques, en quelques jours, de quatre cheminots pour des raisons qui ont à voir avec les conditions de travail et l’absence de sécurité que les suppressions de postes aggravent.
Correspondants
Nos vies valent plus que leurs profits
En une semaine, début octobre, quatre cheminots ont perdu la vie, dont un collègue de la région Paris Saint-Lazare, 37 ans de métier, en situation de travail isolé, sur fond d’intensification des travaux, en particulier en zone dense non fermée à la circulation avec des systèmes discutables d’annonces automatiques des trains : de nombreux conducteurs en colère sifflent longuement aux abords du PK2, lieu du drame pour réveiller la direction, en sachant bien qu’un autre type de réaction serait nécessaire. Dans le même temps, deux cheminots sont morts sur les voies à Tarbes alors qu’ils réalisaient des travaux pour une entreprise sous-traitante de la SNCF. Et un cadre s’est suicidé sur son lieu de travail à Lyon.
La direction de la SNCF prétend comme toujours vouloir sérieusement enquêter... On connaît pourtant déjà les vraies causes : destruction des équipes de travail, mise en concurrence des salariéEs, formation insuffisante, recours à la sous-traitance, augmentation des cadences et de la polyvalence… Bref nos peaux, sacrifiées à leur pognon.