Après six mois de guerre totale ayant entraîné des pertes énormes, les autorités russes tentent toujours de convaincre le public que tout se passe comme prévu et que seule une petite fraction de la population sera affectée par la mobilisation. Fidèle à la stratégie développée lors de la pandémie, le régime de Poutine n’appelle pas les choses par leur nom et invente des formules qui permettent de contourner la loi. Comme il y a deux ans, lorsqu’au lieu d’un référendum sur les amendements constitutionnels, on a annoncé un « vote populaire » et qu’au lieu d’un état d’urgence pendant une pandémie, on a mis en place un « régime de jours de congé », maintenant il y a une « opération spéciale » au lieu d’une guerre, et en lieu et place d’une mobilisation, il y a une « mobilisation partielle pour une opération militaire spéciale ».
Les autorités seront obligées d’enrôler de force
En effet, nous pouvons déjà voir que cette mobilisation ne sera pas partielle et pourrait toucher tout le monde. Le décret « Sur la déclaration de mobilisation partielle » ne précise pas les catégories de citoyens soumis à la conscription et prévoit un sursis pour les seuls employés de l’industrie de la défense. Seuls les membres du Conseil de la Fédération et les députés de la Douma peuvent se permettre de se sentir en sécurité, puisque la loi « Sur la formation et la mobilisation » les exempte du projet. Ainsi, contrairement aux déclarations de Poutine et du ministre de la Défense Shoigu, tout homme de 18 à 60 ans et toute femme astreinte au service militaire (y compris, par exemple, le personnel médical) peuvent être soumis à la mobilisation. Le manque d’enthousiasme patriotique et la panique croissante indiquent que, pour atteindre les objectifs de mobilisation, les autorités seront obligées d’enrôler de force et d’envoyer au front tous ceux qu’elles croiseront.
L’annonce de la mobilisation ressemble à une mesure désespérée et un challenge pour un régime qui avait misé sur la dépolitisation de masse. Il y avait un pacte informel entre les citoyens et l’État : « Vous restez en dehors des affaires de l’État, et l’État reste en dehors des vôtres ». Maintenant, il n’est plus possible de regarder tranquillement la guerre à la télévision ; des gens doivent y aller, et mourir.
Résister à la mobilisation par tous les moyens
La mobilisation produit le chaos. Les milliers de personnes qui fuient le pays révèlent un manque de soutien populaire pour la guerre. Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes russes. Elles étaient certes peu massives et ont été violemment réprimées. Mais le fait d’avoir annoncé la mobilisation de façon aussi cynique et tardive montre que le régime de Poutine a une peur viscérale des manifestations spontanées et des soulèvements populaires. En mars, il semblait que la décision d’envahir l’Ukraine serait fatale pour le régime. Aujourd’hui, il y a encore plus de raisons de miser sur son effondrement. Au prix de milliers de vies, le système de Poutine tente de retarder sa chute.
La seule façon de mettre fin à la guerre est de vaincre Poutine et sa bande. Cette défaite doit être infligée à l’extérieur par la victoire de l’Ukraine et à l’intérieur en protestant contre la dictature de Poutine et en désobéissant à ses ordres. La participation forcée aux crimes perpétrés par la Russie sur le territoire d’un autre pays n’est pas un acte de courage ou de patriotisme. Ce qu’il y a de plus courageux en ce moment, c’est de résister à la mobilisation par tous les moyens possibles, qu’il s’agisse d’esquiver la conscription, de mettre le feu aux postes de recrutement ou d’actes de désobéissance massive et de sabotage. Non à la conscription ! Pas un seul soldat pour la guerre criminelle !
L’Anticapitaliste
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