Bonjour a toutes et a tous. Je vous rédige ce premier bulletin avant de partir ce soir à la Réunion ministérielle de l’OMC qui débute mardi matin 13 décembre a Hong Kong. Je ne sais pas si ces bulletins seront quotidiens mais avec Frederic Viale, nous allons essayer de vous tenir au courant au jour le jour. Ce premier envoi a pour but d’essayer de décrire l’état des lieux. Détails techniques : nous aurons tous deux l’ADSL dans nos chambres d’hotel ; donc si vous avez des questions precises, vous pouvez nous les posez : susangeorge free.fr et/ou frederic.viale free.fr. Mais vous n’aurez pas d’accents dans ce que je vous écris ; j’ai toujours mon clavier américain. Je remercie Eric Le Gall au siège de mettre nos envois sur les differentes listes.
Si vous avez envie de suivre ce dossier, je vous serais reconnaissante de conserver ce premier bulletin parce qu’on ne pourra pas revenir à chaque fois les tenants et les aboutissants de chaque dossier, le sigles, etc. .??Attac France participe a cette reunion ministérielle en tant que tel, en tant que membre du réseau européen S2B [soit Seattle to Brussels en anglais] qui est lui-même membre du reseau mondial « Notre monde n’est pas a vendre » [Our World is not for Sale, soit OWINFS].
Nous coopérons tous avec le Hong Kong Peoples Alliance qui s’est construite l’an dernier, milite pour la démocracie et s’est chargée de l’organisation localement. Ce sont des réseaux qui se sont développés depuis plusieurs années et qui ont pris l’habitude de travailler ensemble depuis la ministérielle de Seattle en 1999.??Notre principal mot d’ordre sera « Pas d’accord du tout vaut mieux qu’un mauvais accord ». Comme Dupond, je dirais même plus : L’OMC est opposée dans son principe au développement du Sud et ne fait que mettre en œuvre et en musique partout dans le monde la doctrine néo-libérale que nous combattons sur tous les fronts. Le monde a certes besoin de règles pour encadrer le commerce, mais pas celles-ci.
Quand les délegués prendront place dans le Centre des congrès et d’expositions de Hong Kong, la situation sera à peu près la suivante : le texte qui sert de base a la nègociation a été redigé par les services de Pascal Lamy, DG de l’OMC et par les ambassadeurs qui président les négociations sur les principaux sujets qui seront cette fois-ci l’agriculture, l’accès aux marchés non-agricoles dit NAMA en anglais et les services ; avec des sujets de moindre importance qui sont la propriété intellectuelle et le développement. Un premier texte est sorti le 26 novembre ; il a ete amendé au cours de mini-négociations dites de « green room » [ou salle verte a cause de la couleur du papier mural du bureau du DG] et publié dans sa version Hong Kong le 2 décembre. La méthode green room est tres contestée car les participants sont choisis on ne sait comment et les pays pauvres et faibles sont toujours sous representés, mais elle sera utilisée encore a Hong Kong et démarrera là des le 12 décembre.
Prenons d’abord les sujets considérés comme moins importants même s’ils ne le sont pas du tout pour les pays pauvres.
Le développement
A la ministérielle de Doha en 2001, on a obtenu la participation des pays en développement [PED] en leur promettant une série de dispositions censées promouvoir leur développement. Ces dispositions de toute manière ne sauraient compenser les pertes que ces mêmes pays risquent de subir dans les négociations agriculture-NAMA-services. On leur promet par exemple de « l’Aid for Trade »—aide pour le commerce—mais les mesures, et/ou les sommes promises n’ont pas été concretisées ; on propose juste « une réunion avant juillet 2006 pour les "considérer » et de toute facon elles ne seraient accordées que quand les PED auraient mis en œuvre les accords OMC. C’est un marché de dupes.
ADPIC et Santé ;[« TRIPS and Health »],
autrement dit l’accès aux médicaments brevetés qui sont régis par l’accord sur la propriété intellectuelle. Le 5 decembre, on a rendu permanent et intégré dans le texte principal une décision d’aout 2003 mais cette solution usine-a-gaz a été denoncée par MSF et d’autres ONG parce qu’on sait déjà qu’elle ne fonctionnera pas et qu’à ce jour pas un seul malade en a bénéficié. On se demande comment et pourquoi les pays africains en particulier l’ont acceptée.
Le « traitement special et differencie » [S&D]
qui comporte différentes mesures pour que les PED et en particulier les Pays les moins avancés [PMA] aient un accès aux marchés du Nord sans droits de douane et sans quotas et bénéicient de délais pour mettre en œuvre les accords de l’OMC. Le texte reste à négocier à HK.
Lamy, Mandelson et Portman [le négociateur US] vont surement en faire grand cas.
Le coton
très important pour plusieurs pays africains. Il aurait dû faire l’objet d’une « récolte précoce » ou early harvest, terme consacré pour un sujet sur lequel la négociation peut être conclue en lui-même, séparement de l’ensemble des négociations, en l’occurrence celles sur l’agriculture. Les USA bloquent et ont annoncé que l’élimination des soutiens qu’ils accordent à leurs producteurs de coton [$3 milliards par an] ne sera decidée que dans le cadre des négociations agricoles.
Bref, pas grand’chose a attendre pour les PED.°°
Sur les grands dossiers Agriculture, NAMA et Services :
Agriculture.
Sujet de rupture a Cancun en 2003. Les trois grands chapitres, ou « piliers », du dossier sont les Soutiens internes aux producteurs, les Soutiens àl’exportation et l’Accès aux marchés agricoles, soit les droits de douane appliqués à la frontière. Chaque pilier comporte de nombreux sous-chapitres qui contiennent eux-même des sous-sous chapitres et il n’est pas question d’entrer dans le détail ici [lire l’article de Jacques Berthelot dans le Monde Diplomatique de décembre]. Comme chacun sait, les pays riches subventionnent leurs agriculteurs mais empêchent aussi l’entrée des produits compétitifs du Sud [cas extrême : les tarifs douaniers de 400% appliqués au Japon sur le riz importé]. Les pays du Groupe des 20-G-20, dont des exportateurs comme le Bresil, l’Argentine ou la Thailande veulent l’ouverture des marchés, ; le Groupe des 33 [qui inclut aussi une dizaine des pays du G-20] veulent essentiellement protéger leur propres agriculteurs et leurs propres marchés d’être inondés de produits du Nord vendu en-dessous des coûts de production [le « dumping »] tandis que le G-90 [les plus pauvres, les Africains, les ACP, les PMA] veut à la fois garder comme le G-33 des protections élevées aux frontieres mais conserver les avantages de tarifs préferentiels dont bénéficient certains de leurs produits sur les marchés des pays riches. On le voit : les pays du Sud ont des intérets divergents. D’autre part, depuis Cancun, les USA et l’UE ont consacré bien des efforts à diviser ces groupes encore plus.
Mandelson peut tirer un lapin de son chapeau, par exemple en annoncant une date et des baisses annuelles chiffrées pour la fin des subventions à l’exportation. Ce serait relativement facile pour l’Europe vu que ces subventions sont d’environ 3.5 milliards d’euros seulement [sur une PAC qui coute au total 40]. Ce serait un prix modeste pour un impact symbolique spectaculaire. Si c’est le cas, des pays comme le Brésil seraient prêts à lacher sur les deux autres grands dossiers, le NAMA et les Services.
Faut-il en tant qu’altermondialistes soutenir les objectifs du Sud ? Pas tous. Nous n’avons aucune raison de soutenir « le » Bresil sur ce dossier, car il s’agit d’agriculteurs disposant de millier d’hectares et de transnationales comme Cargill ou Bunge, exactement les mêmes qui exportent a partir des USA, du Canada, de l’Australie. Mais nous devons faire cause commune avec les petits producteurs qui savent déjà qu’ils vont perdre. Les « préférences » douanières des pays du Nord seront érodées [preference erosion]. Deja les ACP, qui recevaient le même prix pour leur sucre que les producteurs beteraviers de l’UE, vont souffrir une baisse d’un tiers du prix accordé, annonce par Mandelson le mois dernier ; alors qu’ils n’ont plus un marché préférentiel pour leurs bananes à cause de la decision de l’ORD de l’OMC qui condamnait cette préférence jugée discriminatoire pour les bananes de l’Amerique centrale et du Sud. Ce sont des milliers de petits producteurs ACP quasiment condamnes à la mort lente.
NAMA :
Ce secteur [marchés non-agricoles] concerne aussi les produits forestiers et de la pêche et promet d’être sur ce plan un désastre écologique. D’une manière générale, les pays riches veulent obliger les pays du Sud a baisser leur protections douanières selon une « formule suisse » qui stipule que les tarifs les plus élevés seront baisses le plus, avec des pourcentages a definir pour chaque « bande » de tarifs [ex. de 0 a 25% ; de 26 a 60% . de 61 a 90%, au-dessus de 90%...] Ceci à de nombreux inconvenients pour les pays avec des industries « jeunes » et pas encore tres efficaces. Tous les pays qui ont réussi y compris les réussites les plus récentes comme la Corée du Sud l’ont fait en appliquant des tarifs protecteurs et en ciblant les depenses étatiques vers les industries qu’ils souhaitaient développer. L’on veut maintenant retirer l’échelle et ouvrir ces marchés aux transnationales du Nord.
D’autre part, les pays pauvres retirent jusqu’a 40 pourcent de leurs revenus des taxes percues aux frontières. Enfin, ils perdraient toute flexibilité dans leur politiques économiques car une fois un tarif baisse, impossible de le relever : la formule suisse, c’est pour toujours. Le NAMA est une recette pour verrouiller les PED à la place industrielle qu’ils occupent deja.
Les Services enfin
et cet AGCS que les militants d’Attac connaissent bien. Ici Mandelson a été très fort et a proposé que les pays du Nord soient obligés d’ouvrir 139 et les PED 93 sous-secteurs sur un total de 163. Une coalition de PED, avec le Brésil en tête, s’est revoltée et a exigeé que soit mise « entre parenthèses » ou « brackets » [..... ] le texte de négociations du Secrétariat de l’OMC et c’est maintenant tout l’Annexe C sur les services qui se trouve « bracketee ».
La stratégie de Lamy sera d’abord à « acheter » les PMA/PED avec un package de « développement » qui ne vaudra pas bien cher [voir supra] ; de faire mettre sur la table une offre en agriculture qui séduit le Brésil en échange de quoi le Brésil lacherait ses petits camarades du Sud sur les Services. Le Brésil est également soucieux de préserver son alliance avec l’Inde et l’Inde, se prenant apparamment déjà pour un pays développé, est déjà favorable à l’Annexe C telle qu’elle a été deéinie par l’UE. L’Inde, l’un des pays les plus en avant pour défendre les intérêts du Sud a Doha et à Cancun ne leur sera d’aucun secours cette fois-ci.
Pas de repos pour ATTAC ! Les majeurs [UE, USA et maintenant l’Inde] ont déjà décide de commencer les négotiations sectorielles après HK, selon le modèle des négocations qui ont déjà eu lieu pour les secteurs financier et des telecomms. Si les pays du Sud l’acceptent, selon certains observateurs comme nos amis du Third World Network, il y aurait des négociations sectorielles dans une quinzaine de domaines dont l’énergie, la construction, les transports, la poste, la distribution, l’audio-visuel, l’environnement et le Mode 4 su le ’mouvement des personnes physiques’ qui intéresse beaucoup les pays du Sud comme l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan, les Philippines.
Dans l’Annexe C, l’on retrouve aussi notre vieil ami « les marches publics », chasses par la porte a Cancun et qui revient a present par la fenetre.
Les bagarres les plus apres à HK vont, je pense, avoir lieu non plus autour de l’agriculture comme a Cancun, car les Europeens pensent comme le MEDEF- c’est une petite part du PNB, de l’ordre de 2%, alors que les services représentent 70-75%. Dans le domaine des services, le Sud ne pourra pas compter sur l’aide de l’Inde et du Brésil. Beaucoup va dépendre du G-90 mais saura-il résister a la fois au Nord et aux plus grands du Sud ? Autre grand inconnu : la Chine ne dit mot, mais risque fort de se placer du cote de l’Inde et du Bresil, ses partenaires dans le G-20.
Beaucoup d’activités aussi du côté des ONG- nous aurons notamment un séminaire avec nos camarades d’Attac Japon qui vient a HK a 30, et aussi avec les parlementaires européens du groupe Gauche unie. On vous tient au courant. A bientôt, Susan