La dernière expédition scientifique chargée de mesurer les évolutions en Arctique a permis de constater le bouillonnement de l’eau sous l’effet des bulles de méthane qui remontent des fonds marins. L’épaisse couche de glace a fondu par endroits, provoquant ainsi la fuite du méthane. La destruction partielle de cette protection naturelle qu’est la glace peut avoir des conséquences en cascade. C’est bien le réchauffement climatique qui a provoqué cette fonte, mais la fuite du méthane, dont les effets sont vingt fois supérieurs à ceux du carbone, accélère le phénomène. La température des eaux de l’Arctique est d’environ 4° C et la fonte réduit aussi le pouvoir réfléchissant de la glace qui limitait le réchauffement de la planète. Jusqu’où cette destruction peut aller ? Nul ne peut le prédire, mais lorsqu’on sait que la quantité de méthane sous l’Arctique est supérieure au carbone contenu dans les réserves mondiales de charbon, on mesure d’autant plus les risques encourus.
Les effets de rétroaction perçus à travers la mesure des remontées de méthane et la fonte des glaces viennent corroborer les analyses récentes de James Hansen, climatologue à la Nasa, pour qui les prévisions actuelles concernant la fonte des glaciers sont sous-estimées et les objectifs de limitation de la concentration des gaz à effet de serre bien trop limités. Comparant les données actuelles avec les phénomènes de la période glaciaire, il y a 35 millions d’années, il montre que les niveaux de concentration se rapprochent de ce qu’ils étaient à l’époque. Les travaux de Hansen et de ses collaborateurs estiment qu’avec les objectifs européens, la température du globe pourrait avoir augmenté de 6° C à la fin de ce siècle. Ses estimations sont supérieures à celles du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec), et force est de constater que les prévisions de ce dernier ont toujours été revues à la hausse au fil des années.
Le réchauffement climatique est donc bien plus rapide que le rythme des décisions politiques et économiques. Si la crise financière focalise toutes les attentions, les projets à moyen terme de relance de l’économie mondiale peuvent avoir des conséquences catastrophiques, selon le mode qu’ils adoptent. Or, les récentes discussions du projet de loi Grenelle 1, pour ne prendre que l’exemple français, montrent que rien n’y fait : ce gouvernement ne voit aucun des voyants rouges qui s’allument chaque jour.
Rien d’étonnant après tout, en l’absence de mobilisations massives pour dire que cela ne peut plus durer, qu’il faut renverser la vapeur et bouleverser radicalement le système de production, d’échange et de consommation. La France est en retard par rapport à d’autres pays du côté des mobilisations mais, pour la première fois, 2008 voit l’émergence d’un cadre unitaire durable dont l’ambition est de favoriser les mobilisations en défense du climat et de la justice sociale. L’appel fondateur de cette initiative a été signé par de nombreuses organisations.
Cette alliance, récente et encore fragile, entre organisations environnementalistes, altermondialistes, syndicales et politiques, doit permettre une diversité d’approches pour des campagnes publiques s’inscrivant dans la durée. Alors que la question climatique est, jusqu’ici, restée cantonnée dans des sphères institutionnelles, il s’agit d’en faire une question politique, populaire, et donc d’en montrer la transversalité, dans de nombreuses dimensions de nos vies. La première initiative aura donc lieu à Paris, le 29 novembre, avec une manifestation et un forum-débat.
Les négociations internationales à Poznan (décembre prochain) et à Copenhague (2009) doivent décider des suites du protocole de Kyoto. Ces suites ne seront pas à la hauteur de la situation si on laisse faire les maîtres du monde. À nous de prendre l’avenir de la planète, notre avenir, en main.