Carine Clément, une sociologue et militante française installée en Russie depuis 1994, a été agressée dans une rue de Moscou, jeudi 13 novembre, par deux inconnus qui lui ont planté une seringue dans la jambe. La chercheuse, âgée de 38 ans, se rendait à une conférence sur la crise économique en présence d’associations et d’intellectuels de gauche. Carine Clément, qui a suivi un traitement préventif du HIV après son agression, a annoncé lundi soir sur France Info que les premières analyses effectuées par la police montraient l’innocuité du contenu de la seringue.
C’est la troisième fois en trois semaines que la sociologue, fondatrice en 2004 de l’Institut des actions collectives, un organisme de soutien aux mouvements associatifs, est victime d’une agression. Mercredi 12 novembre, un jeune homme l’avait suivie, insultée et lui avait intimé l’ordre de « partir », selon le Moscow Times. Le 24 octobre, à la veille d’une manifestation intitulée « la journée de la colère », une protestation réclamant la démission de Iouri Loujkov, le maire de Moscou, elle avait été frappée au visage et son sac lui avait été volé.
Chtodelat news, un site qui recense les activités militantes en Russie, rapporte que des journaux russes, dont Komsomolskaya Pravda, ont vu dans ces agressions (prétendument menées par un homme de « type asiatique ») des simples faits de délinquance ordinaire. « Nous devons admettre que ces trois incidents vont à l’encontre de l’explication avancée par les nationalistes et [une partie de] la presse : une agression accidentelle par un »invité du capital« [un immigré] », estime le site militant.
Carine Clément, par ailleurs mariée à Oleg Shein, un député de la Douma, estime que cette agression est une opération d’« intimidation » pour lui faire cesser ses activités militantes en faveur des migrants, qui l’ont amenée à prendre position contre le maire de Moscou et les mouvements russes d’extrême droite. « Ce dont je suis sûre, c’est que tous ces cas sont liés (...). Je pense que beaucoup de gens seraient contents si j’arrêtais mes activités militantes, si je rentrais en France », a-t-elle déclaré à l’AFP. « Le sentiment d’impunité progresse : de plus en plus de personnes n’hésitent plus à employer des méthodes de bandit pour s’en prendre aux acteurs du mouvement social », ajoute-t-elle dans un entretien au Parisien.
Une pétition, soutenue par des dizaines d’associations de gauche, dont l’Institut des actions collectives, dénonce les « méthodes criminelles » utilisées à l’encontre de militants associatifs. « De nombreux cas d’agressions ’politiques’ à l’encontre de militants des droits sociaux n’ont toujours pas fait l’objet d’une enquête, les coupables ne sont pas recherchés, ce qui donne un sentiment d’impunité aux agresseurs, les poussant à commettre de nouveaux crimes », énonce le texte. Ces associations demandent donc à l’Etat russe la mise en place d’équipes d’enquêteurs dédiées à ces agressions et la stricte application de la loi pour les coupables. Ils assurent également qu’ils ne se laisseront pas « intimider par la violence et la terreur » et estiment, « compte tenu de la situation, avoir le droit de recourir à tous les moyens possibles pour assurer la sécurité de leurs camarades ».
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