Même si Kirchner n’était plus président depuis 2007, il était bien
plus qu’un « prince consort » : son épouse Cristina Fernandez
est une femme avec une longue expérience politique et une
bonne capacité de communication, mais son succès électoral
était le fruit d’une complementarité avec son mari et des compétences tactiques que ce dernier – qui excellait dans ce domaine – mettait à sa
disposition en tant que son conseiller.
Le choix en 2007 d’opérer cette alternance à la présidence avait été adroit
dans un contexte où la droite venait d’enregistrer un important succès avec la
victoire de Mauricio Macri (le « Berlusconi » argentin) aux élections pour la place
de gouverneur de la province très peuplée de Buenos Aires. En effet, en octobre
2007, Cristina Kirchner – issue comme son mari de la droite péroniste, mais qui
avait su dialoguer avec les Mères de la Place de mai et d’autres fragments de la
gauche –avait pu s’imposer dès le premier tour.
Elections 2011 sans le favori
Or tout le monde prévoyait que
pour les élections de 2011 Néstor
Kirchner allait reprendre le témoin de
sa femme, dont la légitimité avait été
partiellement remise en cause par sa
défaite dans le bras de fer avec les producteurs et exportateurs de soja et par
le passage dans l’opposition de son
vice-président, le radical Julio Cobos.
Tous les sondages réalisés jusqu’ici
plaçaient Néstor Kirchner devant les
autres candidats avec de bonnes possibilités d’être élu au premier tour. Il
n’est pas sûr que Cristina Kirchner
puisse obtenir les mêmes résultats.
Par ailleurs, dans la campagne électorale Néstor Kirchner aurait pu
exploiter le prestige obtenu grâce à sa
récente élection au poste de secrétaire général de l’UNASUR, l’organisme qui réunit les pays
sud-américains en excluant de fait
l’OEA (organisation des Etats américains) dans lequel le poids des Etats-Unis est trop important. Ce rôle lui a
permis d’apparaître comme un des
principaux leaders du continent
latino-américain. Par exemple,
Kirchner a arrêté les secteurs les plus
extrêmes du sécessionnisme bolivien
mais en imposant à Morales de renoncer aux sanctions envers les gouverneurs rebelles. Plus en général, tout
en étant lié par gratitude à Chavez qui
avait acheté une part considérable de
la dette argentine, Kirchner était bien
plus proche de Lula, mais aussi de
Bachelet ou de Pinera.
Une année qui sera longue
La principale inconnue reste le
résultat des prochaines présidentielles. Cristina Kirchner ne pourra
pas s’appuyer pendant une année sur
l’émotion suscitée par la mort de son
mari. Une année qui sera longue,
notamment parce qu’elle devra
affronter d’innombrables problèmes
internes et continentaux et parallèlement être capable de devenir l’organisatrice d’un parti parsemé de requins.
Néstor Kirchner avait pu gagner les
élections présidentielles en chevauchant les mouvements de 2001. Mais
les protestations des cacerolas sont
oubliées et la majeure partie des
piqueteros ont été domestiqués.
Pour l’Argentine s’ouvre une
année vraiment difficile et pleine d’incertitudes.
Antonio Moscato