La huitième journée de mobilisation, le 6 novembre, n’a pas été, et de loin, un enterrement, même de première classe. Avec plus d’un million de manifestants contre la réforme des retraites mais aussi contre la politique globale du gouvernement et du patronat, elle confirme une nouvelle fois qu’il n’y pas de résignation. Bien sûr, cette nouvelle journée de mobilisation a rassemblé moins de monde que la précédente le 28 octobre, elle-même en dessous des manifestations des 12 et 19 octobre. Mais la participation est restée très élevée, très combative et radicale.
L’intersyndicale réunie le 8 novembre a décidé d’appeler à « une journée nationale interprofessionnelle de mobilisation par des actions multiformes », le 23 novembre prochain. Ce nouveau rendez-vous qui aura lieu après la promulgation de la loi par Sarkozy, clôt une phase du mouvement cadencée par les jours de grèves et de manifestations mais surtout marquée par la participation de différents secteurs, des blocages, des actions locales, intersyndicales et interprofessionnelles intenses.
La fin de cette phase est loin d’être celle du mouvement et de la colère sociale qui s’est exprimée depuis plus de deux mois. Si la mobilisation dure depuis si longtemps, c’est que le ras-le-bol de la politique gouvernementale et patronale est général.
Il s’est bien sûr exprimé contre la réforme des retraites mais pas seulement. La colère vise aussi la dégradation des conditions de travail, la productivité qui ne cesse d’augmenter, les licenciements, les suppressions de postes, le développement de la précarité, du chômage et des bas salaires. La révolte concerne également ce « président des riches » qui demande toujours aux mêmes de se serrer la ceinture alors que les profits explosent et que l’État reverse 32 millions d’euros à Bettencourt, au moment même où les caisses sont soi-disant vides pour nos emplois, nos salaires et nos retraites. C’est tout cela qui a poussé, pendant plusieurs mois, dans la rue et dans les grèves, des millions de salariéEs, de jeunes, de précaires, de retraitéEs qui ont bien compris que derrière cette nouvelle contre-réforme des retraites, l’objectif de Sarkozy et du Medef est bel et bien de faire payer la crise à la majorité de la population.
Il faut noter que ces dernières semaines ont sonné le réveil de la combativité ouvrière. La mobilisation a permis de tisser des liens extrêmement forts entre des équipes syndicales de différents secteurs, a vu l’arrivée sur le terrain des luttes d’une nouvelle couche du salariat, d’une nouvelle génération. Dans de nombreuses villes, de véritables interpro locales se sont mises en place avec des actions multiformes pour se rassembler, s’adresser à d’autres, sortir de son milieu, de son entreprise. De telles initiatives doivent se poursuivre et permettre de renforcer ces liens précieux pour l’avenir. Bien que les directions syndicales n’aient pas été débordées, que l’intersyndicale n’ait pas organisé l’affrontement mais géré le niveau de la mobilisation, le mouvement a pu exister et être si fort grâce aux équipes syndicales qui en ont été le cœur. En deux mois, l’expérience cumulée est colossale et laissera incontestablement des traces qui peuvent se traduire, dans les semaines qui viennent, par des grèves pour les salaires, les effectifs, les conditions de travail.
Le mépris de Sarkozy
Sans surprise, malgré ce mouvement inédit regroupant des millions de manifestants et de grévistes, Sarkozy est resté droit dans ses bottes et a imposé sa réforme. Mais cela s’est fait au prix d’un discrédit puissant de sa politique et d’une grande très grande impopularité. Et si, officiellement, il veut continuer à « agir jusqu’au bout », les classes dirigeantes savent désormais à quoi s’attendre dans le cas où elles voudraient faire passer le reste de leurs mesures (coupes claires dans les dépenses sociales, en particulier dans la santé, attaques renouvelées contre les services publics, augmentation des impôts et des cadeaux au patronat, chômage et précarité, etc.). Nul ne peut prévoir les formes que prendra désormais la résistance aux effets de la crise capitaliste. Mais cette résistance ne devra pas attendre 2012 comme certains l’espèrent, car c’est par le rapport de forces, la mobilisation généralisée qu’il sera possible d’imposer nos propres solutions à la crise sur tous les terrains : sociaux, écologiques et démocratiques. À la lumière de ce mouvement, une chose est maintenant acquise : la riposte de classe est de nouveau à l’ordre du jour, de nouveau sur la scène politique.
Sandra Demarcq
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 77 (11/11/10).
INTERPRO À TOURS : ON LÂCHERA RIEN !
À l’appel de l’assemblée générale (AG) interpro de Tours, regroupant syndicalistes (CGT, CNT, FSU, Sud-Solidaires, etc.) et non-syndiqués, travailleurs, étudiants, lycéens, chômeurs, retraités, a eu lieu le 6 novembre une première rencontre nationale interprofessionnelle de mandatéEs des AG qui se tiennent partout en France.
À ce moment décisif de la lutte contre la réforme des retraites, où le gouvernement et les médias annoncent la fin de la mobilisation, alors que les actions de blocage et de solidarité sont menées dans tout le pays pour appuyer les secteurs en lutte, l’objectif de cet appel était de coordonner l’action à une échelle plus large que celle des structurations locales et se doter d’un outil permettant d’échanger les expériences locales diverses et variées et d’organiser la lutte au-delà de l’échelle locale.
Cette rencontre a connu la participation de délégations de Laval, Le Havre, Angers, Béziers, Saint-Étienne, Roanne, Chambéry, Nantes, Angoulême, Cognac, Bayonne, Chinon, Nîmes, Tours, Saint-Denis, Rouen, Champigny, Paris-Est, Paris-Centre, Paris 5e-8e-10e, Vannes, Lille, Grenoble et Nancy (étaient excusées les villes de Aubenas, Agen, Brest, Rennes, Montpellier et Sarlat).
La rencontre a commencé par un tour des villes qui a permis de mettre en avant des caractéristiques largement partagées, un peu partout en France, et ce à plusieurs niveaux : actions de blocage plusieurs fois par semaine ayant un succès franc malgré le boycott par les médias ; motivation importante au sein des AG où les militants ne veulent rien lâcher ; absence dans plusieurs villes de soutien des intersyndicales malgré l’implication des équipes militantes combatives (notamment SUD et CGT).
Après un débat général sur la situation et les perspectives communes possibles, des actions ont été décidées collectivement, en plus des actions de toutes natures qui se déroulent localement au quotidien :
– une action symbolique le 11 novembre à 11 heures pour l’abrogation de la loi et en hommage aux morts au travail avant la retraite ;
– une journée d’action de blocage économique le 15 novembre ;
– une action symbolique consistant à brûler le texte de loi le jour de sa promulgation.
La prochaine rencontre aura lieu le 27 novembre à Nantes.
Mahmoud Tawri
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 77 (11/11/10).
BORDEAUX : NON À LA RÉPRESSION !
Vendredi 29 octobre, cinq militants de Solidaires 33 ont été arrêtés à la suite d’une tentative d’opération escargot sur le pont d’Aquitaine à Bordeaux. La police, de toute évidence au courant, a manifestement voulu taper fort puisque comme le raconte la journaliste de Sud-Ouest présente sur les lieux « Des dizaines de sirènes se mettent à hurler. Motos, voitures, fourgons des CRS, prévenus de l’opération, arrivent en trombe… » La soixantaine de militants est bloquée net.
Très vite, une centaine de militants Solidaires mais aussi FSU, FO, CNT, Confédération paysanne, NPA, PG ou GU se sont relayés devant le commissariat central où trois des militants arrêtés ont été mis en garde à vue jusqu’en début d’après-midi, avec retrait immédiat du permis de conduire pour un mois et risque de sanctions ultérieures.
Une répression et une garde à vue inadmissibles contre des militants protestant contre la réforme des retraites. Le NPA exige la levée de toutes les sanctions !
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 76 (04/11/10).
RÉPRESSION ANTIMILITANT À DUNKERQUE
Vendredi 22 octobre : nouvelle action de l’interpro du Dunkerquois pour élargir le mouvement de grève reconductible. Avec les syndicalistes de l’usine déjà en grève, des militants bloquent l’entrée du site Ascométal-Valdunes, pour permettre un meeting à ciel ouvert avec les travailleurs des équipes entrantes et sortantes. La police est présente mais discrète, et tout se déroule dans une atmosphère bon enfant. Mais ce n’est pas du goût de tous les flics : hors de la vue des manifestants, notre camarade de SUD CT et du NPA, Christian, tombe dans un véritable traquenard en voulant nous rejoindre. Un policier lui donne délibérément des ordres flous et contradictoires, et voilà Christian brutalement arrêté, menotté et conduit au commissariat en garde à vue avec un motif encore indéterminé, entre « refus d’obtempérer » et « tentative d’homicide avec arme [sa voiture] sur personne dépositaire de l’autorité publique » ! Ce sera finalement « violences volontaires avec arme » (chef d’accusation pour la convocation au tribunal le 10 décembre).
Notre camarade Christian se retrouve devant une accusation très grave (il risque la prison) : c’est un climat de peur envers les militants que cherchent à imposer les autorités. C’est leur seule réponse au puissant mouvement social qui s’est exprimé à Dunkerque par des manifestations fournies : régulièrement de 6 000 à 12 500 manifestants depuis septembre.
Un rassemblement de nombreux citoyens de tous horizons devant le commissariat, avant la manifestation du 28 octobre, a permis d’exprimer une première solidarité à Christian. Les syndicats SUD lui apportent un soutien très actif et le Syndicat de la magistrature s’occupe aussi du dossier de notre camarade.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 76 (04/11/10).