Le vendredi soir 9 mars, aux alentours de 21 heures, l’ISDA – l’organisme professionnel qui a la charge des contrats d’assurance contre le risque de crédit (les CDS ou « credit default swaps ») – a décidé de manière unanime, selon son communiqué, que la « coupe de cheveux » grecque était un « événement de crédit ». Autrement dit, les investisseurs assurés pourraient être remboursés. En effet, les CDS ne se déclenchent que si l’emprunteur (l’Etat grec) dénonce le contrat qui encadre l’emprunt. L’ISDA a jugé que le recours aux « clauses d’actions collectives » – tel que l’a fait le gouvernement grec – était conçu pour contraindre les créanciers qui ne voulaient pas une décote à l’accepter, ce qui implique que la restructuration n’est pas « volontaire ».
Le quotidien financier français Les Echos – article en date du 9 mars 2012, mis en ligne à 22h55, écrit par Isabelle Couet – indique que : « L’ISDA, l’association qui régit les CDS (« credit default swap »), a rendu son verdict, après six heures de délibération. Les CDS, qui fonctionnent comme des contrats d’assurance, seront déclenchés. Autrement dit, les investisseurs qui se sont assurés contre un défaut grec seront dédommagés.
L’ISDA avait réuni vendredi après-midi un comité composé de quinze vendeurs et acheteurs de CDS (10 banques d’affaires et 5 fonds d’investissement). Ils ont décidé que l’utilisation des Clauses d’action collectives par la Grèce pour forcer les créanciers privés à effacer une partie de sa dette représentait un événement de crédit, c’est-à-dire un défaut de la Grèce.
Les contrats d’assurance sur la Grèce représentent 3,2 milliards de dollars en net (une fois éliminées les positions vendeuses/acheteuses de chaque intervenant). C’est donc cette somme, au maximum, qui sera déboursée en guise de dédommagement.
Les spécialistes assurent que les banques qui jouent le rôle d’assureurs ne risquent pas la faillite et ont eu le temps de se prémunir contre ce risque. A ce stade, on ne sait pas quels sont les établissements concernés, car le marché des CDS est un marché de gré à gré, donc peu transparent.
Rendez-vous est pris pour le 19 mars, date à laquelle une enchère permettra d’évaluer précisément le montant des dédommagements. Selon Morgan Stanley, la valeur de recouvrement serait de 25 pour cent de la valeur faciale des titres. Cela veut dire qu’un détenteur de CDS (un « assuré ») peut espérer être remboursé sur chaque titre grec valant 100 dollars : 100 dollars moins 25 dollars, soit 75 dollars. Au final, si ce prix de recouvrement est bien celui qui ressort de l’enchère le 19 mars 2012, ce sont 2,4 milliards de dollars qui seront déboursés par les assureurs.
Les dirigeants européens, notamment la Banque centrale européenne, voulaient à tout prix éviter un déclenchement des CDS il y a encore un an. Désormais, cela ne semble plus les effrayer. »
On pourrait ajouter :
1° les banques qui pilotent la secrète ISDA (voir l’article de Katy Burne et de Tom Lauricella dans le Wall Street Journal du 29 février 2012) sont les suivantes : Credit Suisse, UBS, BNP-Paribas, Société Générale, Bank of America, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JPMorgan, plus quelques fonds d’investissement ;
2° ces banques contrôlent l’essentiel du marché des CDS ;
3° ces acteurs ont fait le maximum pour donner l’impression que les assurances ne fonctionneraient pas afin d’obtenir les meilleures conditions pour elles dans les négociations avec le gouvernement grec ;
4° elles donnaient l’impression – jusqu’au dernier moment – qu’elles auraient encaissé les primes des clients qui s’étaient assurés contre les risques sur les obligations grecques, mais ne rembourseraient rien ;
5° toutefois si les CDS n’étaient pas déclenchés – ce qui a été décidé le 9 mars au soir – ce marché, dont le volume est énorme (pas loin de 3000 milliards de dollars), aurait été tué ;
6° donc les banques se sont couvertes pour faire face à ce risque, puis l’ISDA décide, comme par hasard, de déclencher les CDS, de manière limitée, du point de vue du volume en jeu ;
7° ceux qui n’acceptent pas la transaction (une petite minorité) avec le gouvernement grec seront donc remboursés du montant perdu (puisque la décote n’est pas volontaire) ;
8° l’opération, pour eux, aboutit donc au paiement de ce qu’ils ont perdu, moins la prime d’assurance ; ils doivent y gagner ;
9° le problème est de savoir qui est, en dernière instance, gagnant et perdant, car la règle en la matière est de revendre un grand nombre de fois les CDS ; ce marché est « hors contrôle » grâce à la bienveillance des Etats qui respectent, à la lettre, la volonté de leurs seigneurs : les banquiers.
Rédaction de A l’Encontre