République des Philippines
CAPITALE : Manille
SUPERFICIE : 300 000 km2
POPULATION : 83,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Gloria Macapagal Arroyo
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié
Janvier - décembre 2005
De très nombreux militants de gauche ont été tués par des inconnus, dont beaucoup seraient liés aux forces armées. Les pourparlers de paix entre le gouvernement et divers groupes armés - qu’il s’agisse des séparatistes musulmans de Mindanao ou des insurgés communistes - n’ont guère avancé. Selon certaines informations, les opérations anti-insurrectionnelles menées par l’armée ont été marquées par des arrestations arbitraires, des meurtres, des actes de torture et des « disparitions ». Des groupes armés ont commis des exactions, notamment des prises d’otages. Bien souvent, dans ce genre d’affaires, les procédures de dépôt de plainte, les enquêtes judiciaires et les actions en justice n’aboutissaient à rien. Les suspects de droit commun placés en détention risquaient d’être torturés ou maltraités par la police, même les femmes et les enfants. Plusieurs personnes ont été condamnées à mort, mais aucune exécution n’a eu lieu.
Contexte
En juin, des allégations selon lesquelles la présidente Gloria Macapagal Arroyo aurait été mêlée à une affaire de fraude électorale et de corruption, lors des élections de 2004, ont fait monter la tension sur la scène politique. Face aux pressions de l’opposition, qui appelait la population à manifester dans la rue, 10 membres du gouvernement ont démissionné le mois suivant. La présidente a rejeté les accusations dont elle faisait l’objet et, dans le souci de désamorcer la crise, s’est prononcée en faveur de réformes constitutionnelles, proposant notamment que le régime présidentiel soit remplacé par un régime parlementaire fédéral. Une motion déposée par l’opposition et visant à démettre la présidente de ses fonctions a finalement été rejetée par le Congrès en septembre.
Insurrection communiste et processus de paix
Les pourparlers de paix entre le gouvernement et le National Democratic Front (NDF, Front démocratique national) - représentant le Communist Party of the Philippines (CPP, Parti communiste des Philippines) et sa branche armée, la New People’s Army (NPA, Nouvelle Armée du peuple) - n’avaient toujours pas repris. Pour renouer le dialogue, le NDF exigeait que le gouvernement intervienne auprès des États-Unis et de leurs alliés afin qu’ils cessent de qualifier la NPA d’« organisation terroriste étrangère ». Les pourparlers étant dans l’impasse, les travaux du comité de surveillance mixte chargé d’examiner les plaintes pour atteintes aux droits humains et violations du droit international humanitaire commises par les deux parties n’ont guère avancé. Les engagements pris par le gouvernement concernant la libération de certains prisonniers politiques n’ont été que partiellement tenus. Au moins 251 prisonniers politiques arrêtés dans le cadre des opérations anti-insurrectionnelles restaient apparemment en détention.
Les attaques de la NPA contre des cibles gouvernementales et les affrontements entre l’armée Philippine et les troupes de la NPA se sont poursuivis tout au long de l’année. Des personnes soupçonnées d’appartenance à la NPA ainsi que des sympathisants ont été arrêtés arbitrairement, torturés, exécutés sommairement, ou bien ont « disparu ».
Une femme âgée de soixante ans, Angelina Bisuna Ipong, a été enlevée en mars par des homes armés et masqués dans la province de Misamis-Ouest (Mindanao). Les yeux bandés, elle a été transférée pendant huit jours de camp militaire en camp militaire, sans aucun contact avec l’extérieur. Elle affirme avoir été torturée et maltraitée pendant son interrogatoire. Elle aurait notamment subi des sévices sexuels et d’autres violences physiques. Angelina Bisuna Ipong a été inculpée après avoir, semble-t-il, « avoué » sous la contrainte faire partie des responsables du CPP de sa région.
Quatre paysans de la province de Compostela Valley (Mindanao) ont été arrêtés en avril par des militaires qui, selon certaines informations, les accusaient d’appartenir à la NPA. Adreano et Joseph Otida, Malaquias Sampan et Joshua Bustillo ont affirmé avoir été tortures pendant leur détention par l’armée. Ils auraient notamment reçu des coups de pied au visage, à la poitrine et au ventre, et des coups de poing. Ils auraient également été frappés avec des fusils et des pierres.
En juin, Elmer Osila, l’un des responsables de la NPA, a été arrêté par des soldats à un barrage dans la province d’Albay, sur l’île de Luçon. Il aurait, selon son témoignage, été torturé au cours de son interrogatoire. On l’aurait notamment à moitié étouffé avec un sac en plastique et soumis à des décharges électriques. Des enquêteurs envoyés par la Commission philippine des droits humains ont relevé, trois jours après son arrestation, des marques sur son corps qui tendaient à confirmer ses affirmations.
Augmentation des meurtres de militants de gauche
Le nombre d’agressions contre des militants de gauche et des militants associatifs a nettement augmenté en 2005. Au moins 66 personnes ont ainsi été tuées par balle. La plupart de ces attentats étaient l’œuvre d’individus non identifiés circulant à moto, parfois masqués ; ils étaient souvent désignés comme étant des membres de groupes d’autodéfense ou des tueurs à gage liés à certains éléments des AFP.
Les personnes soupçonnées d’appartenir au CPP ou à la NPA n’étaient pas les seules visées. Les militants de certains partis de la gauche politique légale, comme Bayan Muna (Le Peuple d’abord) ou Anakpawis (Les Masses laborieuses), risquaient également d’être la cible des tueurs, tout comme divers défenseurs des droits humains ou militants locaux, des prêtres, des collaborateurs de l’Église ou des avocats considérés par les autorités comme des sympathisants communistes au sens large. Certaines provinces auraient connu une recrudescence des assassinats après que des commandants locaux de l’armée eurent accusé des organisations de gauche de servir de façade légale à la NPA.
Le climat d’impunité profitant aux auteurs de tells crimes s’est accentué, car les enquêtes, peu efficaces, ne débouchaient en général pas sur la comparution en justice des responsables présumés. Selon certaines informations, les témoins avaient bien souvent trop peur pour venir raconter ce qu’ils avaient vu.
En mars, Felidito Dacut, avocat et coordonnateur régional de Bayan Muna, a été abattu à Tacloban, sur l’île de Leyte, par deux inconnus circulant à moto.
En mai, le révérend Edison Lapuz, pasteur et lui aussi membre de Bayan Muna, a été abattu par des inconnus à San Isidro (Leyte). Il avait fait partie d’une commission d’enquête sur les circonstances du meurtre de Felidito Dacut. Au moins 25 militants de gauche et autres activistes auraient « disparu ».
Processus de paix à Mindanao
Bien que périodiquement violé, l’accord de cessez-le-feu conclu entre le gouvernement et les séparatistes du Moro Islamic Liberation Front (MILF, Front de libération islamique moro) et contrôlé par des observateurs militaires envoyés par la Malaisie et le Brunéi Darussalam était toujours en place à Mindanao. Les pourparlers de paix se sont poursuivis, de façon informelle et par intermittence.
Le MILF a boycotté en août les élections locales dans les cinq provinces de la Région autonome de Mindanao musulman (RAMM), mises en place en 1990 et dont l’administration avait à sa tête des dirigeants du Moro National Liberation Front (MNLF, Front de libération nationale moro) depuis l’accord de paix de 1996. Des accrochages entre l’armée et d’anciens membres du MNLF ou des militants du groupe séparatiste musulman armé Abu Sayyaf ont été signalés de temps en temps. Les combats qui ont eu lieu en février sur l’île de Jolo se sont traduits par le déplacement de plus de 25 000 civils.
Selon les informations recueillies, le groupe Abu Sayyaf ainsi que des éléments incontrôlés du MNLF et du MILF seraient impliqués dans des enlèvements avec demandes de rançon.
Fonctionnement de la justice
La population n’avait toujours qu’une confiance très limitée dans la capacité des pouvoirs publics à rendre la justice et à enquêter dans les meilleurs délais, et de manière approfondie et impartiale, sur les atteintes aux droits humains et les infractions en général.
Les mesures censées garantir l’équité des procès et les droits des personnes placées en détention n’étaient guère appliquées et les suspects de droit commun incarcérés pendant de longues périodes à des fins d’« enquête » risquaient toujours d’être torturés ou maltraités par la police nationale. Les victimes d’atteintes aux droits humains étaient la cible de manœuvres d’intimidation et avaient beaucoup de mal à obtenir réparation, d’autant plus que les témoins ne bénéficiaient pas d’une protection efficace. Les personnes appartenant aux catégories les plus pauvres ou marginalisées étaient particulièrement démunies.
Le manque de confiance en l’action de la justice expliquait en partie l’attitude de l’opinion publique, qui acceptait manifestement comme un moindre mal les meurtres de suspects de droit commun, voleurs et enfants des rues compris, par des groupes d’autodéfense liés, selon certaines informations, aux autorités municipales ou à la police nationale. Plus de 90 homicides de ce type ont été signalés à Cebu et une centaine au moins à Davao.
Des journalistes ont également été la cible d’attentats. Au moins sept d’entre eux ont été tués par des inconnus, en raison, semble-t-il, de leurs activités professionnelles. Fait exceptionnel, un policier a été reconnu coupable en novembre du meurtre, en 2002, d’un journaliste de radio. Il a été condamné à l’emprisonnement à vie.
Malgré l’existence de toute une série de garanties juridiques et procédurales, les mineurs en détention risquaient toujours d’être victimes de sévices sexuels ou d’autres violences physiques et continuaient de vivre dans des conditions déplorables. Certains enfants étaient détenus avec des adultes dans des locaux surpeuplés et risquaient donc d’être maltraités par d’autres prisonniers.
Des détenus adultes, hommes et femmes, continuaient également de vivre dans des conditions inhumaines. Un certain nombre de brutalités de la part des autorités ont été signalées.
En mars, 26 prisonniers, appartenant pour la plupart à des groupes armés musulmans, ont été tués lors de la reprise en main, par la police, de la prison de Bagong Diwa, à Bicutan, où une tentative d’évasion avait tourné à la mutinerie. Les prisonniers auraient été abattus alors qu’ils tentaient de se rendre. Trois surveillants et un policier ont également été tués lors de ces événements.
Peine de mort
Les tribunaux ont continué de prononcer des condamnations à la peine capitale tout au long de l’année, malgré les informations selon lesquelles les garanties relatives à l’équité des procès n’étaient pas toujours respectées. Fin 2005, 1 214 personnes se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort. Aucune exécution n’était toutefois à déplorer, la présidente de la République ayant cette année encore commué la peine de plusieurs détenus dont la condamnation avait été confirmée par la Cour suprême et dont l’exécution était par conséquent imminente. À la fin de l’année, plusieurs projets de loi portant sur l’abrogation de la peine de mort étaient examinés par des commissions du Congrès.
Bien que leurs dossiers soient en permanence réexaminés par les tribunaux, au moins 22 jeunes gens restaient sous le coup d’une condamnation à mort pour des faits commis alors qu’ils n’avaient pas dix-huit ans. La loi indiquait pourtant clairement qu’un mineur délinquant ne pouvait être ni condamné à mort ni exécuté.