Plus d’un million de personnes se sont donné rendez-vous, le 16 septembre, dans la capitale mexicaine pour participer aux travaux de la Convention nationale démocratique (CND), une initiative qui prouve que la mobilisation sociale provoquée par la fraude électorale du 2 juillet est loin d’être finie. Ce gigantesque rassemblement est venu s’ajouter à la vague de résistance sociale qui secoue le pays depuis plusieurs mois, et il confirme l’ampleur de la crise politique.
La CND peut être interprétée de deux manières. Soit il s’agit du point d’orgue des protestations contre la fraude électorale qui a porté Felipe Calderón, candidat de la droite, à la présidence du Mexique. Soit c’est un nouveau point de départ de la mobilisation politique, qui cherche à éta- blir les bases d’une « nouvelle République », et à promouvoir une nouvelle Constitution.
À la publication des premiers résultats, d’innombrables campements se sont installés en plusieurs points stratégiques de Mexico. Pendant 48 jours, sur huit kilomètres, des centaines de tentes ont servi d’abris, mais aussi de points de rencontre et de débat, à des milliers de sympathisants d’Andrés Manuel López Obrador (Amlo), candidat de la coalition « Pour le bien de tous » et dirigeant du Parti de la révolution démocratique (PRD).
En proclamant Amlo « président légitime », la CND a établi qu’elle ne voulait pas de Felipe Calderón comme président des Mexicains. Son « gouvernement parallèle », au caractère « itinérant », sillonnera le pays. Les résolutions de la CND ouvrent la perspective d’une polarisation sociale encore plus importante que celle que le pays vit depuis mai dernier, lorsque le gouvernement de Vicente Fox prit la décision de réprimer brutalement les habitants de San-Salvador-Atenco, une ville située dans l’État du Mexique où la population s’est opposée, de manière victorieuse, en 2001, à la construction d’un nouvel aéroport. À cela s’est ajoutée la répression contre les mineurs, les professeurs et les habitants de l’État de Oaxaca (lire Rouge n° 2172). Mais la CND a un défaut structurel. L’organisation politique qu’Amlo représente, le PRD, n’est autre que le parti qui a accepté que ses députés et sénateurs, élus lors des élections frauduleuses qu’il dénonce, siègent au Parlement et que les quatre gouverneurs du PRD acceptent de négocier avec le nouveau gouvernement. Le PRD s’est également allié avec le Parti d’action nationale (PAN) de Calderón et le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) pour trahir les revendications des Indiens du Mexique, qui souhaitaient la reconnaissance de leurs droits. Certes, la CND est un front bien plus large que le PRD, mais il reste à savoir comment Amlo et le PRD soutiendront les résolutions de la CND.
Quid de l’« Autre campagne » et de ceux qui ont signé, fin 2005, la sixième déclaration de la forêt Lacandone ? Après la féroce répression d’Atenco, le sous-commandant Marcos (« délégué zéro ») a interrompu sa tournée dans le pays pour aider à organiser la lutte pour la libération des prisonniers politiques, car il y a encore 29 détenus dans les geôles du gouvernement foxiste. L’initiative d’organiser un large secteur de la population reste en suspens...
certains, dans le mouvement qui soutient Amlo, affirment que la défaite est la faute des zapatistes, qui n’auraient « pas donné leur appui », bien que ceux-ci aient été les premiers à dénoncer la fraude électorale. Lors d’une interview au journal La Jornada, le « délégué zéro » a souligné : « Nous ne sommes pas les amis d’Amlo. Nous sommes ennemis de toute la classe politique. Nous ne sommes pas du même côté, et cette rupture est née en 2001 lorsqu’ils [le PRD] ont soutenu la contre-réforme indigène. » Le 13 septembre, la commission de la sixième déclaration de la forêt Lacandone a informé que la tournée du « délégué zéro » dans le pays sera relancée le 9 octobre prochain.