Salle comble, le samedi 25 janvier, pour l’initiative de la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac). Dans son introduction, Maya Surduts est revenue sur la nécessité de rester vigilantes pour conserver et étendre le droit de choisir. Rien n’est jamais acquis, en particulier pour les femmes, dans un contexte politique difficile et lourd de menaces pour l’ensemble des droits sociaux. De nouvelles offensives ont lieu pour contester et fragiliser le droit fondamental des femmes à l’avortement et à la contraception.
Françoise Laurant, du Planning familial, a montré en quoi ce droit est un enjeu politique majeur. Dix ans après la conférence du Caire, l’impérialisme des Etats-Unis entend imposer son ordre moral dicté par Bush. Il a supprimé les financements aux organisations de l’ONU qui oeuvrent à la mise en place de programmes de contrôle des naissances. Dans les conférences internationales, les délégués étasuniens se présentent comme des alliés objectifs des courants intégristes qui s’opposent aux droits des femmes à disposer librement de leur corps.
L’inégalité des situations est encore criante. Au Portugal et en Irlande, les lois sur l’avortement sont extrêmement restrictives. La justice portugaise a condamné à huit ans et demi de prison une femme qui pratiquait des interruptions volontaires de grossesse (IVG). L’Union européenne préconise sa légalisation mais, sans une mobilisation d’ensemble et une solidarité des femmes à cette échelle, l’Europe des droits des femmes restera un vain mot. Les droits des femmes ne figurent pas dans la Convention, pas plus qu’ils ne sont retenus comme critères pour l’élargissement de l’Union, au grand désespoir des féministes polonaises qui comptaient sur cette perspective pour recouvrer le droit à l’IVG.
En France
La loi du 4 juillet 2001, même si elle ne satisfait pas toutes nos revendications, a constitué une avancée : pour la première fois, avortement et contraception sont reconnus, ensemble, comme un véritable droit. Ce texte a mis fin aux discriminations que subissaient les mineures. Les délais pour avorter ont été allongés, même si on est encore loin de ceux pratiqués au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. L’accès aux avortements pour raisons médicales a été assoupli. Cette loi est un point d’appui et un camouflet pour les tenants de l’ordre moral toujours aussi actifs. Cependant, dans la réalité, ces avancées restent bien souvent lettre morte.
Pour Françoise Gaudry (MFPF), les problèmes sont nombreux, la question centrale reste la pénurie de moyens dans les centres d’IVG et les hôpitaux publics. Aucune politique offensive n’a été engagée. La formation des médecins est insuffisante, voire inexistante, les avortements de dix à douze semaines de grossesse ne sont pratiqués que dans très peu de structures et il est courant de devoir attendre deux à trois semaines pour obtenir un rendez-vous. De ce fait, des femmes qui ont fait leur demande à temps sont, encore et toujours, contraintes d’aller avorter à l’étranger. Les services privés refusent cette pratique, faute de revalorisation de l’acte médical (ce n’est pas rentable). Les mineures ont de réelles difficultés à faire reconnaître « l’adulte référent » de leur choix depuis la suppression de l’autorisation parentale. De plus, la possibilité d’avortement médicamenteux dans les cabinets médicaux en est au point mort, de même que la campagne d’information sur la contraception prévue par la loi et le remboursement d’une pilule de troisième génération. Le vote d’une loi est donc bien insuffisant quand rien n’est prévu pour l’appliquer.
Dans ce contexte, le CIVG de la maternité des Lilas, dirigé par Marie-Laure Brival, fait figure d’exception. L’étude réalisée par ce service montre que la pratique des IVG à douze semaines ne pose aucun problème, contrairement à l’argument avancé par de nombreux praticiens. De plus, les interruptions médicales de grossesse peuvent être réalisées quand la santé de la femme est mise en danger. A ce titre, il faut rappeler que la définition de la santé d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et qui n’est pas démentie par la loi, est autant physique que morale et sociale. De ce fait, avec le soutien de deux médecins, une femme peut obtenir le droit d’avorter après douze semaines. Cet exemple montre bien que l’application de la loi est une affaire de conviction politique. Avorter est un droit et rien, ni personne, ne doit empêcher les femmes de l’exercer.
A ce titre, notre principal adversaire est Jean-François Mattei, ministre de la Santé. Valérie Haudiquet (Cadac) a fort bien rappelé son intervention dans le débat avant le vote de la loi. En juillet 2001, il s’était opposé subtilement à ses avancées en se faisant le garant du pouvoir de décision médical. Aujourd’hui, il ne lui est pas difficile d’étouffer la pratique de l’avortement en s’abritant derrière toutes les pénuries du secteur public. Comme l’a réaffirmé Christine Delphy, il est temps de reprendre l’offensive. L’initiative de la Cadac doit servir de point de départ pour continuer les débats mais surtout pour passer à l’action !