Le moins que l’on puisse dire est que ces annonces ne constituent pas à proprement parler des scoops ! Depuis des mois, voire des années, personne ne doutait qu’ils seraient candidats. D’où la tentation de focaliser l’attention non sur le fond politique, mais sur les questions de communication : Sarkozy a-t-il raté son coup avec la presse régionale ? Bayrou a-t-il réussi le sien avec son discours sur fond de vallée pyrénéenne ? Et que dire de la bataille de slogans affligeants, « l’ordre juste » de Ségolène Royal étant désormais en compétition avec la « rupture tranquille » de Nicolas Sarkozy et « la France de toutes nos forces » de François Bayrou ? C’est donc cela, une élection présidentielle, la fameuse élection phare de la Ve République ?
Pourtant, derrière les mots piégés, il y a bien des orientations politiques et l’annonce de moments encore plus difficiles pour le monde du travail et la jeunesse. Le jour même de l’annonce « officielle » de sa candidature, sur France 2, Sarkozy a tenté de nous vendre « une France où tout serait possible », où l’on pourrait gagner plus... à condition, bien sûr, de travailler plus ! Sans beaucoup d’originalité, il essaie, pour s’adresser aux couches populaires et à l’électorat de gauche, de refaire le coup de la fracture sociale, qui avait si bien réussi à Chirac en 1995. Sa proximité avec le Medef, ses liaisons multiples avec les grands groupes industriels et financiers, sa volonté farouche de détruire les derniers vestiges du « modèle social français » pour lui substituer celui en vigueur aux États-Unis enlèvent toute crédibilité à son discours « social ».
Et, très vite, le naturel revient au galop : ce sont surtout les électeurs du Front national que Sarkozy tente de séduire. Et pour cela, la recette est éprouvée et immuable : un discours musclé sur l’insécurité. Ainsi, en a-t-il remis une couche sur la contre-réforme de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs : « Pour un mineur récidiviste entre 16 et 18 ans, l’excuse de minorité sera automatiquement supprimée, il doit être condamné comme s’il était majeur. » Il a aussi réaffirmé sa volonté d’imposer des « peines plancher ». L’appel à plus de répression, les jeunes désignés comme boucs émissaires des difficultés de la vie dans les quartiers alors qu’ils en sont les victimes, le soupçon ou la dénonciation du « laxisme » de la justice : rien de tout cela n’est bien nouveau. C’est, depuis des années, le discours de Sarkozy et du gouvernement. C’est surtout, depuis des années, la politique en actes d’un gouvernement dont Sarkozy est le numéro deux. Évoquer, à ce propos, la « rupture », comme Sarkozy peine à en accréditer l’idée, est une sinistre plaisanterie : ce qu’il propose, c’est de continuer la même politique de discrimination et d’exclusion sociale, en l’aggravant. Son parcours politique, ses appels du pied à l’extrême droite, ses propositions pour 2007 le confirment : pour les couches populaires et pour la jeunesse, cet homme, à l’ambition dévorante, est un ennemi dangereux. Dénoncer cette menace pour les libertés, assurer sa défaite en lui opposant une alternative sociale et démocratique seront au cœur de la campagne d’Olivier Besancenot.
François Bayrou, lui, tente de s’imposer sur la base du rejet populaire de l’alternance douce entre droite dure et gauche molle, entre équipes UMP et équipes PS qui, depuis plus 30 ans, se succèdent au gouvernement et à l’Assemblée nationale pour mener des politiques si peu différentes. Lui aussi cherche à surfer sur le thème de la « rupture ». Mais c’est pour mieux promouvoir une « grande coalition » gouvernementale et parlementaire réunissant, sous la houlette du nouveau président - Bayrou lui-même, bien sûr ! -, des politiciens de droite et des politiciens de gauche, mais « raisonnables », ayant dépassé le clivage « gauche/droite ». Un remède sans doute pire que le mal ! Si cette politique prenait de l’ampleur, elle contribuerait, tout comme l’alternance entre droite libérale et gauche libérale, au développement du vote pour l’extrême droite, comme seul vote permettant d’exprimer le mécontentement social et l’opposition au système.
Face à ces diverses tentatives, l’affirmation d’une alternative anticapitaliste qui s’attaque résolument à la désespérance populaire et remet au centre du débat politique les questions sociales et la lutte contre les discriminations constitue la seule réponse efficace.