Vue sur un camp de travail à Kunming, province du Yunnan, le 22 novembre 2013, au moment de l’annonce de l’abolition de la “rééducation par le travail”. REUTERS/John Ruwitch
Des dizaines de milliers de personnes sont actuellement détenues dans des “camps de transformation par l’éducation” au Xinjiang, région de l’ouest de la Chine. C’est ce que montre le chercheur Adrian Zenz, indique l’historien Rian Thum dans un article publié par le New York Times. Ces informations sont aujourd’hui corroborées par un rapport de l’organisation Human Rights Watch, basé sur des témoignages d’anciens détenus.
Depuis 2017, de rares témoignages font état de l’existence de ces camps en théorie disparus de l’arsenal répressif chinois. Un Chinois de la minorité Kazakh avait ainsi déclaré en avril dernier à Radio Free Asia avoir été détenu pendant quatre mois dans l’un de ces camps, au Xinjiang, et y avoir rencontré des personnes détenues depuis plusieurs années.
Un système d’appels d’offres lancés sur Internet
Dans son rapport, Adrian Zenz, directeur de recherches à l’École européenne de culture et de théologie, près de Stuttgart, en Allemagne, s’appuie sur des documents officiels – comptes rendus de réunions et articles de presse du Parti – prônant la construction de “Centres de formation pour la transformation par l’éducation” (jiaoyu zhuanhua).
Il va plus loin en fournissant des preuves de la renaissance des camps : un système d’appels d’offres pour la construction et la gestion de nouveaux centres, lancés sur Internet. Les informations utilisées proviennent de 73 appels d’offres de construction de bâtiments ou de fourniture de matériaux, pour un montant total de 680 millions de yuans (90,5 millions d’euros) dépensés depuis 2016. Le chercheur souligne également la multiplication des annonces de recrutement en lien avec ces camps, consultables sur Internet.
La population du Xinjiang, majoritairement turcophone et musulmane, fait l’objet d’une vaste campagne de répression et de surveillance destinée à mater les oppositions. Une série d’événements violents, attentats et émeutes, a depuis 2009 coûté la vie à des centaines de personnes. Or, depuis 2016, à l’arrivée à la tête du Parti communiste de la région autonome ouïgoure du Xinjiang de Chen Quanguo, les mesures de répression se sont intensifiées. C’est dans le cadre d’une campagne contre les mouvements qualifiés par les autorités d’extrémistes que les camps ont été réintroduits.
Finalement, pas d’abolition de la rééducation par le travail
Les autorités chinoises nient l’existence de tels centres de détention, qui ont en théorie disparu avec l’abolition en 2013 de la “rééducation par le travail” (laojiao en chinois). C’était alors l’aboutissement d’une longue et intense mobilisation des défenseurs des droits de l’homme contre un système d’incarcération administrative reposant seulement sur une décision de la police, qui durait depuis des décennies. En l’abolissant à son arrivée au pouvoir, Xi Jinping accordait un gage d’intérêt à la société civile, qui espérait beaucoup le voir s’engager dans le sens d’une libéralisation de la société. Depuis, une forte campagne de répression contre les ONG a réduit ces espoirs à néant.
Courrier International
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