On parle de 20 000 GI en plus en Irak et d’une proposition de financements supplémentaires sans précédent. Or, avant même une annonce officielle complète, les leaders démocrates affirment déjà, et une fois de plus, qu’il est « trop tôt » pour utiliser leurs nouveaux pouvoirs et bloquer ces mesures, certains allant même jusqu’à affirmer que cet usage des pouvoirs du Congrès serait anticonstitutionnel, parce qu’il reviendrait sur le feu vert donné par le Congrès au président Bush pour cette guerre. Le sens de l’expression « pas de chèque en blanc à Bush » est alors bien vague, et la politique de la nouvelle majorité en la matière se résume à la promesse de grandes enquêtes d’État et à des déclarations évoquant un nouveau Viêt-nam - qui cesseraient peut-être si on les interrogeait sur la politique des démocrates Kennedy et Johnson...
La comparaison avec le Viêt-nam a au moins le mérite de rappeler que, pendant qu’à Washington chacun salue l’exécution de Hussein et prépare déjà les élections de 2008, la barre symbolique des 3000 militaires tués est franchie par l’armée « victorieuse » de 2003 (plus de 90 % des tués l’ont été depuis la « fin » de la guerre). Mais quelle a été l’attitude générale des démocrates au cours de leurs premiers mois à la majorité législative ? Comme pendant la campagne, elle a consisté à suivre les républicains de près, et à se contenter de promettre de revenir sur quelques cadeaux aux grandes entreprises. Bien des aspects de la politique de l’administration Bush depuis 2001 ne sont donc pas concernés par leurs projets de réformes, d’autant qu’une partie de la minorité démocrate d’alors lui a souvent prêté main-forte. Les démocrates fixent les mêmes objectifs que les républicains en termes de budget et de fiscalité : une austérité laissant intact le véritable État-providence consolidé par Bush pour patrons voyous. Le sacro-saint budget de la défense ne devrait subir aucune altération majeure.
Sur la question de la guerre elle-même, les démocrates pensent surtout bénéficier de l’impopularité de Bush, sans prendre le risque de s’engager contre leurs nombreux alliés capitalistes, ce qui explique que peu d’entre eux demandent un vote du Congrès sur les décisions stratégiques. Bush a donc suffisamment de marges dans les institutions pour mener sa politique. Il peut même envisager un veto sur certains projets des démocrates, sur des questions qui divisent comme la recherche sur les cellules souches. Malgré son impopularité actuelle et persistante, il espère au moins reconquérir la majorité grâce à une abstention de masse, et préfère déjà courtiser les grandes entreprises pour soigner le budget... de la campagne 2008, tout comme ses « meilleurs ennemis » démocrates. Cette situation rappelle une nouvelle fois le degré d’organisation des forces capitalistes et impérialistes aux États-Unis, en compétition incessante pour le pouvoir.
Avec la poursuite des escalades politiques et militaires, et si la stabilité et le bilan humain continuent à se détériorer en Irak, une part grandissante de la population pourrait se rallier à un mot d’ordre clair de retrait. Même si les deux partis s’emploieront, chacun à leur façon, à éviter des prises de conscience aussi nettes et massives, le renforcement du mouvement antiguerre est donc possible et revêt une importance stratégique. Faire toute la lumière sur les responsabilités des politiciens des deux partis, dénoncer les intérêts auxquels le crime profite, c’est avancer dans la perspective d’une unification des luttes contre toutes les politiques antisociales, pour une autre société et un autre monde.