“Zhang Shengye, diplômé de l’université de Pékin en 2018, a été kidnappé par une dizaine de personnes en tenue noire dans la soirée du 9 novembre, dans le campus”, a révélé “La déclaration sur la disparition des camarades de l’université de Pékin”, deux jours après l’affaire, sur les réseaux sociaux. Cette déclaration rédigée par des étudiants de la même université indique que “deux autres diplômés ont en même temps été portés disparus”.
“Je ne sais pas au nom de quel pouvoir particulier ces personnes peuvent violer les lois et les règlements”, a tempêté Yu Tianfu, étudiant en histoire. Au moment des faits, sur place, Yu a également été victime de cette mystérieuse violence. “Ils ont non seulement kidnappé un ancien étudiant sur le campus, mais, aussi, frappé les étudiants qui passaient comme moi. Certains ont essayé de filmer cette scène de violence, ils ont été frappés à terre et obligés de supprimer la vidéo sous la menace”, se souvient Yu dans un communiqué. “Si ce n’est pas un acte de mafia, qu’est-ce que c’est ?” s’interroge-t-il.
Si, par prudence, les étudiants n’ont pas identifié les personnes violentes, certains Chinois désignent clairement le pouvoir. “La gestion du campus est très stricte, les personnes extérieures n’ont aucune possibilité d’y pénétrer et d’y créer des problèmes”, estime Tao, juriste, sur Radio Free Asia. “Vingt-neuf ans après l’affaire du 4 juin (massacre de Tian’anmen en 1989, où le mouvement prodémocratie des étudiants a été réprimé dans le sang par les autorités), c’est la première fois qu’un acte de violence des policiers civils se produit dans le campus de l’université de Pékin. Cela a provoqué une grande inquiétude”, selon cette radio.
Empêcher la création d’un syndicat
Spontanément, le lien a été fait entre la disparition des étudiants et leur soutien au mouvement ouvrier de la société de robotique Jasic à Shenzhen, qui se mobilise depuis juillet pour la création de leur syndicat, afin de revendiquer leurs droits. “Le mouvement ouvrier de Jiashi est soupçonné d’être incité par des ONG étrangères. Plusieurs représentants ouvriers et du personnel d’ONG ont été arrêtés”, rapporte Ming Pao, journal de Hong Kong.
Deux anciennes étudiantes de l’université de Pékin, Gu Jiayue et Yue Xin (diplômées de 2016 et de 2018), ont été arrêtées le 24 août par la police en raison de leur soutien aux ouvriers de Jasic. “Leur famille n’a reçu aucun document juridique ni avis”, indique une déclaration, rédigée par des étudiants “le groupe pour la recherche des camarades Yue (cette prononciation est dans les nom ou prénom de deux disparues)”. Or, le kidnapping de Zhang Shengye n’est que la suite de cette affaire, car Zhang est l’un des organisateurs de ce groupe.
Ces étudiants disparus “ont une caractéristique commune : ils suivent de près, depuis longtemps, les droits de la classe vulnérable. Ils soutiennent activement les revendications des ouvriers pour leurs droits”, souligne la déclaration du groupe de soutien aux étudiants disparus de l’université de Pékin.
Fondée en 1898 à la fin de la dynastie Qing, hors son statut académique, l’université de Pékin est un symbole culturel national, qui porte “l’esprit de la liberté et de l’indépendance de la pensée”. Les moindres mouvements dans cette université attirent l’attention du public, mais cette fois, face à la mobilisation des étudiants sur les réseaux sociaux, la presse chinoise n’en a pas dit un mot.
Zhang Zhulin
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