Nous y sommes. La campagne Bové semble avoir enfin trouvé son élan dans la dernière dizaine de jours. C’est sans doute un peu tard, mais cela valide pleinement le pari lancé début février.
Une campagne collective, sans appareil, avec des personnes de traditions militantes très diverses et un candidat sans expérience directe du champ politique : quelle audace ! Et effectivement cela n’a pas été facile.
D’abord il a fallu rendre possible cette campagne ; la course éperdue aux signatures fut gagnée à l’arrachée : 503 paraphes sur la ligne d’arrivée dont les derniers furent héroïquement récoltés outre mer alors que les compteurs étaient déjà bloqués en métropole !
Puis il a fallu caler politiquement et formellement cette candidature. José Bové a semblé dans un premier temps un peu paralysé par son nouveau statut. Ce soir là où face au public de TF1 il avance, sourire crispé, les bras croisés dans sa chemise en jean et où il sera un peu bousculé par les questions est une bonne illustration de cette première phase. La campagne bégaye : José est épuisé par ce nouveau rythme, il peine à prendre ses repères au sein d’une équipe de campagne encore mal stabilisée, mal armé pour répondre sur l’ensemble des thèmes sur lesquels un candidat à la présidentielle est attendu, ses arguments manquent de tranchants. Puis il cherche les formules, avec quelques couacs, pour faire passer précisément son positionnement politique : sur l’unité des forces antilibérales, sur le PS, sur la spécificité de sa candidature, sur l’articulation des priorités de la campagne.
Du point de vue de l’organisation tout n’est pas simple non plus : sites web, tracts et affiches, organisation des meetings... les imperfections ont été nombreuses et pour certaines durables. Ces meetings de début de campagne qui n’en finissaient pas ou encore la jungle qu’était la vitrine web ont éreinté plus d’un électeur ou une électrice potentielle.
En dépit de ces difficultés, on a appris en avançant ! A force de discussions, de rencontres, d’amélioration des arguments, de peaufinage de l’organisation, la dernière ligne droite de cette campagne est presque idéale. Et en tous cas, le message est limpide.
* C’est une candidature qui met au même niveau l’urgence sociale, l’urgence écologique et la lutte contre toutes les discriminations. Incompatible avec le social-libéralisme, elle exclut toute participation à un gouvernement avec le Parti Socialiste. Elle assume que la politique proposée passe par une nécessaire confrontation avec les intérêts financiers et une rupture avec les institutions du néolibéralisme global.
* C’est une candidature, la seule, qui rassemble des personnes venues de diverses sensibilités politiques et de divers secteurs sociaux. C’est la seule qui ambitionne de faire émerger une véritable alternative politique en appelant à l’unité face au libéralisme, qu’il soit de la gauche molle ou de la droite dure. L’invitation lancée à plusieurs reprises, et encore sur France 2 le 20 avril, au PCF et à la LCR à faire des candidatures communes aux législatives, est une nouvelle démonstration de ce qui fonde cette campagne : construire dans la rue comme dans les urnes un rassemblement des résistances ; constituer un front des solidarités pour se donner les moyens d’imposer une alternative au capitalisme libéral, de rompre avec le productivisme et de mettre fin aux discriminations.
* C’est une candidature qui ne méprise pas les enjeux de la bataille électorale pour avoir des points d’appui dans les institutions, mais ce n’est pas une candidature naïve ou pantouflarde : il n’y a pas eu de trêve pré-électorale dans les luttes salariales et écologistes ou au côté des sans-papiers et c’est tant mieux ! Quelle que soit l’issue de ces élections, résistances, expérimentations et désobéissance vont continuer car c’est indispensable pour limiter la casse et accumuler des forces de transformations.
Cette orientation politique rencontre un grand écho, elle correspond à une véritable attente. Le quasi tour de France des quartiers populaires réalisé par José a permis de faire passer le message : mercredi, du Mirail à la Reynerie à Toulouse, c’est une population acquise avec laquelle il a dialogué pendant plusieurs heures. C’est la même impression qui ressort des derniers meetings : 4000 personnes dimanche au Grand Souk Populaire place Stalingrad à Paris, 2000 personnes mardi à Lyon, 4000 personnes mercredi à Toulouse. C’est non seulement l’affluence qui est remarquable, mais aussi l’ambiance déterminée et la composition du public. Alors que les jeunes étaient peu nombreux en début de campagne, ils ont assisté en masse aux dernières réunions.
La pression en faveur d’un vote censément utile pour Mme Royal au premier tour ne devrait pas parvenir à casser ce regain de mobilisation. D’abord, l’écart est important entre la candidate du parti Socialiste et Le Pen. Ensuite, la politique qu’elle propose, catastrophiquement droitière sur une série de questions (du drapeau au CPE de gauche..), est absolument désespérante : « Est-ce que le vote utile consiste à maintenir le système tel qu’il est ? » répondait José à un toulousain. Si on ne vote pas pour ses idées, quand le fera t-on ? Au premier tour on choisit, c’est au second qu’on élimine !