D’Alger,
Comment expliquer cette si faible participation (36,5 %), qui a caractérisé les élections législatives algériennes du 17 mai ? Au cours de la précédente législature, Bouteflika a poursuivi sa dérive monarchique, humiliant l’Assemblée, réduite à ratifier sans débat les décrets exécutifs présidentiels. D’où le discrédit qui accompagne l’institution, la consultation électorale et les dizaines de milliers de postulants à la carrière politique. En Algérie, la question sociale reste urgente et déterminante. Les émeutes sporadiques ont continué, ignorant le calendrier électoral. Le chômage massif des jeunes et la pauvreté qui s’étend sont d’autant plus intolérables que des fortunes gigantesques se constituent. Les Algériens passent du désenchantement au franc mécontentement, et le personnage bonapartiste de Bouteflika ne survit que grâce à l’absence de réceptacle politique crédible à ce mécontentement.
Pour la première fois, une fraude généralisée au profit du Front de libération nationale (FLN) a été constatée par la Commission nationale de surveillance, qui a dénoncé de « graves dépassements qui ont pris un aspect national ». Les vingt partis qui soutiennent Bouteflika ont rassemblé moins de 30 % des inscrits. Cette gifle électorale survient moins de deux ans après la tentative de plébiscite de septembre 2005, lors du référendum pour la « réconciliation nationale » qui avait connu une abstention record. Maladie du président, luttes de succession, derniers feux de Bouteflika...
« Hormis le PST [Parti socialiste des travailleurs, proche de la IVe Internationale], signale le quotidien El Watan, qui, tout au long de la campagne électorale, s’est déclaré farouchement opposé à la “politique ultralibérale” du gouvernement », tous les partis politiques ont eu des sièges. Il faut préciser que tous ces partis soutiennent le libéralisme et font allégeance au président, dont le portrait orne leurs meetings. À l’exception de Louisa Hannoun, leader charismatique du Parti des travailleurs (PT), qui combat le libéralisme mais soutient Bouteflika et ses institutions, sous prétexte de défendre l’État-nation. Louisa a réservé ses flèches aux émeutiers de Kabylie et du Sud, aux syndicalistes enseignants et, bien sûr, au PST. Avec 5 % des suffrages exprimés, le PT obtient 26 députés.
Les 42 735 voix accordées au PST par le ministre de l’Intérieur - 0,75 % des suffrages exprimés - correspondent à 2,2 % des suffrages exprimés sur les quinze wilayas (départements) où le parti était présent. Si la proportionnelle intégrale avait été appliquée, il aurait eu trois députés. Au lendemain d’un congrès exceptionnel qui a rassemblé, le 15 mars 2007, des militants de gauche venus de traditions différentes, le PST a réussi à constituer en quinze jours quinze listes wilayales avec près de 200 candidats.
L’appel du PST à des listes de gauche a suscité de larges sympathies chez des anciens du Parti de l’avant-garde socialiste (Pags, parti communiste autodissous en 1991), chez quelques anciens du PT et, surtout, dans les milieux combatifs des syndicats. Le PST a tenu plus d’une centaine de meetings, dont douze étaient télévisés, avec des salles de 300 personnes dans des villes où l’organisation n’existe pas, comme Mascara, Tissemsilt, Ain-Temouchent. Une percée a été réalisée à Sétif et Oum-El-Bouaghi. Le PST a fait une campagne tonitruante remarquée de tous. Il a été le seul parti à s’opposer ouvertement au régime et à mobiliser clairement contre les attaques libérales envers les acquis sociaux. Malgré ses 42 735 voix, il n’a obtenu aucun député. Alors que son meeting de Béjaïa avait réuni 1 300 personnes, le PST n’y a obtenu que 2 462 voix. Chez les sympathisants, c’est la déception. Pourtant, la sympathie populaire ne se dément pas et les demandes d’adhésions arrivent toujours aussi nombreuses.