Les années impaires sont favorables aux manifestations contre la tenue des G8. Après 2001 en Italie (Gênes), 2003 en France (Évian), 2005 en Grande-Bretagne (Gleneagles), une nouvelle fois, le mouvement altermondialiste a montré sa puissance, au grand dam de ceux qui l’avaient déjà enterré. 80 000 manifestants ont, en effet, parcouru les rues de Rostock, une ville de 200 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de la petite station balnéaire de Heiligendamm. C’est là que se tiendra, du 6 au 8 juin, le 33e sommet du G8, réunion des chefs d’État et de gouvernement des États-Unis, du Canada, du Japon, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et de la Russie.
La préparation de la manifestation a permis de constituer un cadre unitaire extrêmement large, qui a regroupé des forces fort diverses, allant d’orga¬nisations religieuses aux partis politiques de la gauche et de l’extrême gauche allemandes, en passant par des syndicats, Attac-Allemagne ou des ONG comme Greenpeace. Si les motivations, les revendications et les slogans étaient variés, il émergeait de cette diversité des thématiques convergentes communes : le refus des privatisations, la dénonciation de l’exploitation des pays du Sud, l’exigence de l’annulation immédiate et sans condition de la dette, la lutte contre la pauvreté, la critique de la destruction de l’environnement, le refus de la guerre en Afghanistan, en Irak ou en Palestine et, de manière plus générale, la recherche d’une alternative au libéralisme.
Comme cela était déjà le cas à Seattle en 1997, lors de la mobilisation contre la réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cette diversité et ces convergences expliquent le succès de cette manifestation. Les cortèges les plus remarqués ont été ceux des chrétiens de Pax Christi, d’Attac-Allemagne, du Linkspartei, des Verts, du secteur jeune du syndicat Verdi, de Via Campesina, des associations et partis des travailleurs turcs, ainsi que ceux des délégations venues des différents pays européens.
Les autorités allemandes, relayées par la presse, ont mis en exergue les affrontements, opposant les forces de police à quelque 4 000 très jeunes manifestants dits « autonomes » ou du « black block ». Ces violences ont été totalement exagérées, afin de déconsidérer et de criminaliser le mouvement altermondialiste. Il faut commencer par affirmer que la première des violences, c’est la tenue de ces sommets du G8, à tel point illégitimes qu’ils doivent se tenir dans des camps retranchés afin d’échapper à la colère de celles et ceux qui refusent la mondialisation capitaliste. En Allemagne, près de 20 000 policiers ont été mobilisés, une barrière de deux mètres de haut, surmontée de fils barbelés, longue de onze kilomètres, a été érigée autour du lieu du sommet, un porte-avions et des hélicoptères ont été mobilisés.
Les autorités allemandes ont procédé à des perquisitions, dans les semaines précédant le G8, et elles ont entretenu un climat de tension extrême, allant jusqu’à parler de menace terroriste. Enfin, les forces de police ont multiplié les provocations, samedi 2 juin, à l’arrivée du cortège. Elles sont intervenues violemment contre les manifestants, espérant peut-être décourager celles et ceux qui comptaient participer aux diverses initiatives devant se tenir jusqu’au 8 juin.
Peine perdue. Lundi 4 juin, en défense des droits des immigrées et des immigrés, entre 10 000 et 20 000 personnes ont défilé dans les rues de Rostock. Organisation de débats, opérations de blocage du sommet, manifestations : tout devait être mis en œuvre pour que le G8 ne puisse se tenir en toute tranquillité et pour affirmer une alternative à la mondialisation libérale. « Ils sont huit, nous sommes des millions » : cela n’a jamais été aussi vrai.