La « vague bleue » tant annoncée n’étant finalement pas tout à fait au rendez-vous, les dirigeants socialistes semblent soulagés par les résultats. L’avertissement donné par les électeurs au pouvoir sarkozyen ne leur doit pourtant pas grand-chose. Franchement, ils avaient tout fait pour perdre ! Règlements de comptes dès la présidentielle, ambitions de prise de contrôle du PS étalées dans les médias, polémiques sur le coup de fil de Ségolène Royal à François Bayrou : rien n’a été épargné aux électeurs de gauche.
Malgré tout, ces derniers se sont mobilisés pour rééquilibrer un peu la composition de l’Assemblée nationale, alors que le sentiment que tout était joué alimentait l’abstention. Le voile levé sur les projets gouvernementaux, notamment la franchise médicale et l’augmentation de la TVA, a fait le reste, témoignant des inquiétudes d’un secteur significatif de la population. Le début de campagne menée contre « la TVA à 24,5 % » montre, en creux, ce qu’il aurait été possible de faire pour cette séquence électorale : quand les questions sociales, notamment celle du pouvoir d’achat, sont au cœur du débat politique, la gauche peut convaincre, voire gagner. Malheureusement, telle n’est pas du tout la conclusion qui se dégage des premières interventions des hiérarques socialistes : ils n’ont que les mots « aggiornamento », « refondation », « ouverture au centre » à la bouche. Et, bien sûr, la question lancinante : qui va diriger le PS ? Dans la perspective de la présidentielle... de 2012 !
Histoire de consolider la satellisation du Parti communiste, François Hollande propose, certes, des états généraux de la gauche. Mais ce sont les électeurs du centre qui sont maintenant l’objet de toutes les convoitises. Ceci est d’ailleurs objectivement alimenté par le principal succès socialiste de ce deuxième tour : la conquête de nombreuses circonscriptions dans les centres-villes des grandes villes (Bordeaux, Toulouse, Lyon, Strasbourg, Rouen, Caen, Nantes et Grenoble). Au sein de cet électorat urbain, cultivé et aisé, c’est le bon report des voix du Modem sur les candidats PS qui a assuré leur élection.
Au moment même où l’abstention atteignait des niveaux records dans les banlieues et les quartiers populaires, ce phénomène est d’ailleurs particulièrement révélateur sur la transformation de la base sociale du PS et des préoccupations de ses dirigeants. Autre conséquence du deuxième tour : les velléités de Jean-Luc Mélenchon semblent tourner court. La semaine dernière, il évoquait un « divorce » possible d’avec le PS et médiatisait sa participation au congrès de fondation de Die Linke [1], le nouveau parti créé en Allemagne par l’ancien Parti communiste (PDS) et un courant syndicaliste en rupture avec la social-démocratie de Schröder (Wasg). Mais l’aventure ne semble plus d’actualité ! Cette situation rend plus nécessaire que jamais la construction d’une véritable alternative anticapitaliste, face à la refondation blairiste du PS qui se dessine.
1. Lire page 12 de ce numéro de Rouge. Sur le site d’ESSF : Allemagne : Die Linke en congrès