Dans sa réponse à la LCR, dont nous nous faisions l’écho (Rouge n°2241, voir ci-dessous), Lutte ouvrière (LO) écrit : « Vous nous reprochez de participer, dès le premier tour des municipales, à des listes composées par le PCF, ou le PCF et le PS. Vous nous opposez une politique qui, cependant, nous fait quelque peu sourire puisque ces accords que vous refusez au premier tour, vous êtes prêts à les accepter au second, si vous dépassez les 5 %, sous prétexte que ce seraient au second tour, des “accords techniques”. À notre avis, il s’agit là d’une pirouette sémantique, dont aucun bateleur de foire ne pourrait vivre. » Bigre, la charge est brutale !
D’abord, oui, nous reprochons à Lutte ouvrière de participer, dès le premier tour, à des listes avec le PS et le PCF. Pour être encore plus précis, vous avez souhaité cette participation dans beaucoup d’endroits. Il suffit de lire votre hebdomadaire du 22 février, où vous déplorez que LO ait dû se « présenter sous sa propre étiquette, là où le refus du PS, du PCF, ou des deux, n’a pas permis d’accord ». Précision qui a valeur de regret.
C’est d’ailleurs ce que dit, sans détour, Farida Megdoud, tête de liste LO à Orléans dans LibeOrleans.fr, où elle affirme : « Localement nous aurions aimé que Jean-Pierre Sueur (candidat socialiste) accepte notre démarche unitaire, sincère et sans calcul pour battre cette droite présente ici depuis trop longtemps. » Résumé clair et limpide de la politique suivie par LO qui, en désaccord avec le projet de la LCR d’un nouveau parti anticapitaliste, pour ne pas cautionner celui-ci, préfère cautionner ceux du PCF et du PS.
Ensuite, pour nous, il existe bien une différence entre se présenter en toute indépendance d’un PS social-libéral et faire liste commune avec lui. Différence que ne voit plus l’un des trois signataires de la lettre, mais qu’il percevait très bien en 2001 : « Pour notre part, nous considérons qu’il y a une opposition irréductible entre la gauche gouvernementale gérant au mieux les affaires de la bourgeoisie, c’est-à-dire celle des partis bourgeois, et ce que doivent être la politique et les choix des révolutionnaires qui se réclament des intérêts politiques des travailleurs » (François Duburg, Lutte ouvrière, 27 avril 2001).
Et, pour appuyer sa démonstration, d’ajouter, à l’époque, à propos des listes de la LCR : « Car si ces listes qu’elle présentait étaient “100 % à gauche”, les listes de la “gauche plurielle” étaient quoi ? 70 % à gauche ? 50 % ? 90 % ? » Alors, question à François Duburg : après le silence assourdissant du PS, quand ce ne fut pas l’acceptation, sur les retraites des cheminots cet automne, ou le déni de démocratie à propos du nouveau traité européen, à quel pourcentage à gauche en sont les listes auxquelles participe son organisation, Lutte ouvrière ?
Que dire aussi de ce passage du même article : « Plus généralement, le fait d’avoir recherché un accord entre les deux tours, là où cela était possible avec la gauche plurielle, pour essayer d’avoir des élus était, que cette tentative ait abouti ou pas, une manière de dire que les divergences qui séparent la LCR de la “gauche plurielle” sont somme toutes secondaires, par rapport à une appartenance commune à la “gauche” ». Il est certain qu’il est plus simple d’avoir des élus en faisant liste commune, dès le premier tour, avec les rescapés de la gauche plurielle !
À la LCR, nous pensons qu’une bonne politique à ces élections municipales permet de combiner une opposition radicale à la politique de Sarkozy, et une indépendance totale vis-à-vis du social-libéralisme. Quant au fait d’avoir des élus par une fusion technique, il appartiendra à chacune de nos listes de déterminer localement sa position. Le seul point sur lequel nous ne transigerons pas est notre totale indépendance politique, à l’inverse de certains candidats de LO qui, selon un article paru le 22 février dans La Voix du Nord, affirment qu’à « Liévin comme à Villeneuve-d’Ascq, les militants de LO se sont engagés, en cas de réélection des maires socialistes, à voter le budget ».
Enfin, sans reprendre les termes chaleureux et fraternels de la dernière missive de LO qui, à notre propos, parle « d’une pirouette sémantique, dont aucun bateleur de foire ne pourrait vivre », nous dirons plus sobrement qu’en six ans, d’une élection à l’autre, LO a le droit de changer et, nous, de nous en étonner.
Olivier Martin
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008.
Lutte ouvrière, les municipales et le parti : échange de courriers
Dans un article publié dans « Rouge » n° 2238 du 7 février, nous regrettions le fait que notre lettre du 27 novembre, adressée à Lutte ouvrière avant son congrès, afin de rappeler notre disponibilité à constituer des listes unitaires, ouvertes, avec elle pour les municipales, soit restée sans réponse. Erreur, la réponse est arrivée le… 14 février. Cette lettre ironise sur nos « accusations de surdité volontaire », qui seraient sans fondement. Dont acte, poursuivons la discussion.
Lutte ouvrière (LO) nous confirme son refus – déjà confirmé dans les faits – en invoquant un seul et unique argument : « Nous ne voulons ni participer ni paraître associés à la construction du parti que vous envisagez, ni cautionner les bases sur lesquelles vous voulez le construire. » Et de démontrer que nous associons « la construction » de nos listes et notre « campagne [pour les municipales, NDLR] avec le projet de construction de ce parti ». Bien évidemment, la LCR défend son orientation, y compris pendant la campagne des municipales. Est-ce à dire que nos partenaires, car plus de la moitié de nos listes sont des listes unitaires, cautionnent, approuvent ou appuient la démarche définie dans les thèses de notre congrès ? Non, bien évidemment. En revanche, ils ne nous demandent pas de taire nos positions, pas plus que nous ne leur demandons. Nous avons fait accord aux municipales sur la base d’une plateforme politique dans le respect des divergences. LO aurait parfaitement pu participer à de tels accords, comme c’est le cas d’ailleurs dans de rares endroits. Mais, pour ne pas « cautionner » notre politique, LO a préféré « cautionner » celle du PS ou du PCF !
LO nous reproche de renoncer à faire référence à Marx, Lénine, Trotsky. Cette profession de foi d’orthodoxie a quelque chose de dérisoire, quand on sait toutes les interprétations auxquelles la pensée des révolutionnaires a donné lieu. Non seulement nous ne renonçons à rien, mais nous avons même l’ambition de repenser l’ensemble des acquis du mouvement ouvrier et révolutionnaire à la lumière de nos tâches nouvelles, de l’évolution du capitalisme, des luttes de classe. LO feint d’ignorer le contenu même de notre démarche. Est-il besoin de rappeler ce qui est dit dans l’adresse qu’a adoptée très largement le congrès de la LCR : « Nous sommes nombreuses et nombreux à vouloir cet outil : un parti utile aux mobilisations d’aujourd’hui, un parti pour préparer un changement radical, révolutionnaire de la société, c’est-à-dire la fin du capitalisme, de la propriété privée des principaux moyens de production, du pillage de la planète et de la destruction de la nature » ?
LO croit s’exonérer de son sectarisme en redisant la sympathie qu’elle a pour notre projet, mais la façon dont elle polémique avec nous, qu’Arlette Laguiller a cru bon de reprendre à son compte, dans l’émission « Les Quatre vérités » sur France 2, n’est pas très… sympathique. D’autant que les arguments pour justifier le fait d’avoir milité pour des listes d’Union de la gauche relèvent d’un certain opportunisme. LO prétend simplement « accepter de participer, dès le premier tour des municipales, à des listes composées par le PCF, ou le PCF et le PS », comme pour minimiser le problème. Mais le fait est qu’elle a bel et bien milité pour des listes d’Union de la gauche. Une telle politique n’a rien à voir avec celle qui envisage des « accords techniques » au second tour, ou d’appeler à voter, toujours au deuxième tour, pour des listes de gauche contre la droite. LO dit ne pas voir la différence, pourtant évidente.
Ce que nous reprochons à LO – et, surtout, que nous regrettons –, c’est qu’elle ait fait le choix de militer pour des listes d’Union de la gauche tournant le dos à la nécessaire indépendance des révolutionnaires pour, parallèlement, diviser notre camp. Par-delà les raisonnements, il y a les faits politiques qui, comme chacun sait, sont têtus. C’est en substance la réponse que nous avons faite au courrier de LO, en lui proposant de poursuivre la discussion à l’issue de la séquence des municipales, afin de faire les bilans et de tenter de dégager des perspectives pour la suite.
Yvan Lemaitre
* Paru dans Rouge n° 2241, 28/02/2008.