La construction d’une Europe sociale doit se faire à travers un processus de convergence par le haut des normes, sur des résultats à atteindre en termes d’objectifs sociaux, dans le cadre d’une nette montée en puissance des fonctions redistributives du budget de l’Union.
1.- Changer radicalement de politique économique
Attac propose de faire de la lutte contre le chômage, en vue de sa suppression, un objectif explicite des politiques économiques, à partir d’objectifs chiffrés en terme de réduction du taux de chômage. Un “ policy-mix ” européen (lien entre les politiques budgétaire et monétaire) doit également être mis en œuvre en conséquence, en réformant le Pacte de stabilité, de même que le statut et les critères d’intervention de la Banque centrale européenne (BCE). Une politique coordonnée de réduction du temps de travail à l’échelle européenne, sans perte de salaire, peut, avec une réelle volonté politique, être appliquée et contribuer efficacement à la lutte contre le chômage. Enfin, la réunion des ministres des finances de la zone euro (Eurogroupe) doit utiliser les prérogatives que lui confèrent les traités en matière de politique de change, notamment vis-à-vis du dollar. Le niveau du budget européen doit être considérablement augmenté et il faut créer une fiscalité européenne unifiée sur les revenus du capital et réformer celle sur les bénéfices des entreprises afin de lutter contre le dumping fiscal. Attac propose par ailleurs que la zone euro instaure une taxe sur le marché des changes.
2.- Instaurer des critères et des processus de convergence sociaux
Pour aller vers des droits sociaux identiques dans tous les pays de l’Union, alors même que ces derniers se situent à des niveaux économiques très différents, il s’agirait de déterminer exactement une liste des droits sociaux fondamentaux (salaire, minima sociaux, revenu minimum garanti, pensions...) pour lesquelles des normes de convergence, à définir au cas par cas - leur contenu précis dépendant du niveau de développement du pays considéré -, pourraient être établies. Il conviendrait simultanément de fixer un calendrier précis et aussi contraignant que celui des critères de convergence de Maastricht.
Une clause de non régression permettrait d’éviter tout recul social Ainsi du salaire minimum : inscrire l’obligation pour tous les pays d’un salaire minimum - donc élargir les compétences de l’Union aux rémunérations, exclues aujourd’hui ; fixer un niveau, en termes de pourcentage de PIB par habitant, et un échéancier, avec une clause de non régression protégeant les niveaux les plus élevés. Un même schéma peut exister pour les revenus de substitution, minima sociaux, retraites...
3.-Définir des éléments de droit du travail
Il s’agit de renforcer les droits transnationaux des salariés :
– reconnaître le droit de grève européen et interdire la pratique du « lock-out », ce qui suppose d’en faire des compétences communautaires ;
– renégocier la directive sur les comités d’entreprise européens (CEE) dans le sens d’un pouvoir accru des CEE, et créer un droit de « gouvernement d’entreprise » impliquant la présence obligatoire de représentants des salariés dans les conseils d’administration des groupes ;
– mettre en œuvre, au niveau européen, la notion d’« unité économique et sociale » pour rendre les entreprises donneuses d’ordre responsables des salariés de leurs entreprises sous-traitantes et garantir les mêmes droits à l’ensemble des salariés ;
– renégocier la directive 96/71/CE (droit du travail) et le règlement 1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale concernant les travailleurs détachés pour en renforcer les obligations de respect des normes d’emploi du pays d’accueil et rompre le lien de dépendance renforcée qui existe entre les travailleurs détachés et leur employeur en raison de la subordination du droit au séjour au contrat de travail ;
– Elaborer une véritable directive sur le temps de travail protégeant réellement les salariés ;
– garantir l’accès et établir la justiciabilité de ces droits sociaux.
A cet égard, la Charte sociale européenne adoptée en 1961 par le Conseil de l’Europe, modifiée en 1996 et dotée en 1998 d’un début d’effectivité, garantit des droits qui étaient absents de la Charte des droits fondamentaux figurant dans la partie II du traité constitutionnel européen rejeté par la France et les Pays-Bas. Dans l’immédiat, Attac demande que cette Charte, signée par les 25 Etats membres de l’UE, soit intégralement appliquée.
4.- Refonder les services publics
Le marché unique a conduit à libéraliser les services publics industriels et commerciaux, mais l’organisation concurrentielle pèse également sur le financement des services publics non marchands. La libéralisation a cassé les monopoles publics et aligné la gestion des entreprises publiques en charge des missions de service public sur les normes des entreprises privées, aboutissant en général à leur privatisation. Les services publics doivent être reconnus et refondés et ne plus être soumis au droit de la concurrence :
– instituer un moratoire sur les libéralisations et en mener une évaluation publique, démocratique et contradictoire ;
– développer des services publics pour la satisfaction des besoins sociaux : accueil de la petite enfance (crèches, maternelles, etc.) et services d’aide aux personnes dépendantes (personnes âgées, malades, etc). Ces services devront être organisés dans un cadre collectif, avec du personnel dont la qualification aura été reconnue et valorisée et avec un objectif de mixité femmes/hommes de ces professions.
– refuser le principe du pays d’origine.
5.- Reconnaître et réaliser l’égalité des droits pour toutes et tous
Il faut établir une citoyenneté européenne de résidence pour permettre l’accès aux droits de dizaines de milliers de personnes résidant légalement sur le territoire européen, mais exclus de toute reconnaissance nationale et citoyenne. Il s’agit d’un instrument juridique de lutte contre les discriminations.
Si l’égalité des droits entre hommes et femmes existe dans la loi, elle est loin de se traduire dans la réalité. Il faut établir des objectifs chiffrés et planifiés de réduction des inégalités entre les sexes dans tous les domaines (salaires, accès à l’emploi, partage des tâches, recours au temps partiel, etc) et initier une politique volontariste contraignante.
6.- Favoriser un éco-développement démocratique des pays du Sud
L’Union dispose d’une compétence exclusive en matière de politique commerciale. Elle négocie pour les Etats membres au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et a développé de nombreux accords de « partenariat » ou de « coopération » avec des pays ou groupes de pays du Sud, qui se traduisent par des subordinations de ces pays aux intérêts des pays riches. Attac propose :
– de rompre avec le libre-échange généralisé et établir les conditions de relations commerciales équitables, notamment par le rétablissement de régimes de préférences non réciproques et des coopérations financières et techniques ;
– que les pays membres de l’Union refusent, au sein des institutions financières internationales, les conditions d’octroi d’aides financières basées sur l’ouverture des marchés, et qu’ils oeuvrent à l’établissement d’un droit international de la dette fondé sur la reconnaissance de la coresponsabilité des créditeurs et la garantie de recours. L’octroi des aides doit être subordonné à la conduite de politiques visant à la satisfaction des besoins fondamentaux des peuples, à l’existence de libertés démocratiques visant notamment l’égalité entre femmes et hommes ;
– de réformer la politique agricole commune (PAC) sur la base de la multifonctionnalité de l’agriculture et de l’arrêt des subventions à l’exportation ;
– d’établir un moratoire sur les politiques de libéralisation commerciale internationales et de reconnaître le droit à la sécurité et à la souveraineté alimentaires de tous les pays et regroupements de pays et dans les négociations internationales.