Le PC qui compte environ 80 000 adhérents dont 7 000 élus avait réussi, grâce à la création du Front de gauche, à enrayer son déclin électoral lors des Européennes et des Régionales, sans pour autant créer une quelconque dynamique. Mais cette façade unitaire lui a coûté très cher puisqu’il a perdu la moitié de ses conseillers régionaux. Cette perte a suscité un véritable tollé contre le Front de gauche dans la plupart des « sensibilités » existantes. Cela d’autant plus que c’est Jean-Luc Mélenchon qui est apparu comme le leader médiatique de ce Front, malgré ses 2 000 adhérents du PG, et que Christian Piquet et ses 200 militants de la Gauche unitaire ont quand même sept élus...
Pour des raisons totalement opposées, la droite du parti regroupée derrière Robert Hue et Daniel Cirera ont lancé un appel de 200 militants critiquant ce Front qui remet en cause le parti sans s’allier à toute la gauche, et les « orthodoxes » dirigés par le député André Gérin ont aligné 700 signatures dont celles de trois députés et d’une quinzaine de membres du CN sur un texte en défense d’un « parti piétiné et humilié ».
C’est dans ce cadre quelque peu houleux que les « Communistes unitaires » emmenés par quelques députés dont Patrick Braouezec et 200 militants ont annoncé qu’ils quittaient définitivement le PCF. Parmi eux, beaucoup d’élus et quelques militants de Seine-Saint-Denis et des Bouches-du-Rhône. Ils reprochent au parti d’avoir une politique sectaire d’autoconservation de l’appareil et une conception étriquée d’un Front de gauche réduit à un cartel. Sensibles au mouvement de masse, ils ne se prononcent pas sur les problèmes stratégiques qui fâchent et centrent leur critique sur la forme de parti qu’ils jugent complètement dépassée. Leur ambition est de développer la Fase…
Dans ce débat où personne, vu les traditions et l’éducation, ne remet en cause la perspective d’aller au pouvoir par une majorité électorale dans les institutions, Pierre Laurent propose une réponse claire sur le fond mais emberlificotée dans son expression : refus de « figer la division de la gauche et de structurer un parti de l’autre gauche », construction d’un Front de gauche élargi en un « nouveau Front populaire » qui pousserait encore plus loin à gauche les efforts de Martine Aubry pour aller vers « une nouvelle majorité politique de changement ».
Cela dit, l’avenir du Front de gauche n’est pas garanti et pas pour des raisons de fond.
En effet, Mélenchon tient absolument à être candidat, ce que le PCF refuse pour le moment, et il se bat pour une transformation du Front de gauche en un Die Linke avec adhésions individuelles. Le futur secrétaire général, Pierre Laurent, a refusé les adhésions individuelles sauf à une association bidon, les « Partisans du Front de gauche », et la création d’un nouveau parti, et il propose pour la présidentielle « un candidat PCF ou un candidat de rassemblement avec le Front de gauche » ou – nouveauté ô combien significative – « la participation au processus des primaires lancé par le PS ».
Pierre Laurent gagnera le congrès car sa politique donne du grain à moudre à tout le monde sans offrir une stratégie alternative qu’aucun courant ne réclame. Les problèmes internes au Front de gauche ne nous concernent pas mais, en revanche, nous devons être partie prenante, voire organisateurs de tous les débats programmatiques et stratégiques esquivés à ce congrès et, au-delà de nos divergences, aider à construire partout des front unitaires d’action contre la droite, notre ennemi commun.
Alain Krivine
* Paru dans Hebdo TEAN 60 (17/06/10).
LE PCF PRÉPARE SON CONGRÈS
Le bilan et les perspectives du Front de gauche sont, entre autres, au menu du congrès d’étape que le PCF doit tenir en juin.
La direction du PCF vient de rendre publics les deux documents en discussion pour le « congrès d’étape » de juin. Le premier document adopté par le Conseil national (CN) par 69 voix contre 19 et 10 abstentions traite de la situation politique, du bilan du Front de gauche et des perspectives. « Faire grandir les résistances » à la politique de Sarkozy et « réussir le changement en 2012 » sont les deux axes de ce texte dont la perspective centrale se trouve bien résumée par Robert Injey, rapporteur du document au CN : « Nos premiers acquis avec le Front de gauche ne doivent pas nous faire perdre de vue notre ambition : celle de la construction d’une majorité de changement. Y parvenir, c’est éviter le double écueil stratégique : celui de l’enfermement de l’autre gauche et celui d’une gauche solidaire dont la solidarité serait celle de se taire et l’impossibilité de peser sur les choix. »
Pour essayer de comprendre avec qui s’unir, le rapporteur fait le point de l’état de la gauche : « Une gauche, du NPA à Europe Écologie, traversée par des mouvements très contradictoires. Avec un PS qui se retrouve dans des conditions plus favorables mais où demeurent des contradictions entre des positionnements à gauche mais sans remise en cause sur les moyens du changement. »
Voilà la seule critique que porte le document à la politique du PS. Dès lors, le positionnement est clair : il s’agit pour le PCF d’être l’aile la plus radicale d’un gouvernement de la gauche plurielle. Pour y arriver, le Front de gauche reste un outil mais il doit être capable de dépasser, comme le dit le document, la seule « partie très politisée de la société » qu’il a regroupée aux régionales et de se transformer en Front populaire : « Nous ne voulons pas faire travailler le Front de gauche comme un cartel ni comme un nouveau parti mais comme une démarche politique citoyenne et populaire ouverte. » Il s’agit de répondre à Jean-Luc Mélenchon qui réclame la possibilité d’adhésions individuelles au Front de gauche. Pour conclure, le PCF propose un débat programmatique avec les syndicalistes et militants associatifs avant d’aborder les candidatures, notamment celle de la présidentielle. C’est encore le président du Parti de gauche qui est visé pour avoir laissé entendre qu’il serait un bon candidat en 2012.
Pour résumer, disons que le PCF veut continuer de diriger un Front de gauche qui serait à gauche de la « gauche solidaire » dans un gouvernement commun et qu’à cette étape, il n’envisage pas de se rallier à une candidature de Mélenchon à la présidentielle. Ce sera soit un candidat du PCF soit un « syndicaliste » proche, soit, pourquoi pas, le ralliement à une candidature unique de la gauche. On notera d’ailleurs qu’il n’est jamais fait mention dans le document, ne serait-ce qu’une fois, des noms des partenaires du Front : Parti de gauche ou Gauche unitaire ou Parti communiste des ouvriers de France ou Alternatifs... Une absence significative.
Sur le deuxième document, il y a peu de choses à dire. C’est la nouvelle langue de bois pour dire qu’il faut un parti plus ouvert, plus pluraliste, plus démocratique, plus à l’écoute de la base, des nouveaux mouvements sociaux et des nouvelles technologies : « une transformation de notre travail de direction à tous les niveaux qui visent à démultiplier les champs et l’efficacité du militantisme local compris au sens large »... Bref, rien de nouveau pour faire revenir les quatorze membres de la direction qui ont démissionné et auxquels le CN, dans un appel solennel, demande de reconsidérer leur décision qui les amènent à vouloir dynamiser la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) au détriment du PCF...
Alain Krivine
* Paru dans Hebdo TEAN 53 (29/04/10).
PCF : MALAISES ET CLARIFICATIONS...
Le conseil national du PCF a tiré son bilan des élections régionales. Le défi de marier une alternative à gauche avec la cogestion avec le PS des exécutifs régionaux reste entier.
Les résultats des régionales ont été décevants pour l’ensemble des formations qui se considèrent à la gauche du PS. On en discute au NPA mais aussi au PCF. Après les illusions antérieures sur la « dynamique du Front de gauche » et la possibilité d’« un score à deux chiffres », les résultats sont là : à peu près les mêmes qu’aux régionales de 2004 (là où le PCF n’était pas avec le PS) et qu’aux européennes. Le seul intérêt de l’unité avec le Parti de gauche et d’autres petites organisations est d’avoir freiné la chute continue du PCF et… d’avoir projeté sur la scène médiatique Jean-Luc Mélenchon aux dépens de Marie-George Buffet. Quant au sauvetage des élus sortants, c’est un recul considérable puisque seulement 95 élus sont conservés sur les 178 sortants. Dans son rapport, Pierre Laurent est franc : « Nous ne pouvons banaliser cette perte d’élus. Ce n’est pas à nos yeux le prix à payer pour notre stratégie. […] Cela marque une des limites du rassemblement que nous avons pour le moment réussi à construire. »
Quels que soient ses débats, la stratégie du PCF reste celle d’un rassemblement majoritaire de toute la gauche pour gouverner les régions comme le pays car il ajoute : « Je veux redire ici que notre ambition politique est clairement la constitution de majorités politiques de gauche autour de projets réellement transformateurs. »
Nous avons pensé que, pour réaliser cela, la direction du PCF allait faire des listes communes avec le PS dès le premier tour. Dans les faits, le ralliement aura lieu mais uniquement au second tour avec d’ailleurs tout bénéfice pour le PS. Ce retard est dû aussi bien à l’existence du NPA qu’à la pression du PG et des militants PCF de plus en plus hostiles à la politique du PS. Aujourd’hui, dans la quasi-totalité des régions où il a des élus, à l’exception du Nord-Pas-de-Calais et du Limousin, le PCF cogère les exécutifs dans le cadre de la « gauche solidaire ».
Ainsi les clarifications à gauche s’opèrent plus vite que prévu. La direction du PCF qui avait pris soin de virer de ses listes la plupart des Refondateurs est confrontée à Mélenchon qui, sans rompre l’alliance, cherche en refusant de participer aux exécutifs, des alliés sur sa gauche pour favoriser sa candidature à la présidentielle. Le PCF, très hostile, hésite entre une candidature qui serait marginale ou un ralliement à une candidature unique de la gauche face à Sarkozy qui lui permettrait d’éviter de se compter.
Pour compléter le tableau, la plupart des « Communistes unitaires » de la région parisienne viennent de décider de quitter le PCF, certains pour rejoindre la Fase dont ils étaient déjà plus ou moins membres. Parmi eux, beaucoup d’élus ou d’anciens comme Patrick Braouezec, Pierre Zarka, Francois Asensi, Pierre Mansat, Roger Martelli… Ils reconnaissent l’échec de leur travail d’opposition interne mené pendant des années et dénoncent, à juste titre, le sectarisme d’un appareil bureaucratique. Pour eux, ce parti est fini et ne peut plus jouer de rôle dans la construction d’une force unitaire anticapitaliste, d’une « gauche de gauche unie » qui n’existe pas et qui devrait trouver d’autres formes qu’un parti classique. Ils en appellent au débat avec les militants unitaires et anticapitalistes, du PCF, du PS, du NPA et d’Europe Écologie. Mais, pour le moment, il ne se prononcent pas sur les problèmes de fond (programme, stratégie, rapport aux institutions, etc.). Des clarifications souhaitables et nécessaires.
Alain Krivine
* Paru dans Hebdo TEAN 49 (01/04/10).