“DU BAS DE CES PYRAMIDES...”
L’histoire moderne de l’Egypte est étroitement liée à ses rapports conflictuels avec l’impérialisme occidental.
Il est significatif que lorsqu’il vient guerroyer en Egypte, le général Bonaparte ait mis en avant deux axes qui seront ensuite réutilisés par toutes les puissances étrangères débarquant dans cette partie du monde :
— Bonaparte se présente, en 1798, comme venant libérer le peuple
égyptien de la caste des mamelouks ottomans, — il incite, en 1799, les Juifs du monde entier à venir s’établir en Palestine.
UNE TENTATIVE DE DÉVELOPPEMENT AUTONOME
Contre l’intrusion militaire de Bonaparte, une grande révolte nationale a lieu en 1800. Dans la foulée, Mohammed Ali parvient au pouvoir en 1805. Ce militaire, d’origine albanaise, est persuadé que, pour résister à l’Occident, l’Egypte doit désormais s’industrialiser rapidement. Il met en place des entreprises d’Etat disposant d’un monopole dans l’armement, les chantiers navals, les filatures, le tissage, etc. La commercialisation des produits agricoles devient également un monopole d’Etat. Simultanément, l’emploi féminin urbain se répand.
Pour certains historiens et économistes, la poursuite de cette tentative aurait pu faire de l’Egypte une puissance économique majeure, comme l’exemple japonais le suggère.
LA MISE SOUS TUTELLE
En 1840, la défaite egyptienne face aux armées britannique et française, permet un renforcement notable du poids des puissances occidentales sur le devenir du pays. Les manufactures d’Etat sont fermées et la bourgeoisie égyptienne naissante se reconvertit dans l’agriculture d’exportation. L’emploi salarié urbain décroit, et tout particulièrement celui des femmes.
La Grande-Bretagne, première puissance industrielle du moment, peut désormais tranquillement déverser ses propres marchandises et importer le coton brut dont elle a besoin : en 1849, la Grande-Bretagne représente 41 % des importations de l’Egypte et 49 % de ses exportations [1].
Une deuxième étape de la mainmise occidentale se produit par le biais financier.
En 1863 a lieu le premier emprunt égyptien destiné notamment à la construction d’infrastructures nécessaires à l’exportation du coton brut vers la Grande-Bretagne.
Le financement de 45 % de la construction du canal de Suez par l’Etat égyptien explique en grande partie la banqueroute de celui-ci en 1876. Elle est suivie d’une mise sous tutelle franco-britannique et une accélération des investissements étrangers.
Avec la mise en service du canal de Suez en 1869, l’Egypte prend une importance stratégique pour le capitalisme mondial. En 1882, en réaction à la révolte nationaliste de Orabi, l’armée britannique bombarde Alexandrie puis occupe “temporairement” le pays : le dernier “Tommy” quittera la zone du canal en 1956 !
Après 1882, on assiste à une croissance importante des investissements étrangers, essentiellement dans le secteur agricole, plus faiblement dans les transports et marginalement dans l’industrie.
LA MONTÉE DES RÉSISTANCES AU DÉBUT DU 20e SIÈCLE
Les salariés embauchés par les patrons occidentaux dans les transports et l’industrie sont essentiellement d’origine étrangère. Le premier syndicat égyptien est fondé au Caire en 1900, suite à une grève des rouleurs de cigarettes, principalement grecs et arméniens. D’autres syndicats voient ensuite le jour, notamment parmi les cheminots et traminots du Caire et d’Alexandrie. La forte proportion de salariés italiens dans ces syndicats explique en grande partie leur orientation anarchiste, puis anarcho syndicaliste. Les idées communistes se développent également suite à la révolution russe de 1917. La grande faiblesse de ce premier mouvement ouvrier est qu’il reste largement limité aux salariés d’origine étrangère, et qu’il perçoit mal de ce fait l’importance de la lutte anti-coloniale [2].
Au début du 20° siècle, et surtout après la Première Guerre mondiale, se
développe parallèlement un mouvement nationaliste animé par des étudiants ou des anciens étudiants exerçant des professions intellectuelles. Une aile de celui-ci organise syndicalement les artisans et salariés égyptiens, dont le statut est nettement plus défavorable que celui des salariés d’origine étrangère.
Il faut noter qu’à l’époque, les paysannes et les femmes des milieux populaires urbains ont rarement le visage voilé. Les chanteuses, les danseuses, les femmes colporteurs qui vont de maison en maison jouissent d’une grande liberté.
LA RÉVOLUTION DE 1919
Sa motivation première est l’indépendance de l’Egypte. Elle se combine rapidement avec des revendications sociales [3]. En mars et avril, une véritable insurrection se produit dans les campagnes et se traduit notamment par l’attaque de nombreux bâtiments publics. Des grèves et des manifestations ont lieu simultanément dans les villes et reprendront à partir de l’été 1919. Des affrontements violents ont lieu avec l’armée britannique.
Le 16 mars, environ 300 femmes de la haute société égyptienne manifestent au Caire : c’est la naissance d’un mouvement féministe dont l’activité durant la lutte pour l’indépendance nationale sera décisive, qu’il s’agisse de collectes de fonds, d’organisation de boycotts ou de soutien aux grèves. Ce mouvement réclame notamment l’égalité juridique totale pour les femmes.
Cette révolution est marquée par une volonté de séparation du religieux et du politique : son drapeau - associant le croissant et la croix – est celui qui fera sa réapparition dans les manifestations de janvier et février 2011. Des chrétiens coptes sont élus par des majorités musulmanes, et exercent même parfois de très hautes fonctions dans l’Etat, sans que cela ne pose le moindre problème.
Dans le contexte de l’explosion révolutionnaire de 1919, de nombreux syndicats se créent, en général à l’initiative du parti nationaliste Wafd nouvellement créé. Ces syndicats bénéficient du soutien écrasant des salariés égyptiens. Une de leur plus grande faiblesse est qu’ils sont sous la coupe de responsables n’appartenant pas au mouvement ouvrier et entretenant des rapports paternalistes avec les salariés.
De leur côté, des militants de gauche fondent en février 1921 une confédération syndicale minoritaire, la Confédération générale du travail (CGT), sur le modèle des centrales syndicales européennes. Ils créent également, en août 1921, un Parti socialiste qui prend en 1922 le nom de Parti communiste égyptien. La CGT et le PC ont le même secrétaire général et partagent les mêmes locaux. Si la CGT connait une croissance notable, ce premier Parti communiste ne dépassera jamais les 1 500 membres [4].
L’INDÉPENDANCE PARTIELLE (1922-1952)
Face à l’ampleur des mobilisations, la Grande-Bretagne finit par accorder en 1922 une indépendance partielle : elle conserve, notamment, la maîtrise de l’armée et des affaires étrangères. Une monarchie constitutionnelle se met en place sous l’égide du parti Wafd, constitué à cette époque. Les propriétaires terriens égyptiens espèrent pouvoir désormais se lancer dans l’industrie, notamment dans le textile. Ils contribuent dans ce but à la création de la banque Misr.
La puissance britannique, les grands propriétaires et la bourgeoisie urbaine cherchent à faire reculer certains acquis de la révolution de 1919. Ils parviennent en 1924 à briser la CGT ainsi que le PC “qui fut confiné jusqu’à la seconde guerre mondiale à quelques cellules isolées”. En 1928, ils soutiennent activement la création de la confrérie des Frères musulmans, qui se développe massivement entre 1930 et 1940.
En 1921, Hoda Chaarawi, qui était de retour d’une conférence féministe en Europe, enlève son voile en gare du Caire. Cet évènement est considéré comme l’acte fondateur du mouvement féministe égyptien.
Prenant ses distances avec le Wafd de moins en moins respectueux des droits des femmes, elle fonde en 1923 une association féministe indépendante essentiellement présente dans les classes urbaines aisées, l’Union féministe égyptienne. Celle-ci existera jusqu’à la prise du pouvoir par Nasser.
Simultanément se renforce l’exclusion du salariat des femmes des milieux populaires. Des grands établissements industriels sont en effet créés à la périphérie des villes, loin des habitations. Ceux-ci sont difficile d’accès pour des femmes sur qui repose simultanément la totalité des tâches domestiques. Leur activité économique se concentre alors sur des activités artisanales ou commerciales de proximité.
Au milieu des années 1930, la bourgeoisie égyptienne qui avait rêvé d’impulser un développement industriel indépendant, jette l’éponge et s’allie désormais aux investisseurs étrangers. Malgré un développement important de l’industrie textile, l’essentiel du capital investi en Egypte reste entre les mains d’une classe parasitaire de grands propriétaires fonciers liés au marché mondial du coton dominé par les intérêts étrangers.
La perspective d’une guerre mondiale modifie la donne. Afin de raffermir sa domination sur l’Egypte face à l’Italie et à l’Allemagne, la Grande-Bretagne fait des concessions aux nationalistes égyptiens. Cela se traduit, notamment, par la signature en 1936 d’un traité accordant davantage d’autonomie à l’Egypte, dont la maîtrise de son armée. En 1942, le syndicalisme est explicitement légalisé, mais sous un contrôle étroit de l’État. Son centre de gravité se situe dans les grandes usines du textile. Il continue à être majoritairement dominé par des responsables nationalistes, qui ne sont pas issus du mouvement ouvrier et entretiennent des rapports paternalistes avec les salariés. Simultanément, la répression s’abat contre les Frères musulmans.
Dans le cadre de la crise économique que traverse l’Egypte après la deuxième Guerre Mondiale, une montée des luttes a lieu à partir de février 1946. Elle voit l’entrée en scène massive d’un mouvement ouvrier en partie structuré par des militants communistes combinant lutte de classes et anti-impérialisme. Ce courant communiste est toutefois fragilisé par les rivalités entre les petites organisations qui le compose, ainsi que par l’appui de l’URSS à la création de l’Etat d’Israël [5].
L’amorce de la guérilla dans la zone du Canal encore occupée par les britanniques témoigne de l’importance de la volonté d’indépendance totale.
A partir de janvier 1952, la vague montante de mobilisation est brutalement stoppée par le déclenchement d’une répression de très grande ampleur suite au grand incendie du Caire dont les causes sont toujours mal élucidées. Le congrès de fondation d’une confédération syndicale, prévu pour janvier 1952, n’aura pour cette raison jamais lieu.
L’APOGÉE DU NASSÉRISME (1952-1967)
Juillet 1952 marque une rupture décisive dans l’histoire de l’Égypte. Les “officiers libres”, sous la direction de Nasser renversent la monarchie à la solde des Britanniques. Pour la première fois depuis 2 500 ans, l’Égypte est dirigée par des Égyptiens. La popularité de Nasser en Egypte, dans le monde arabe, et plus largement dans le “Tiers-monde”, se renforce considérablement en 1956 avec la nationalisation du canal de Suez et le départ total de l’armée britannique.
Nasser fait le pari de l’industrialisation pour sortir de la spécialisation internationale coloniale qui cantonnait le pays à l’exportation de coton. Dans ce but, toutes les entreprises employant plus de 200 salariés deviennent propriété de l’Etat.
De nombreux travailleurs soutiennent avec enthousiasme le régime militaire qui a promis l’indépendance et la justice sociale. Et, effectivement, “entre 1952 et 1965-1966, le niveau de vie des ouvriers et des paysans augmente considérablement. Une redistribution limitée des terres est mise en place et, beaucoup plus important, un contrôle du loyer des terres agricoles. Les salaires des citadins sont augmentés. Un jour de congé payé hebdomadaire est institué, ainsi qu’un salaire minimum et des subventions aux produits de première nécessité”. Le travail salarié féminin se développe, notamment dans la Fonction publique, et le statut de la femme est amélioré. “Pour toutes ces raisons, Nasser a été très populaire pendant toute la période où il a été au pouvoir, sauf parmi ceux qu’il met en prison et torture, principalement les Frères musulmans et les communistes” [6].
Simultanément, Nasser interdit en effet les grèves et condamne à mort des grévistes dès son arrivée au pouvoir. “Les travailleurs n’ont pas à revendiquer, c’est nous qui décidons de donner” explique Nasser. Il n’est pas question pour lui de tolérer un syndicalisme militant et indépendant du pouvoir. Les syndicats ne sont considérés par lui que comme des forums dans lesquels les travailleurs peuvent exprimer leurs opinions, ainsi que des structures visant à stimuler la production et répartir des prestations sociales. Leur fonction n’est pas de permettre aux travailleurs de s’organiser, mais de permettre à l’État de les encadrer.
Nasser dissout les 500 syndicats existants, produits d’un demi-siècle de luttes. Il les regroupe ensuite, en 1957, dans une confédération syndicale unique, l’EWF, à laquelle succède, en 1961, l’ETUF. Pour une soixantaine d’années, le syndicat sera totalement intégré dans l’appareil d’Etat. La candidature aux élections syndicales, qui tiennent également lieu d’élections professionnelles, est subordonnée à l’appartenance au parti au pouvoir [7].
Le parti nassérien est le seul à être autorisé. Les Frères musulmans subissent une répression implacable à partir de 1954. Il en va de même pour les militants com munistes dont certains, désorientés par l’alliance entre le pouvoir et l’URSS, se ral lient au régime au milieu des années 1950. Un parti communiste se reconstitue néanmoins en 1958, mais il éclate rapidement. Les deux groupes issus du PCE se dissolvent finalement en 1965 au sein du parti unique nassérien.
Les organisations féministes sont également interdites. L’Union féministe égyptienne est transformée en association ne devant plus s’occuper que d’œuvres sociales. Les militantes sont contraintes à l’exil, assignées à résidence ou jetées en prison.
UNE LONGUE PÉRIODE DE REFLUX (1967-2000)
La défaite de 1967 face à Israël marque la fin d’une époque. Avant de mourir, Nasser amorce un rapprochement avec les USA et des négociations avec Israël. Ses successeurs accentuent cette “politique de paix” qu’Israël met à profit pour coloniser toujours plus les territoires occupés palestiniens. Afin de mieux lutter contre la contestation de gauche, en particulier parmi la jeunesse, Sadate favorise la réislamisation de la société.
En 1971, il introduit dans la Constitution un article 2 qui stipule : “L’lslam est la religion de l’Etat, et la charia est la principale source de la législation”.
Suite aux grèves de 1975-1977, et aux émeutes de la faim de janvier 1977, cinq partis politiques sont autorisés à partir de 1977 : le Wafd (droite libérale), le Tagammu (gauche très modérée incluant des militants communistes), le Parti libéral (scission de droite du parti nassérien), le Parti du travail (scission de gauche du parti nassérien). Ce qui subsiste du parti nassérien est rebaptisé PND.
Sans être officiellement autorisés, les Frères musulmans sont néanmoins tolérés entre 1971 et 1990, puis réprimés jusqu‘en 2000 suite à l’assassinat de Sadate par l’un d’entre eux.
Sous Moubarak, le nombre de partis autorisés est porté à 24, mais le système politique est tel que le parti au pouvoir dispose en permanence d’un minimum de 70 % des sièges à l’Assemblée.
Entre 1974 et 1991 se met en route un long processus d’insertion dans l’économie libérale mondialisée, conforme aux orientations du FMI et de la Banque mondiale : privatisations s’accompagnant de suppressions d’emplois et de départs e préretraite, baisse des dépenses de l’Etat, réduction des services sociaux, remis en cause des subventions aux produits de première nécessité, remise en cause des droits des femmes, etc. Le nouveau système est fondé sur la recherche de la rentabilité d’entreprises qui ne sont pour la plupart que des sous-traitantes des multinationales occidentales. Les taux de croissance égyptiens, exaltés par la Banque mondiale, cachent en fait une économie vulnérable à l’extrême. L’Egypte connait une montée des inégalités et du chômage qui frappe une majorité de jeunes.
LA REMONTÉE DES LUTTES ET DE L’AUTO-ORGANISATION (2000-2010)
“Depuis les années 1990, les politiques de la Banque mondiale produisent leurs effets : hausse des prix, remise en cause des services publics, pressions à partir de 1998 pour partir en préretraite”. [8] Les droits sociaux des travailleurs sont progressivement remis en cause sous les présidences de Sadate et Moubarak, conformément à la politique néo-libérale impulsée par le FMI et la Banque mondiale. Il en résulte une succession de conflits sociaux.
Après avoir protesté contre certaines mesures, la direction de l’ETUF se range rapidement aux côtés du pouvoir. Deux millions de salariés ont néanmoins pris part à 3 000 grèves, sit-in et manifestations depuis 1998. “Ils expriment leur méfiance envers les structures syndicales en place et leur refus que celles-ci parlent au nom des salariés”. [9]
A partir de 2004, une vague de luttes ouvrières se développe contre les
conséquences de la politique néo-libérale et en particulier les privatisations. Ce sont les plus importantes grèves du continent africain depuis plus de 50 ans. Elles se combinent avec la résistance obstinée des petits paysans menacés d’expropriation par le capitalisme agraire.
Face à la montée des luttes, la direction de l’ETUF écarte les opposants et exerce une mainmise croissante sur le déroulement des élections syndicales. “Celles de novembre 2006 font l’objet de fraudes d’un niveau jamais atteint :
— 30 000 candidatures aux élections dans les Comités syndicaux sont refusées par les autorités,
_— les bureaux de vote sont contrôlés par des représentants de la direction del’ETUF ". [10]
Résultat, 98% des élus du syndicat étaient ceux soutenus par le parti au pouvoir, la gauche et les Frères musulmans se partageant les 2% restants [11]. “Le déroulement de ces élections font comprendre à de nombreux travailleurs qu’ils doivent prendre eux-mêmes leurs affaires en mains” [12].
Les tentatives de créer des réseaux syndicaux indépendants se multiplient dans cette période. Certaines ONG et plate-formes informelles font un travail considérable avec des réunions, des formations, des rapports, des périodiques, commpar exemple :
— le CTUWS, fondé en 1990 et animé par Kamal Abbas, un ancien ouvrier
des aciéries licencié après la grande grève de 1989,
— l’ECESR, crée en 2009 et animé par l’avocat Khaled Ali.
Voit aussi le jour, en 2000, le Comité de coordination pour les droits et libertés ouvrières et syndicales (CCTUWRL), coordination informelle réunissant chaque mois plusieurs dizaines de syndicalistes du Caire et de province, de sensibilités différentes, et qui cherche à faire émerger une voix autonome et combative.
Deux syndicats indépendants finissent par arracher leur reconnaissance légale : en 2009, le syndicat des collecteurs d’impôts fonciers et, en 2010, celui des techniciens des services de santé.
Les luttes ouvrières servent de toile de fond à l’implication d’une partie de la jeunesse estudiantine ou ayant fait des études : le nom même du “Mouvement de jeunesse du 6 avril” est né de la solidarité avec les grèves du textile de Mahallah qui ne se limitaient pas à des demandes catégorielles mais se confrontaient directement au syndicalisme officiel. Vers la même époque se constitue la coalition “Kefaya” dont le nom signifie “Assez !”. [13]
Des mobilisations se développent également en soutien à la deuxième Intifada en Palestine (à partir de septembre 2000), puis contre la guerre en Irak (à partir de mars 2003). Des jeunes militants islamistes participent à ces différentes campagnes aux côtés de militants de gauche. [14]
Une convergence se produit donc entre les deux composantes sur lesquelles reposera l’explosion de janvier-février 2011 : des jeunes dont c’est la première expérience, et des militants syndicaux et associatifs résistant depuis des années au pouvoir. Le plus souvent, ces derniers appartiennent ou ont appartenu à différents courants politiques : des communistes ayant refusé les compromissions de leur parti sous Nasser, des nostalgiques de la période nassérienne, des trotskystes issus des mobilisations de la jeunesse dans les années 1990, etc.
La révolution tunisienne sera l’étincelle qui déclenchera l’explosion de 2011.
Sources
* Joel Beinin et Zachary Lockman : Workers on the Nile – Tauris (1988) - et en particulier la conclusion pp 449-461. Un chapitre de ce livre est traduit dans le recueil “Les gauches en Egypte” (2008) http://chrhc.revues.org/index539.html
* Sonia Dayan-Herzbrun : Huda Sharawi, Féministe et nationaliste égyptienne (1998).
www.persee.fr/articleAsPDF/mcm_1146-
1225_1998_num_16_1_1184/article_mcm_1146-1225_1998_num_16_1_1184.pdf
* Joel Beinin : Workers and Peasants in the Modern Middle East – Cambridge University Press (2001)
* Les gauches en Egypte, 19° et 20 ° siècle – Cahiers d’histoire (2008), sous la direction de Didier Monciaud http://chrhc.revues.org/index93.html
* Joël Beinin et Marie Duboc : « Justice for All : The Struggle for Worker Rights in Egypt » (2010)
www.solidaritycenter.org/content.asp?pl=863&sl=407&contentid=867
* Joël Beinin : « On the Egyptian Labor Crisis: A Historical Perspective on the Popular Uprising in Egypt » (février 2011) (sur ESSF article 20214)
www.europe-solidaire.org/spip.php?article
* Elena Ambrosetti : Inégalités entre genres et travail féminin en Egypte - L’Egypte au présent, Actes Sud (avril 2011) pp 774-776
* Samir Amin : « [->art21675 » (mai 2011) (sur ESSF article 21675)
www.europe-solidaire.org/spip.php?article21675
* Laura Guazzone : Les Frères musulmans en Egypte : entre néo-autoritarisme, réformisme et islamisme - Maghreb-Machrek n° 207 (printemps 2011).