Gouvernement Valls-Medef, droite et F Haine : « Maintenant ça suffit ! »
Le second tour des élections municipales a amplifié les grandes lignes du premier tour : sanction du gouvernement, abstention record et poussée du FN. Mais, en nommant Valls comme Premier ministre, Hollande continue plus que jamais de gouverner pour le Medef !
Contrairement à ce qu’ont défendu pendant des mois le gouvernement et les candidats socialistes, ces élections municipales ont bien été un scrutin national, sanctionnant la politique menée depuis deux ans par le gouvernement. Ayrault l’a lui-même reconnu : « C’est une défaite pour le gouvernement. J’y prends toute ma part. Ces élections ont été marquées par la désaffection significative de celles et ceux qui nous ont fait confiance en mai et juin 2012. » Tu m’étonnes !
Une raclée historique...
Dans l’ensemble des villes, le PS a été mis en difficulté, voire en échec total : Grenoble, Marseille, Montpellier, Toulouse, Lyon, en Bretagne également… 155 villes sont finalement passées de la gauche à la droite, le PS perdant même des bastions acquis depuis plus d’un siècle par les socialistes, comme Limoges. De plus, ces pertes de municipalités vont avoir des conséquences en chaîne. Les socialistes ont d’ores et déjà perdu la direction de trois grandes communautés urbaines : Bordeaux, Lille et Marseille.
À travers ces résultats, c’est bien la politique menée depuis deux ans qui a été rejetée : l’ANI, le crédit d’impôt compétitivité entreprises, le Pacte de responsabilité, les 50 milliards de réduction de dépenses publiques. Une politique qui n’a de cesse de s’attaquer au monde du travail, en laissant faire les licenciements, en aggravant le chômage et la précarité, loin, très loin des promesses du candidat Hollande.
Mais cette sanction du gouvernement est d’abord et avant tout la conséquence de l’abstention qui a principalement touché l’électorat de gauche : une abstention qui s’est amplifiée entre le premier et second tour pour arriver à un taux historique de 38,5 %. Elle exprime l’immense fossé qui sépare le pouvoir des électeurs et marque le ras-le-bol populaire de cette gauche libérale. S’exprime ainsi un dégoût des politiques et un certain désespoir : le légitime sentiment que voter ne permet pas de peser sur quoi que ce soit, et que quels que soient les partis qui la portent, la politique se fait toujours pour l’intérêt de quelques-uns, les plus riches. Toutes les affaires de ces dernières semaines, le climat de magouilles permanent, ont renforcé encore le choix de ne pas aller voter.
… Au profit de la droite et du FN
Il y a là une nouvelle manifestation d’une crise de la démocratie qui profite essentiellement au FN. En dénonçant l’UMPS, forme moderne du « tous pourris », en se présentant comme un parti légitime quoique non institutionnel, le FN a leurré un certain nombre d’électeurs sur le fait qu’il incarnait la nouveauté. En faisant élire plus de 1 200 conseillers municipaux, en raflant une grosse dizaine de villes, le FN confirme une présence constante, résultat en partie d’un travail de terrain et démagogique. Ces élections sont une nouvelle démonstration qu’il n’est pas possible de combattre durablement le FN sans combattre les politiques qui font son lit et nourrissent sa démagogie.
La droite est la première bénéficiaire de la défaite de la gauche en gagnant grâce à une mobilisation forte de son électorat. Nul doute que cette droite sort renforcée de ces élections malgré les affaires, et qu’elle va peser lourdement pour que le gouvernement de Valls accélère sa politique de sabotage des acquis sociaux et des cadeaux au patronat. Mais ces élections n’ont pas mis fin à la guerre des chefs, bien au contraire. La crise politique continue donc son œuvre aussi à droite.
Un « gouvernement de combat »... à combattre !
Au lendemain de cette raclée électorale, Hollande a donc entendu les électeurs… de droite. En nommant Valls Premier ministre et en lui donnant comme feuille de route l’accélération de la politique menée depuis deux ans, Hollande tourne ainsi définitivement le dos à l’électorat de gauche.
En fin connaisseur, Raffarin, le vieux briscard de la droite, reconnaît lui-même que la nomination de Valls est un bon choix et que Hollande a « choisi la droite de la gauche plutôt que la gauche de la gauche, c’est une orientation qui ne peut pas déplaire aux gens de droite et du centre que je représente ». C’est encore eux qui en parle le mieux !
Face à cette situation, le NPA appelle à construire une alternative d’ampleur aux politiques de reculs sociaux et démocratiques que mènera ce gouvernement Valls. Ce combat ne sera gagné que par nos mobilisations. Pour cela, l’opposition de gauche au gouvernement PS-Medef doit avancer, et la gauche sociale et politique doit reprendre la rue. C’est cela que nous porterons, avec d’autres, dans la manifestation unitaire du 12 avril à Paris.
Sandra Demarcq
PS et gouvernement : Hollande liquide la gauche
Le PS a subi une débâcle historique. L’abstention a été encore plus élevée qu’au 1er tour, preuve que les incantations gouvernementales à la mobilisation de la gauche n’ont pas convaincu. Et l’arrivée de Valls à Matignon marque symboliquement la prise de pouvoir de la gauche de droite...
Les bons scores du FN constituaient la meilleure configuration pour le PS qui pouvait ainsi espérer sauver quelques municipalités. Force est de constater que front républicain et vote utile ne font plus recette. Le brouillage des repères politiques entraîné par la politique d’austérité de Hollande, la radicalisation de la droite sous le quinquennat de Sarkozy et les velléités du FN à se présenter comme un parti comme les autres, ont sonné le glas de la mobilisation du « peuple de gauche ».
Durant la campagne, le PS a pourtant tout fait pour faire du scrutin un enjeu local et non national ; les socialistes se targuaient même de pouvoir prendre la ville de Marseille… Or, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Après deux ans de présidence de Hollande, le PS qui tenait 55 % des villes de plus de 9 000 habitants n’en conserve que 38 %. Il perd 10 villes de plus de 100 000 habitants et pas des moindres, à l’image de Toulouse ou Saint-Étienne gagnées sur l’UMP en 2008. Des bastions historiques passent à droite, comme Limoges, Nevers, Tours ou Quimper. Si les socialistes l’emportent haut la main à Paris, ils conservent Lyon de justesse (50,65 %) et gardent Strasbourg sans doute grâce à la mobilisation contre le FN. Et Montpellier voit la victoire d’un dissident du PS.
Cette cuisante défaite marque la fin du « socialisme municipal » dont Hollande lui-même avait été la cheville ouvrière lorsqu’il était premier secrétaire du PS de 1999 à 2008. Il avait alors permis aux socialistes de se constituer des potentats locaux sur tout le territoire alors même qu’ils étaient dans l’opposition. Ainsi, le président Hollande défait lui-même son propre héritage et voue son parti aux gémonies : perte annoncée de beaucoup de communautés de communes, élections régionales de 2015 à haut risque, avec par effet de dominos la perte du Sénat...
Premier ministre « austéritaire »
Malgré les agitations de la gauche du PS dans l’entre-deux-tours et les déclarations de François Hollande sur le « message des Français » et les promesses de « justice sociale », rien ne laisse augurer, en particulier dans le discours de Hollande lundi soir, du moindre changement de cap politique.
Au contraire, le choix de Manuel Valls comme Premier ministre apparaît comme un mauvais présage. Loin de tenir compte des rapports internes au PS et des réticences de EÉLV, le Président nomme celui qui est connu pour incarner l’aile droite du PS. Libéral affirmé en matière économique, Manuel Valls a incarné, comme ministre de l’Intérieur, les pires renoncements des socialistes sur les questions de sécurité et d’immigration. Ses propos lors des émeutes d’Amiens, lors de l’expulsion de la jeune Leonarda, ses déclarations racistes à propos des Roms, sa politique envers les sans-papiers, en ont fait un personnage sulfureux, digne du personnel politique de Sarkozy.
Avec un tel Premier ministre à la tête d’un « gouvernement de combat », loin de s’adresser à la gauche, Hollande achève sa mue politique.
Camille Jouve
La Valls des chiffres
S’il fallait une explication chiffrée à la débâcle que viennent de subir les socialistes, plusieurs indicateurs sont venus à point nommé rappeler ces derniers jours que la politique du gouvernement est entièrement tournée vers la satisfaction des intérêts patronaux.
L’augmentation du nombre de chômeurs en février, publiée entre les deux tours des élections municipales, a sonné le glas de la méthode Coué gouvernementale. 31 500 chômeurs supplémentaires ont été enregistrés soit un accroissement de 0,9 % sur le mois précédent et de 4,9 % en un an. À défaut d’inversion des chiffres du chômage, c’est l’aversion des couches populaires devant l’incapacité du gouvernement à apporter des solutions, c’est-à-dire à s’en prendre aux profits et à la liberté de licencier, qui s’est exprimée principalement dans l’abstention de l’électorat ouvrier.
Pour parfaire le tableau, l’INSEE a publié ce lundi, au lendemain du deuxième tour et de la confirmation de la sanction du gouvernement Hollande-Ayrault, les chiffres de la dette publique pour 2013 (1 925 milliards, soit 93,5 % du PIB, en progression de 84,3 milliards par rapport à 2012) et du déficit public (représentant 4,3 % du PIB au lieu des 4,1 % attendus).
Le pouvoir d’achat des ménages, quant à lui, a subi un deuxième trimestre consécutif de baisse (– 0,2 %), entraînant évidemment une diminution de la consommation.
Sourd aux exigences populaires, Hollande a choisi de remplacer Ayrault par Valls. Ce faisant, il indique clairement ses objectifs. C’est la fuite en avant destinée à imposer coûte que coûte la mise en œuvre des revendications du Medef et la diminution des déficits pour satisfaire aux impératifs des traités européens, c’est-à-dire de nouvelles coupes sombres dans les budgets publics pour financer les milliards de baisse de cotisations patronales et le rétablissement des profits.
Annonçant un « gouvernement de combat », n’en doutons pas contre les salariéEs et la majorité de la population, en version autoritaire sous la houlette de l’ex-« premier flic de France », ces décisions appellent une riposte d’ampleur, la construction enfin clairement assumée d’une opposition de gauche et des mobilisations dans la rue et dans les grèves. Gageons qu’un fort chiffre de manifestants le 12 avril annoncera l’inversion… du rapport de forces.
Côme Pierron
12 avril : du rejet à la mobilisation
Les élections municipales donnent la réponse électorale au catastrophique bilan de près de deux ans de gouvernement Hollande-Ayrault. Et après avoir rempli les rues ces derniers mois, les idées réactionnaires de la droite et de l’extrême droite remplissent les urnes et envahissent les conseils municipaux.
Avant ce résultat, une grande majorité des organisations syndicales, politiques, associatives, des « personnalités », se sont engagées dans la construction d’une riposte à un gouvernement qui alimente désillusions politiques et montée de l’extrême droite.
Le soutien de la CFDT, CFE-CGC et CFTC, syndicats d’accompagnement du social-libéralisme, l’acceptation du dialogue social par les autres directions syndicales, n’ont pas permis la construction d’une mobilisation à la hauteur des attaques patronales et gouvernementales.
Malgré tout, les ripostes n’ont pas disparu. Dans les entreprises qui licencient, dans le commerce, la santé, le nettoyage, à la SNCF, à La Poste, à Notre-Dame-des-Landes, ou pour le droit au séjour, au logement... Mais avec des luttes trop souvent isolées, les succès restent ponctuels, partiels.
Ras-le-bol unitaire
En écho au « Y’en a marre » des sans-papiers, au « Re’zo re » (« trop c’est trop » breton), au « ya Basta » d’une large partie du mouvement social, la marche du 12 avril exprime d’abord un ras-le-bol largement partagé face au gouvernement PS-Medef et contre la montée de l’extrême droite.
Initié unitairement par le NPA, la construction de cette mobilisation concentre les difficultés de la situation et des ripostes à construire. Le PCF avait envisagé de faire de cette date une initiative à dimension européenne de lancement de la campagne du Parti de la gauche européenne, avec la participation d’Alexis Tsipras de Syriza, et multiplie déclarations et petites manœuvres tendant à chapeauter la marche. Le reste du Front de gauche, notamment le Parti de gauche, tente de contrebalancer ces manœuvres en mobilisant réseaux syndicaux et associatifs.
La persistance, voire le développement de méfiances vis-à-vis du politique, des politiques, suscite résistances et hésitations tant du côté des organisations syndicales que du mouvement associatif. Le refus de la direction confédérale d’engager l’ensemble de la CGT fait hésiter des équipes syndicales pourtant localement partie prenante d’initiatives semblables, même si la signature de Georges Séguy ou de Bernard Thibaut soulignent les contradictions et débats qui traversent les rangs de la confédération. Ces hésitations sont perceptibles du côté de Solidaires ou d’associations comme RESF, Attac ou la Ligue des droits de l’homme. Alternative libertaire est signataire de l’appel, tout en étant vigilante sur les risques de confiscation politique, et Lutte ouvrière s’engageant, à cette heure, dans un soutien sans signature de l’appel.
Cependant, malgré ces difficultés, les contradictions d’une situation faite de colère et de découragement, la mobilisation se construit. De nombreuses structures syndicales CGT, Solidaires, associations, s’engagent localement et nationalement dans sa construction. Réunions unitaires, collectifs locaux, structures syndicales.... de nombreuses initiatives engagent la popularisation, la mobilisation.
S’opposer clairement
Mais, au-delà de l’ampleur de la marche, l’autre enjeu est celui du contenu de la mobilisation. Il est indispensable de faire apparaître la nécessité d’un affrontement avec ce gouvernement et le patronat, mais aussi la nécessité de partir des entreprises, des quartiers, par des grèves, des manifestations de rue. Dire aussi que le 12 avril ne doit être qu’un début de mobilisation autour de revendications dont la satisfaction commencerait à modifier vraiment nos conditions de vie et de travail, à redonner l’envie et l’espoir d’un changement radical de société. Rejet du pacte de responsabilité ; égalité des droits pour toutes et tous ; régularisation de tous les sans-papiers ; défense du service public dans la santé, dans l’éducation ; égalité hommes/femmes ; alternative au productivisme et arrêt du nucléaire ; interdiction des licenciements ; réduction du temps de travail avec un seul contrat de travail, le CDI ; arrêt et annulation de la répression des mouvements sociaux.
C’est le sens de la construction dans la marche d’un pôle anticapitaliste, antifasciste et autogestionnaire, pour afficher ce rejet clair du gouvernement et donner un coup d’arrêt à la progression de la droite et l’extrême droite.
Robert Pelletier