I - RÔLE ET MEHODES DE TRAVAIL DE LA COMMISSION
Le C.A. à l’unanimité a mis en place une commission d’enquête pour «
établir la preuve de la sincérité ou non du scrutin ; dans cette
dernière hypothèse en identifier les causes »
Ses membres ont été désignés le 11 septembre 2006
– La commission s’est réunie une première fois le vendredi 15 septembre
au siège sous la co-présidence de Nuri Albala et René Passet ;
Etaient également présents Catherine Agnias, Aymard de Camaret, Gérard
Duménil, Emmanuelle Gaziello, Pierre Khalfa et Jacques Nikonoff.
– Elle s’est réunie une deuxième fois mardi 19 au siège où elle a
entendu plusieurs salariés.
Etaient présents : René Passet, Nuri Albala, Catherine Agnias, Aymard de
Camaret, Marc Delepouve (suppléant Pierre Khalfa), Gérard Duménil,
Emmanuelle Gaziello, et Jacques Nikonoff.
– Elle s’est réunie une troisième fois mardi 26 septembre où elle a
examiné le rapport réalisé par Gérard Duménil et Dominique Lévy, et que
nous annexons. Etaient présents Nuri Albala, René Passet, Catherine
Agnias, Aymard de Camaret, Gérard Duménil, Sabine Jauffret ( suppléant
Emmanuelle Gaziello), Pierre Khalfa et Jacques Nikonoff.
– Entre ces réunions, des missions particulières ont été confiées à
certains de ses membres - agissant en « tandems » - et ses deux
co-présidents ont maintenu un contact permanent
La Commission a convenu qu’il n’était pas question de procéder à quelque
modification que ce soit de sa composition bien que celle-ci soit un peu
étrange, puisqu’on y trouve des personnes concernées par l’élection ou
ayant participé au dépouillement : nous avons convenu que ce qui
apparaît comme une anomalie devait être utilisé par nous comme un
avantage : les deux « sensibilités » de l’association y sont
représentées paritairement, mais chaque membre de la commission y siège
à titre strictement personnel et indépendant.
La commission a arrêté unanimement ses méthodes et son plan de travail :
1- Le délai pour conclure, fixé au 25/26 septembre est extrêmement court,
mais nous avons tous considéré qu’il fallait le respecter (à peu de
chose près) dans l’intérêt de l’association, et de façon que la CNCL du
30 ait connaissance de notre rapport.
2- Des comptes-rendus des séances et des notes ou documents internes de
travail ont été établis, confidentiels et de diffusion limitée aux
membres de la commission ;
Un communiqué intermédiaire a été établi sous la responsabilité des deux
présidents et diffusé sur l’ensemble des listes.
Comptes-rendus et communiqués préservent le total anonymat de « qui a dit quoi », en application du principe que chacun(e) est membre de la
commission d’enquête, ni plus ni moins.
3- De la même façon l’anonymat est préservé pour tous ceux qui, à quelque
titre que ce soit, ont apporté des témoignages écrits ou oraux à la
commission.
4- Les éléments d’information de la commission ont compris :
– Les témoignages écrits de tous ceux qui, ayant participé au
dépouillement, ont ou auront accepté de faire un tel témoignage ;
– Les témoignages écrits de tous les salariés qui ont accepté d’en donner
– La déposition devant la commission des deux salariés dont la mission
concernait plus particulièrement les élections, savoir Jean-Louis Sounes
et Renaud Dumas.
– Les dépositions complémentaires proposées à la commission
– Les documents de travail de la commission sont tous ceux qui ont déjà
circulé (y compris notamment les trois rapports d’experts indépendants
et leur synthèse réalisée par René Passet) ainsi que les documents et
rapports que chaque membre de la commission a été invité à lui soumettre
en le « chapeautant » d’un brève note synthétique.
5-Un membre de la commission s’est proposé pour réaliser une étude de
certains groupes de bulletins dans l’espoir d’individualiser les
bulletins faisant problème (et non plus seulement des groupes de
bulletins faisant problème) afin que la commission en tire une analyse
plus affinée : cela a été fait sous le contrôle de toute la commission.
Cette démarche située sur un tout autre plan que les expertises
demandées à des statisticiens indépendants n’avait pas valeur de contre
expertise ; elle visait essentiellement à la recherche d’indices
matériels pouvant contribuer à éclairer la commission.
6-Des salariés ont été entendus par la commission et ont fourni de
nombreux éléments concrets permettant d’éclairer nos travaux.
Ces divers éléments ont été analysés
Précisons que nous avons essayé d’approcher au plus près possible les
conditions concrètes réelles du dépouillement pour être certains de ne
pas négliger quelque élément matériel que ce soit
7- La commission a recherché également les conditions d’imprimerie,
diffusion, et stockage des bulletins de vote, et les a obtenus
La commission entière (puis une partie après le départ de deux membres,
puis les deux présidents seuls pour des raisons de commodité et d’emploi
du temps) ont questionné les salariés sur le trajet chronologique des
bulletins :
– 30.000 bulletins pour l’élection des membres actifs commandés à
l’imprimeur ont été livrés au siège les 15 et 16 mai. Ils sont tous
repartis chez le routeur le 19 mai pour envoi aux adhérents, encartés
dans le n° 52 de Lignes d’Attac.
(La même méthode, bien entendu, a été appliquée pour les deux autres
scrutins qui ne nous intéressent pas ici)
– 531 sont revenus au siège dans les jours suivants avec la mention NPAI
indiquant que le destinataire avait déménagé.
– 743 soit tous les reliquats des envois ont été retournés au siège suivant
bon de livraison n° 328 du 31 mai par le routeur et ont été conservés au
siège sans attention particulière s’agissant de reliquats de la revue
avec, à l’intérieur, les bulletins pour les trois votes.
C’est à la veille de l’AG du 17 que deux camarades sont venus au siège et
ont amené à Rennes (pour que les présents à l’AG puissent voter sur
place comme prévu) tous ces bulletins. Ainsi, dans l’optique de
recherche des possibilités de fraude - comme tous ces bulletins n’ont
pas été utilisés - il en est resté suffisamment à la disposition d’un
éventuel petit groupe de fraudeurs ;
8) Elle a, finalement, reçu et examiné plus de quarante documents, plus
de cinquante témoignages, procédé à quelques auditions (en plus des
témoignages personnels de plusieurs membres de la commission), tenu
trois réunions plénières, examiné physiquement nombre de bulletins et
d’enveloppes et ... beaucoup travaillé entre ces réunions.
II - Les opérations électorales elles-mêmes
Il était espéré que près de 200 militants participeraient aux opérations
de dépouillement , qui ne pouvaient être que longues et complexes compte
tenu du nombre de candidats et de postes à pourvoir ainsi que du grand
nombre de votants ;
Or il est venu quatre fois moins de volontaires que prévu, ce qui a
gravement perturbé le travail et a largement « noyé » tout le monde
En conséquence, les conditions du dépouillement ont été difficiles et
parfois incohérentes.
La commission, dont la mission n’est pas d’insister sur ces difficultés,
tient à souligner certains points :
– les salariés d’ATTAC, noyés et débordés, sans consignes claires et
précises, ont colmaté les brèches comme ils ont pu et selon beaucoup de
témoignages, du mieux qu’ils ont pu ;
– ce sont les instances dirigeantes et elles seules qui ont eu
collectivement la haute main sur tout le processus, et les désordres
constatés ne sont pas le fait des salariés ;
– de nouvelles élections vont avoir lieu bientôt et il importe que les
mêmes errements ne se reproduisent pas.
La commission d’enquête et ses présidents sont à la disposition des
instances qui seront chargées d’organiser les élections pour attirer
leur attention sur les écueils principaux à éviter.
D’ores et déjà, il nous apparaît
a) qu’il faut que l’autorité chargée d’organiser les élections soit
clairement désignée et s’abstienne de délégation et sub-délégation,
b) que chacun, qu’il s’agisse des salariés ou des personnes chargées du
dépouillement, doit savoir exactement quelles sont les règles de celui-ci
c) que pour cela, une note écrite remise à chaque table paraît absolument
nécessaire,
d) qu’aucune règle prévue (sur les heures de dépouillement par exemple)
ne doit être changée en cours de route.
III - Les résultats du scrutin :
A. Les désordres signalés ci-dessus nous conduisent à conclure que les
résultats du scrutin ne peuvent en aucun cas être considérés comme
fiables car ils n’offraient aucune des garanties d’une consultation
normale.
B. Les aberrations statistiques signalées ont évidemment particulièrement
attiré notre attention.
Elles sont incontestables sur un certain nombre de lots et résultent des
trois rapports statistiques et de la synthèse qui en a été faite par
René Passet : ces éléments factuels sont acquis.
C. Quelles en sont les causes ?
La première condition pour progresser dans nos travaux était de ne jamais
perdre de vue les questions auxquelles nous devions répondre. Et
d’évaluer systématiquement l’importance des informations qui nous
parvenaient au regard de ces questions. Cela pourrait ressembler à une
banalité si, comme toute assemblée délibérante, nous n’étions exposés au
risque de nous laisser porter par la logique des analyses ponctuelles
successives auxquelles nous nous livrions ou par le flot des études,
toutes plus « objectives » les unes que les autres,dont nous avons été
littéralement inondés.
La question de savoir comment peuvent s’expliquer les fortes
concentrations de voix portant sur une période et des candidats
déterminés, exigeait bien évidemment un examen sérieux au niveau des
lots et des lettres. Et nous y avons procédé. Mais il a fallu veiller à
ce que, de fil en aiguille, cette logique ne se substitue pas à celle du
phénomène global dont nous avions à rendre compte. Car, de ce point de
vue, le tout ne se réduit pas à la somme de ses composantes. Un simple
exemple illustrera ce point : quand un édifice en cours de construction
s’effondre, l’examen des matériaux que l’on a utilisés - les pierres par
exemple - s’impose ; mais il ne suffit pas que l’on ait détecté des
défauts sur un certain nombre d’entre elles, pour en déduire qu’elles
sont la cause de l’accident : encore faut-il savoir quel était leur
nombre, et leur disposition ( concentrées ou réparties) sur l’ensemble
de l’édifice ; en outre, ce constat ne nous dit rien sur la possibilité
d’un vice plus général tel qu’un défaut de conception ou de réalisation.
Il ne suffira donc pas de sortir son « microscope » et d’analyser les
éléments constitutifs de l’ensemble.
Ainsi en est-il de notre problème. La logique des lots et des lettres
n’est pas notre finalité . Les aberrations que nous pouvons trouver à ce
niveau appellent immédiatement la question : « dans quelle mesure cela
peut-il expliquer les anomalies globales que nous essayons de comprendre
? ».
Cette considération explique notre façon de procéder et la manière dont
nous avons conduit nos investigations. Elle explique en particulier
l’intérêt que nous avons porté à une étude physique directe du matériel
électoral (paquets, enveloppes et bulletins).
Quand certains affirment que les experts sont partis d’hypothèses
d’homogénéité ne correspondant pas à la réalité - et remettant donc en
cause leurs conclusions - ils veulent dire en fait qu’un certain ordre
initial de classement alphabétique n’a pas été respecté, c’est-à-dire
qu’un mode d’organisation obéissant à une norme a été détruit.
La destruction d’un ordre peut se faire de deux façons
:1/ Par substitution involontaire - donc non frauduleuse - d’un désordre
à l’ordre initial :
Nous pensons évidemment ici à l’immense « fantaisie » qui - faute de
moyens - a présidé aux opérations de dépouillement. Paradoxalement, en
dépit de ce qui a été dit, cette circonstance est de nature à fortifier
les hypothèses d’homogénéité sur lesquelles se sont appuyés les experts
et à faire apparaître les conditions matérielles d’une possible fraude.
– Elles fortifient les hypothèses des experts car, par définition, le
désordre va dans tous les sens et, au niveau global, les déviations
particulières se compensent : « plus on touille, plus on homogénéise (au
sens propre) la sauce »- c’est pour cela que l’on bat les cartes - et
plus on homogénéise plus le hasard s’installe et plus le système obéit
aux lois de la statistique. Donc, rechercher l’explication des anomalies
du côté du désordre qui par définition est aléatoire, revient à valider
les études des experts : plus les écarts à l’ordre initial sont
involontaires, nombreux et erratiques, plus l’application des techniques
statistiques auxquelles les experts ont procédé se trouvent validées et
plus les anomalies ne peuvent s’expliquer que par des phénomènes qui,
eux, échappent aux lois du hasard.
– En revanche - et sur ce point tous les témoignages concordent - ces
conditions étaient favorables comme le soulignent plusieurs témoins de
tous bords, à la réalisation matérielle d’une fraude. Les conditions de
protection du matériel électoral dépouillé ou en cours de dépouillement
aggravent ce constat : alors que la porte d’entrée du local d’ATTAC
donnant sur l’extérieur se trouve dotée d’une serrure sérieusement
sécurisée, il n’en va pas de même des pièces intérieures ; notamment, la
porte de celle où était entreposé ce matériel pouvait être facilement
ouverte soit à partir d’une copie, facile à réaliser, de la clef, soit à
partir d’un banal passe-partout.
Ceci doit être souligné, sans qu’on puisse encore en tirer la preuve
qu’une telle fraude s’est effectivement produite .
2/ Par substitution d’un ordre différent à l’ordre initialement envisagé.
Cette seconde situation n’implique pas nécessairement l’existence d’une
fraude, car deux cas peuvent se présenter.
– La substitution peut être involontaire : à ce sujet, deux types
d’explications sont apparues dans nos débats : d’une part des « effets
de tri », et d’autre part des effets de « dates ».
Nous sommes donc tenus de leur accorder une attention particulière. Si,
en effet, les phénomènes invoqués suffisent à expliquer les anomalies
constatées, cela rend inutile l’hypothèse qui suit.
– Cette substitution peut être volontaire, c’est-à-dire frauduleuse ;
peut-être faudra-t-il envisager cette éventualité comme un aboutissement
de nos travaux si aucune autre explication ne peut être retenue . Nous
voulons dire par là qu’un minimum d’objectivité s’oppose à ce que cette
hypothèse soit considérée comme un point de départ. Et, ajoutons tout de
suite, que le défaut d’autres explications ne saurait suffire à
l’établir si nous ne disposons pas de preuves formelles.
Nous avons donc attaché une importance particulière aux effets de tri et
de date le plus souvent invoqués comme phénomènes explicatifs.
Nous les avons examinés en nous demandant dans quelle mesure leur
éventuelle apparition au niveau des lettres et des lots a pu avoir une
incidence au plan global.
a) - Nous avons appelé « effet de tri » la pratique de certains
dépouilleurs ayant consisté - à des fins d’accélération des travaux - à
pré-sélectionner les bulletins par tendances et à compter séparément
chacun des demi lots ainsi constitués. Il est évident que, si l’ensemble
des bulletins avaient pu être comptabilisés dans la même journée, cela
n’aurait eu aucune incidence sur le « profil chronologique » des
résultats ; mais il semble qu’il n’en soit pas ainsi et que les demi
lots aient parfois donné lieu à des décomptes étalés sur deux journées.
Si donc les bulletins de la tendance X ont seuls été effectivement
dépouillés le premier jour et les bulletins Y le lendemain, on pourra
assister à des renversement spectaculaires de majorité, résultant de
manipulations certainement malencontreuses mais n’ayant aucun caractère
frauduleux. Pour qu’il en soit ainsi, il faudrait que ces bulletins
soient suffisamment nombreux et que les dépouillements concernant chacun
des demi lots se soient situés à cheval sur la période considérée comme
normale et la période faisant l’objet de contestation. En fait, il
ressort des témoignages des scrutateurs que cette pratique est restée
très exceptionnelle, n’ait concerné qu’un très petit nombre de lots et
donc ne puisse expliquer les renversements de majorité constatés d’une
période à l’autre.
De plus cette pratique aurait entraîné non seulement une accumulation de
bulletins d’une certaine tendance sur un dépouillement, mais aussi comme
corollaire nécessaire une accumulation de bulletins de l’autre tendance
dans le dépouillement précédent ou suivant : or les investigations
particulières auxquelles nous allons faire allusion un peu plus loin ,
n’ont révélé aucune accumulation de ce type.
b)Nous avons appelé« effet de date » la possibilité que des événements
survenus pendant la période au cours de laquelle les militants ont
exprimé leur suffrage aient affecté au cours du temps les choix des
électeurs. De tels effets auraient pu se manifester en dépit du
classement par lettres des paquets si les mélanges des enveloppes
parvenues au siège à des dates différentes n’ont pas été correctement
effectués. L’imperfection des brassages semble bien avoir été le cas,
malgré les différentes manipulations qui se sont produites soit
conformément à la procédure soit au cours de la répartition des
enveloppes entre les tables de scrutateurs. Un pointage des paquets
d’enveloppes appartenant à la lettre B - correspondant de loin au plus
grand nombre de bulletins - a fait apparaître effectivement une forte
prédominance des lots dans lesquels un regroupement selon la date
d’arrivée des bulletins subsiste en dépit du classement par lettres. Un
ordre chronologique est donc venu s’infiltrer dans le classement
alphabétique. A priori ce phénomène a pu favoriser la manifestation d’un
effet de date. Mais il ne suffit pas de constater ce fait au niveau des
lots et des lettres. Il faut se demander quels sont les événements qui
auraient pu affecter le comportement global des électeurs sur une
période concentrée du temps des dépouillements. Certains évoquent
l’appel de Susan George qui a pu attirer un plus ou moins grand nombre
de suffrages, suivi en sens inverse, de la lettre des 32 militants et
d’une forte campagne auprès des adhérents pour les appeler à voter en
faveur de l’équipe en place. Mais, l’appel de Susan est daté du 20 mai ;
la « contre-offensive » démarre trois jours plus tard, et ne sont pris
en compte que les suffrages postés jusqu’au 9 juin. Peut-être - et même
sans doute - certains votes survenus à partir du 23 mai ont-ils été
influencés par rapport à ceux qui ont précédé, mais on ne parvient pas à
s’expliquer par quel mécanisme, au niveau global, les effets de l’appel
de Susan se seraient systématiquement concentrés sur la période de
dépouillement antérieure au 14 juin et ceux de la contre offensive sur
les journées des 14 et 15 juin. La question se pose d’autant plus que la
proportion de lots correctement mélangés n’est pas nulle et que le
retournement de tendance ne peut s’être manifesté qu’à travers une
partie des bulletins incorrectement brassés. Au total, il est douteux
qu’elle ait pu suffire à renverser une tendance générale.
Cette observation est renforcée par celle-ci : un tel effet de date se
serait nécessairement produit de façon relativement homogène sur toutes
les lettres de l’alphabet, et non pas, comme c’est le cas, largement sur
certaine lettres et pas du tout sur d’autres
Cette question de l’effet de date concerne en outre la validité des
données sur lesquelles ont travaillé les experts indépendants : le
décompte de l’huissier, sur lequel ils se sont appuyés, nous dit-on
d’une part, aurait été invalidé par l’inventaire qui a suivi et aurait
fait apparaître, selon les comptages, entre 661 ou de 720 bulletins non
répertoriés, toutes lettres confondues ; ces bulletins étant
parfaitement typiques, nous dit-on d’autre part, valideraient au
contraire les premiers résultats et constitueraient un argument en
faveur de la fraude. En fait, il semble qu’ils ne puissent être invoqués
ni dans un sens ni dans l’autre : car, si comme personne ne le nie, ils
sont parfaitement « typiques », leur prise en compte ne modifierait en
rien la distribution à laquelle aboutit le comptage de l’huissier et sur
laquelle s’appuient les experts ; à l’opposé, la portée de leur retour à
une forme typique proche des résultats initiaux se trouve amoindrie par
le fait que les 171 bulletins parvenus au siège et ouverts le 15 juin
(donc non susceptibles de fraude), sont fondus dans l’ensemble et ne
peuvent plus être identifiés ; on ne saurait donc les invoquer en faveur
d’un retour aux équilibres des premières journées.
Aucun de cet ensemble d’éléments n’est totalement convaincant.
c) -Il restait donc à examiner l’hypothèse de manipulation frauduleuse.
La méthode mise en ouvre par un membre de la commission, avec l’accord
de cette dernière, consiste à faire apparaître, par une analyse
factorielle le degré de proximité des différents bulletins en fonction
de leur similitude. Elle s’attache indifféremment à tous les types de
bulletins et, le fait qu’une tendance émerge plutôt qu’une autre - la
tendance Nikonoff en l’occurrence - constitue un résultat ne découlant
pas d’un intérêt particulier qui lui aurait été porté a priori. Si des
phénomènes similaires avaient affecté la tendance opposée, ils seraient
spontanément apparus de la même façon. La méthode met en évidence, un
nombre élevé de votes absolument similaires parmi lesquels un examen
plus fouillé, permet de dégager deux - peut-être trois- stratégies (ou
consignes) de sélection, dont une largement prédominante. Lorsque l’on
consulte directement les bulletins concernés, le fait troublant est qu’à
chacune de ces stratégies correspond une façon particulière de cocher
les cases. Ceci est particulièrement net en ce qui concerne la stratégie
dominante qui se caractérise par une façon très particulière de former
les croix, dans laquelle on trouve les mêmes déformations et dont le
graphisme exprime la même fébrilité : tous les bulletins, visiblement
remplis de la même main, reconnaissables au premier coup d’oil, sont à
la fois très semblables entre eux et très différents des autres.
Nous croyons bon de reproduire ici intégralement le résumé des
conclusions qui figure dans l’étude , laquelle est, par ailleurs, jointe
dans son intégralité ,en annexe du présent rapport : « Le résultat
principal de cette investigation est l’établissement de l’existence de
la fraude sur des bases distinctes de celle du Rapport Passet.
L’évidence provient d’un fait inattendu : le caractère très aisément
identifiable d’un des fraudeurs dans sa manière (souvent hâtive) de
cocher les cases des bulletins, première signature de la fraude. Elle
est confirmée par le caractère méticuleux et systématique de certaines
procédures de camouflage de la fraude ; ces précautions se retournent
contre leurs auteurs, fournissant une seconde signature de leur acte. La
combinaison des deux éléments, déjà probants en eux-mêmes, montre la
cohérence de l’ensemble.
Nous utiliserons les épithètes « georgien » et « nikonovien » pour
renvoyer aux candidats des deux « listes » ou « groupes ». Dans la suite
de ce rapport, on parlera de « listes », qu’elles soient explicites ou
de fait.
En simplifiant, on peut résumer les observations principales de la
manière suivante :
Pour une partie des bulletins fraudés, dits « camouflés », les votes
portent toujours sur les 16 candidats nikonoviens les mieux placés,
accompagnés de 7 autres candidats, non-nikonoviens n’ayant aucune chance
d’être élus, et, alternativement, soit Aurélie Trouvé, soit Jean-Marie
Harribey, deux personnalités majeures de la liste Susan George (qui,
eux, étaient élus à coup sûr).
Pour une autre partie des bulletins fraudés, on observe un vote exclusif
pour les candidats de la liste de Jacques Nikonoff, en général pour les
24 candidats nikonoviens les mieux placés.
Nombre de ces bulletins sont identiques ou diffèrent légèrement (23 ou 22
voix pour les mêmes candidats sur un total de 24 au maximum). Dans le
cas du lot B4, par exemple, il s’agit de 39 bulletins, soit 41% des
bulletins non nuls du lot. De telles proximités n’existent pas pour les
votes portant sur la liste Susan George.
L’analyse des manières de cocher révèle plusieurs styles : (1) le style
du fraudeur évident, et (2) deux ou trois autres manières de cocher
moins spécifiques.
Il est facile de vérifier la correspondance des votes des bulletins
remplis par le fraudeur évident et les configurations de votes
ci-dessus. Par exemple, dans les lots B3, B4 et B5, on trouve deux
sous-groupes de bulletins, respectivement de 15 et 16 bulletins, dont
les votes sont parfaitement identiques dans chaque sous-groupe, qui sont
tous clairement de la main de ce fraudeur évident. Au total, il a
rempli, au moins, 47 bulletins sur 85 suspects dans ces trois lots B3,
B4 et B5, qu’on peut alors qualifier de « fraudés ».
Nous pensons identifier plusieurs fraudeurs pour deux raisons : a) les
styles sont si distincts qu’il est difficile d’imaginer qu’ils
proviennent de la même main, et b) diverses personnes semblent s’être
réparties des configurations de votes (pour quels candidats voter)
particulières. Seule une étude d’un plus grand nombre de lots
permettrait de préciser ce point.
En marge de ces observations, cette étude confirme l’existence d’effets
de liste, guidant les votes. Cet effet apparaît pourtant atténué dans
les lots fraudés. Le nombre des bulletins massivement alignés sur la
liste de Susan George s’y trouve réduit (dans le cas du lot B4, à
l’unité), puisque des bulletins ont été retirés pour permettre
l’introduction des bulletins fraudés ».
Le constat ci-dessus se trouve conforté par celui qu’ont effectué deux
autres membres de la commission ( remarquons au passage que toutes les
démarches effectuées au sein de cette dernière ont été menées « en
tandem » par des membres représentant les deux tendances représentées )
qui, explorant le lot B4 - tout à fait indépendamment de l’étude
précitée - avaient spontanément isolé, afin de les soumettre à la
commission, 24 bulletins qu’il avaient jugés anormalement similaires
dans leur apparence et dont le graphisme se révèle correspondre très
exactement à celui auquel nous venons de faire allusion . Sur leur
proposition, ces deux membres ont reçu mission d’explorer, pendant le
week-end, le maximum de lots jugés atypiques à la fois par l’une et
l’autre parties, afin de vérifier s’ils conduisent à des constats
similaires. Cette exploration, quoique n’ayant pu, faute de temps, être
menée sur l’ensemble des lots concernés , a révélé un certain nombre de
bulletins suspects dont 10 correspondant au modèle « fébrile » dominant,
dans le lot B3 et 6 de même nature dans le lot L4.
Dans l’état actuel des choses, il nous faut bien admettre avec une grande
tristesse, que nous avons sous les yeux la preuve matérielle d’une
fraude que la fébrilité de l’un de ses auteurs rend encore plus évidente.
CONCLUSION
Cette conclusion s’impose au terme d’une démarche progressive qui s’est
appliquée à explorer toutes les hypothèses et que nous retracerons ainsi
:
Les trois études statistiques menées par six experts indépendants - dont
l’un d’entre nous avait présenté la synthèse -aboutissaient à la très
forte improbabilité statistique des retournements de votes constatés
pendant la période du dépouillement et à la mise en évidence de lots de
bulletins fortement atypiques. Une discussion s’est alors engagée sur
les hypothèses de départ sur lesquelles reposaient les conclusions des
experts ;
La présente commission d’enquête, composée par les représentants des deux
tendances opposées, s’est donc attachée à vérifier ce point et à
explorer prioritairement toutes les hypothèses pouvant expliquer
autrement que par la fraude les anomalies constatées ; aucune
explication satisfaisante n’a pu être retenue, concernant notamment
l’existence d’un biais au niveau des hypothèses des experts ;
Nous nous sommes donc résolus à explorer, en dernier ressort, l’hypothèse
de fraude ; précisons que, si celle-ci n’avait donné aucun résultat
matériellement vérifiable, elle aurait également été écartée et la
commission aurait reconnu son incapacité à se faire une opinion.
L’analyse - plus particulière mais non exclusive - des lots réputés
atypiques a fait apparaître des ensembles de bulletins suspects dont
l’examen a révélé qu’ils avaient été massivement réalisés par deux ou
trois mains et dont le contenu a révélé des « stratégies » évidentes.
Nous précisons que nos constatations, à nos yeux irréfutables,
établissent que deux ou trois personnes se sont livrées à ces
opérations, et que rien ne permet de les attribuer à un groupe plus
important
A ce stade, nous pouvons déclarer en conscience que la preuve matérielle
d’une fraude en faveur de la tendance favorable à la présidence sortante
est établie. Pour nous, ce constat clôt toute controverse concernant ce
point.
Rapport établi par les deux coprésidents :
Nuri Albala , René Passet
et adopté par l’ensemble des membres de la commission :
Catherine Agnias, Aymard de Camaret, Marc Delepouve, Gérard Duménil,
Emmanuelle Gaziello, Sabine Jauffret Pierre Khalfa, Jacques Nikonoff
Jeudi 28 septembre 2006
Annexe
Examen des bulletins
Gérard Duménil et Dominique Lévy
Le 28 septembre 2006
Ce rapport s’inscrit dans le processus général de l’étude des résultats des élections. Il fait
suite, par ordre chronologique, aux travaux de divers membres de l’association, à ceux des
experts extérieurs, et à leur synthèse par René Passet, concluant à l’existence de
manipulations. Il y a eu des interrogations concernant le caractère aléatoire de la constitution
des ensembles de bulletins dont les résultats avaient servi de base à ces travaux. Une
Commission d’enquête fut créée.
Il existait une seconde manière d’aborder la question, consistant à étudier directement les
votes des bulletins individuels. Il s’agissait d’une démarche parallèle, sur la base d’une
information plus détaillée. Elle n’a pas été menée, pour des raisons que nous ne discuterons
pas ici. Il nous a été finalement possible, dans le cadre de la Commission d’enquête, d’avoir
accès à la photocopie d’un ensemble de bulletins.
Ce rapport présente les résultats de l’analyse de ces bulletins. Mais il faut souligner que cette
investigation n’a pas encore révélé toutes ses possibilités. Cette limitation tient à la brièveté
des délais qui nous ont été imposés, du 20 septembre au 25 septembre, six jours dont un
week-end.1
I – Résultats
Le résultat principal de cette investigation est l’établissement de l’existence de la fraude sur
des bases distinctes de celle du Rapport Passet. L’évidence provient d’un fait inattendu : le
caractère très aisément identifiable d’un des fraudeurs dans sa manière (souvent hâtive) de
cocher les cases des bulletins, première signature de la fraude. Elle est confirmée par le
caractère méticuleux et systématique de certaines procédures de camouflage de la fraude ; ces
précautions se retournent contre leurs auteurs, fournissant une seconde signature de leur acte.
La combinaison des deux éléments, déjà probants en eux-mêmes, montre la cohérence de
l’ensemble.
Nous utiliserons les épithètes « georgien » et « nikonovien » pour renvoyer aux candidats des
deux « listes » ou « groupes ». Dans la suite de ce rapport, on parlera de « listes », qu’elles
soient explicites ou de fait (les deux listes sont données en annexe).
En simplifiant, on peut résumer les observations principales de la manière suivante :
1) Pour une partie des bulletins fraudés, dits « camouflés », les votes portent toujours sur
les 16 candidats nikonoviens les mieux placés, accompagnés de 7 autres candidats,
georgiens ou non-alignés n’ayant aucune chance d’être élus, et, alternativement, soit
Aurélie Trouvé, soit Jean-Marie Harribey, deux personnalités majeures de la liste
Susan George (qui, eux, étaient élus à coup sûr).
2) Pour une autre partie des bulletins fraudés, on observe un vote exclusif pour les
candidats de la liste de Jacques Nikonoff, en général pour les 24 candidats
nikonoviens les mieux placés.
3) Nombre de ces bulletins sont identiques ou diffèrent légèrement (23 ou 22 voix pour
les mêmes candidats sur un total de 24 au maximum). Dans le cas du lot B4, par
exemple, il s’agit de 39 bulletins, soit 41% des bulletins non nuls du lot. De telles
proximités n’existent pas pour les votes portant sur la liste Susan George.
4) L’analyse des manières de cocher révèle plusieurs styles : (1) le style du fraudeur
évident, et (2) deux ou trois autres manières de cocher moins spécifiques.
5) Il est facile de vérifier la correspondance des votes des bulletins remplis par le
fraudeur évident et les configurations de votes ci-dessus. Par exemple, dans les lots
B3, B4 et B5, on trouve deux sous-groupes de bulletins, respectivement de 15 et 16
bulletins, dont les votes sont parfaitement identiques dans chaque sous-groupe, qui
sont tous clairement de la main de ce fraudeur évident. Au total, il a rempli, au moins,
49 bulletins sur 85 suspects dans ces trois lots B3, B4 et B5, qu’on peut alors qualifier
de « fraudés ».
6) Nous pensons identifier plusieurs fraudeurs pour deux raisons : a) les styles sont si
distincts qu’il est difficile d’imaginer qu’ils proviennent de la même main, et b)
diverses personnes semblent s’être réparties des configurations de votes (pour quels
candidats voter) particulières. Seule une étude d’un plus grand nombre de lots
permettrait de préciser ce point.
En marge de ces observations, cette étude confirme l’existence d’effets de liste, guidant les
votes. Cet effet apparaît pourtant atténué dans les lots fraudés. Le nombre des bulletins
massivement alignés sur la liste de Susan George s’y trouve réduit (dans le cas du lot B4, à
l’unité), puisque des bulletins ont été retirés pour permettre l’introduction des bulletins
fraudés.
II – Cadre général et définitions
Un bulletin de vote est une liste des noms des 62 candidats. En vue de l’analyse des résultats,
nous avons numéroté les bulletins (dans l’ordre des piles, mais en excluant les bulletins nuls
placés au début des piles) et numéroté les candidats selon l’ordre du bulletin. Un tel bulletin
est présenté à la page suivante. Les électeurs étaient appelés à cocher un maximum de 24
noms. Nous appelons « un vote » un bulletin de vote rempli, c’est-à-dire une liste d’au
maximum 24 candidats. Par exemple, le bulletin présenté à la page suivante correspond au
bulletin 2 du lot B5 et porte les candidats suivants :
Bulletin 2 : 2 4 7 8 13 18 19 20 21 22 23 28 30 35 38 40 45 48 49 50 51 56 60 61
Nous désignons comme « une voix » pour un candidat, le fait que sa case ait été cochée sur
un bulletin. Par « style » du bulletin, nous entendons la manière de cocher. Les styles sont
souvent facilement identifiables. En voici quelques exemples :
(Photo non reproduite ici)
(a) (b) (c) (d) (e)
Lors du dépouillement, les bulletins ont été regroupés par « lots », ou paquets. Ces lots sont
constitués de bulletins correspondant à des électeurs dont les noms commencent par la même
lettre. Les bulletins des lettres initiales fréquentes (par exemple, B ou C) ont été divisés en
plusieurs lots, par exemple, B1, B2, B3…. Les numéros sont arbitraires, et ont été déterminés
au cours de l’inventaire de l’huissier.
Les bulletins sont parvenus par la poste individuellement dans des enveloppes portant le nom
de l’électeur, dont la capacité à voter a été vérifiée par une opération dite d’émargement. C’est
à cette occasion que les enveloppes, donc les bulletins qu’elles contiennent, ont été rangées
par lettre. Il n’y a donc pas à attendre de ressemblance entre les bulletins d’un même lot.
Les études mentionnées en introduction ont conduit à l’identification de lots suspects dont le
dépouillement a donné des nombres de voix par candidats très étranges du point de vue de
tous les statisticiens. Nous les appelons « lots atypiques », par opposition aux lots normaux.
Nous avons travaillé sur la base des résultats complets de 4 lots, tous appartenant à la lettre B,
qui en contient au total 5 (selon l’inventaire de l’huissier) :
B1 : 83 bulletins, 79 ni nuls, ni blancs, dépouillés le 15 juin
B2 : 399 bulletins, 386 ni nuls, ni blancs, dépouillés les 11 et 14 juin
B3 : 100 bulletins, 100 ni nuls, ni blancs, dépouillés le 14 juin
B4 : 100 bulletins, 96 ni nuls, ni blancs, dépouillés le 14 juin
B5 : 50 bulletins, 49 ni nuls, ni blancs, dépouillés le 14 juin
Nous avons traité B1, B3, B4 et B5, c’est-à-dire saisi intégralement sur ordinateur tous les
bulletins de ces lots. Les lots B3, B4 et B5 sont atypiques. Le lot B1 avait été jugé normal par
les études et devait servir de témoin.2 Les résultats de la saisie des bulletins ont été confrontés
à ceux des votes selon le tableau de l’huissier pour chaque lot. Nous avons pu constater
quelques écarts minimes, dus à des erreurs des uns ou des autres.
Le principe général de la méthode est : (1) l’étude statistique des votes, (2) l’examen visuel
des bulletins, et en particulier l’observation du style dans lequel sont cochées les cases, et (3)
la confrontation des votes par bulletins et des styles de bulletins. Trivialement, la question
est : les ensembles de bulletins identiques du point de vue du vote, ont-ils été remplis par la
même personne ?
III – Configuration des votes suspects
Un premier résultat est qu’on peut distinguer deux « stratégies », dont l’une est de
camouflage et l’autre est ouvertement nikonovienne. Chacune des deux stratégies met en jeu
deux « modèles » de votes très précis. Nous les désignons par les lettres A et B, d’une part, et
C et D, d’autre part :
Stratégie de camouflage : votes portant toujours sur les 16 candidats nikonoviens les mieux
placés le 13 au soir, accompagnés de 7 autres candidats, georgiens ou non-alignés n’ayant
aucune chance d’être élus, et, alternativement, soit Aurélie Trouvé, soit Jean-Marie Harribey :
A 2 4 7 8 13 18 19 20 21 22 23 28 30 35 38 40 45 48 49 50 51 56 60 61
B 1 2 4 7 8 13 16 18 20 21 22 23 28 30 35 38 40 45 48 49 50 56 60 61
Le modèle A comprend les 16 candidats nikonoviens les mieux placés (n° : 2, 4, 7, 8, 13, 20, 21,
22, 23, 28, 30, 35, 38, 50, 56, 61), plus Aurélie Trouvé (n° 19), et 7 des 8 candidats georgiens, les
plus mal classés, n’ayant donc aucune chance d’être élus (18, 40, 45, 48, 49, 51, 60). Le modèle B
est identique en remplaçant Aurélie Trouvé par Jean-Marie Harribey (n° 1), et en choisissant
différemment un des autres candidats (le numéro 16 à la place du 51). Les 2 modèles A et B
sont très proches, puisqu’ils ont 22 candidats communs.
Stratégie tout Nikonoff : vote exclusif pour les candidats de la liste de Jacques Nikonoff les
mieux placés le 13 au soir :
C 2 4 5 7 8 9 10 13 20 21 22 23 28 30 31 33 35 38 43 50 56 57 61 62
D 2 4 7 8 10 12 13 20 21 22 23 28 30 31 33 35 38 43 50 53 56 57 61 62
Le modèle C comprend les 24 candidats nikonoviens les mieux placés. Le modèle D
comprend 22 parmi les 24 candidats nikonoviens les mieux placés et 2 autres candidats
nikonoviens un peu moins bien placés (les numéros 12 et 53 à la place de 5 et 9).
La stratégie de camouflage (modèles A et B) répond à une procédure très spéciale, ne
correspondant à aucun comportement naturel d’un adhérent d’Attac, et extrêmement précise :
il s’agit clairement d’une volonté d’essayer de dissimuler la fraude. La stratégie tout Nikonoff
est plus brutale. Ces stratégies furent conçues à partir du classement du 13 au soir (voir
l’annexe).
IV – Décompte et identification des votes suspects
Le critère utilisé dans la détermination d’un bulletin suspect est qu’il soit strictement
identique à un des modèles ou légèrement différent (23 ou 22 voix pour les mêmes candidats
sur un total de 24 au maximum). Ces différences légères peuvent être l’expression
d’omissions ou d’erreurs (ou de l’idée qu’une voix de plus ou de moins importait peu).
Le tableau 1 récapitule les nombres de bulletins suspects dans les différents lots, sur la base
des quatre modèles de fraude. On voit que sur l’ensemble des lots B3, B4 et B5, 85 bulletins
sont suspects du fait de leur identité ou proximité par rapport aux modèles, soit 35% du total .3.
Le lot B1, dont les résultats généraux apparaissent normaux, n’en contient que 11. A
l’inverse, le lot B4 en contient 39.
Tableau 1
Paquet
Nombre de
bulletins dans
les paquets
Nombre de bulletins
suspects Pourcentage dans le paquet (%)
B1 79 11 14%
B3 100 31 31%
B4 96 39 41%
B5 49 15 31%
B3+B4+B5 245 85 35%
Un « bulletin suspect » est un bulletin strictement identique à un des modèles, ou légèrement
différent (23 ou 22 voix pour les mêmes candidats sur un total de 24).
Tableau 2
Lot Stratégie
Nombre de candidats
communs avec un des 2
modèles de la stratégie
Nombre de
bulletins
suspects
Numéro des bulletins
4
B1 11
B1 Camouflage 24 0
B1 Camouflage 23 0
B1 Camouflage 22 0
0
B1 Tout Nikonoff 24 3 1, 2, 3 (D pur)
B1 Tout Nikonoff 23 6 4, 5, 8, 10, 11, 67
B1 Tout Nikonoff 22 2 7, 12
11
4
B3 31
B3 Camouflage 24 14 1, 2, 17, 31, 32, 34, 56, 99, 100 (A pur)
3, 4, 19, 20, 65 (B pur)
B3 Camouflage 23 6 16, 18, 33, 39, 50, 73
B3 Camouflage 22 5 25, 44, 46, 48, 89
25
B3 Tout Nikonoff 24 3 41, 42 (C pur)
7 (D pur)
B3 Tout Nikonoff 23 0
B3 Tout Nikonoff 22 3 79, 83, 87
6
4
B4 39
B4 Camouflage 24 8 61, 62, 63 (A pur)
39, 40, 57, 58, 77 (B pur)
B4 Camouflage 23 2 74, 76
B4 Camouflage 22 2 35, 88
12
B4 Tout Nikonoff 24 15
1, 3, 12, 16, 19, 25, 28, 30, 68, 71, 72, 81,
82, 84 (C pur)
4 (D pur)
B4 Tout Nikonoff 23 8 5, 10, 15, 17, 29, 42, 45, 85
B4 Tout Nikonoff 22 4 13, 41, 75, 83
27
4
B5 15
B5 Camouflage 24 11 1, 2, 3 (A pur)
4, 5, 28, 29, 31, 32, 33, 41 (B pur)
B5 Camouflage 23 1 30
B5 Camouflage 22 1 27
14
B5 Tout Nikonoff 24 0
B5 Tout Nikonoff 23 0
B5 Tout Nikonoff 22 2 35, 39
2
4
B3+B4+B5 85
Les cases en caractères gras reprennent les résultats du tableau 1.
Le soulignage des numéros de certains bulletins dans la colonne de droite sera utilisé à la section V.
Le tableau 2 reprend ce décompte par lot dans ses lignes en caractère gras. On retrouve les
nombres de bulletins suspects (11, 31, 39, 15 et 85) dans la quatrième colonne du tableau 2.
La seconde colonne de ce tableau indique les stratégies, et la troisième indique le nombre de
candidats commun avec le modèle de la stratégie dont il est le plus proche. La quatrième
colonne montre la prépondérance de certaines stratégies dans les lots : le camouflage dans B3
et B5, et le tout Nikonoff dans B4. La dernière colonne indique les numéros des bulletins en
séparant les bulletins correspondant aux divers modèles purs.
Le tableau 3 présente le nombre de bulletins suspects utilisant les modèles purs, donc très
suspects, et le pourcentage de ces bulletins dans l’ensemble de ceux qui suivent de tels
modèles. Il apparaît que la stratégie de camouflage est celle qui a été le plus utilisée.
Tableau 3
Stratégie Modèle
Nombre
de
bulletins
% %
A pur 15 28% Camouflage
B pur 18 33%
61%
C pur 16 30% Tout
Nikonoff D pur 5 9%
39%
Total 54 100% 100%
V – Styles des fraudeurs
On va maintenant examiner la relation entre l’utilisation des modèles et la manière dont les
cases ont été cochées, soit le style. Existe-t-il un style du/de la/des fraudeur(s) ? Existe-t-il une
correspondance avec les modèles ?
Un des fraudeurs a procédé avec un style très aisément identifiable (soit calme, soit hâtif,
selon les cas), et a effectué un important travail. On peut considérer qu’il a signé la fraude
d’un style, ce qui n’exclut pas qu’il ait également utilisé un autre style. Cette marque est de la
plus haute importance.
En dehors de la rapidité, on détecte aisément certaines caractéristiques qu’on retrouve dans les
différents bulletins et les différents lots. En voici trois exemples :
(Photo non reproduit(e)
Ce sont les bulletins 63 du lot B4, 56 du lot B3 et 74 du lot B4. Le bulletin complet présenté
antérieurement appartient au même style. On apprend en quelques minutes à reconnaître ce
style largement présent dans les lots étudiés dans ce rapport.
Le plus frappant est que ce style évident est observé pour tous les bulletins du
modèle A dans le lot B3, ainsi que dans tout le modèle C du lot B4. On se rendra
compte de l’apparition très systématique de ce style en considérant de nouveau le
tableau 2, où tous les numéros des bulletins de ce style ont été soulignés (dans la
colonne de droite). Au total, ce style correspond à 49 bulletins parmi les 85
bulletins suspects du tableau 2. Ce sont incontestablement des bulletins fraudés.
Le modèle B du lot B3 utilise un autre style, le style (d) de la section II. Il correspond à un
style « calme » et peu original. Tous les bulletins sont cochés d’X similaires, beaucoup moins
caractéristiques. Leur signe distinctif semble être qu’un des traits, au moins, est « tremblé »,
contrairement à beaucoup d’autres styles, mais nous ne pouvons pas nous prononcer
définitivement sur ce point.
Nous détectons un troisième style, très identifiable, peu nombreux mais toujours associé aux
modèles. Il s’agit du style (e) de la section II. Nous soupçonnons un quatrième style.
Si chacun de ces différents styles, considéré séparément, appartient à une même main, on ne
peut exclure que deux soient de la même main, éventuellement les second et troisième.
L’étude d’autres lots pourrait conclure à l’existence d’autres styles.
La conclusion est que la fraude a été faite, à notre avis, par au moins deux personnes,
probablement davantage. Dans la lettre B, le rôle de la personne correspondant au style
évident, a été prépondérant.
VI – Analyse factorielle des bulletins
L’analyse factorielle (analyse discriminante) fournit des représentations synthétiques
graphiques d’un ensemble de bulletins, par exemple, ceux d’un lot. Elle permet de localiser
les modèles dans l’ensemble des bulletins, d’identifier ou d’exclure la présence d’autres
modèles. On peut, par ce moyen, couvrir rapidement davantage d’information, et la méthode
possède un pouvoir synthétique considérable. Elle conduit à deux types de résultats d’inégale
importance :
1) Les modèles précédents sont confirmés.
2) Il n’y a pas d’autres modèles.
La méthode nous renseigne également sur certaines caractéristiques des lots, qui éclairent
rétrospectivement les études qui leur ont été consacrées.
Dans cette section et la suivante, nous écartons toute considération technique ; afin de
simplifier les formulations, nous appelons globalement « nikonoviens » et « georgiens » les
candidats des deux volets du tableau 4 de l’annexe.
Les figures 1 et 2 (non reproduite ici) représentent les bulletins des lots B3 et B4, projetés sur un plan. Un point
désigne un bulletin (marqué par son numéro). La méthode rapproche les bulletins dont les
votes sont similaires ; deux bulletins identiques sont, en particulier, superposés. En simplifiant
à peine, on retiendra les règles de lecture suivante : (1) deux bulletins proches signifient des
votes similaires, d’autant plus qu’ils sont plus proches ; (2) deux bulletins éloignés signifient
des votes différents, d’autant plus qu’ils sont éloignés.
On va considérer, en premier lieu, le plan des bulletins de B34. Les bulletins situés vers la
gauche (abscisses le long du premier axe négatives) correspondent à des votes nikonoviens ;
plus on glisse vers la droite, plus les votes sont georgiens. On voit, aux deux extrémités
gauche et droite (donc éloignées, puisqu’il s’agit de votes différents), des concentrations (des
votes proches) traduisant des effets de liste. Ce lot témoigne donc du fait que les votes se sont
largement organisés selon la référence aux deux groupes, georgiens et surtout nikonoviens.
Entre ces deux extrêmes, le long d’une oblique, se trouvent des votes panachés entre des
candidats nikonoviens et georgiens.
Figure 1. Analyse factorielle des bulletins
Plan des bulletins du lot B3
Les résultats les plus importants sont les suivants :
1) On observe, dans le bas à gauche, un regroupement très dense de 25 bulletins (sur un
total de 100), avec des superpositions correspondant aux bulletins identiques,
subtilement divisé en deux. Ce sont les bulletins des modèles A et B du tableau 2, très
voisins quoique légèrement distincts. On voit clairement que ces bulletins échappent
complètement à toutes les gradations d’opinion. Nous sommes dans un autre monde,
celui de la fraude, dont la tactique a été décrite à la section III. Le camouflage, trop
déterministe, s’est retourné contre ses auteurs, fournissant la méthode la plus certaine
de leur identification.
2) Bien qu’il existe un groupe de candidats georgiens, on n’observe pas d’effet de
modèle ; il n’y a pas de superposition ; l’examen des styles ne révèle pas de parentés
claires.
Figure 2. Analyse factorielle des bulletins
Plan des bulletins du lot B4
On peut maintenant examiner le plan des candidats du lot B4. Le bulletin 60, à droite, est le
seul bulletin correspondant exactement à la liste de Susan George. A gauche, la concentration
forte de bulletins représente des votes nikonoviens, très concentrés, selon un processus de liste
très serré. C’est dans ce petit nuage dense de 32 bulletins que se concentrent les 27 bulletins
du modèle C, c’est-à-dire de la stratégie du tout Nikonoff. En bas à gauche, on trouve les
bulletins, du modèle A ou B, soit de la stratégie de camouflage. On comprend que l’absence
de bulletins georgiens est la conséquence immédiate de la fraude qui a consisté à subtiliser la
plus grande partie des bulletins georgiens pour les remplacer par des bulletins tout Nikonoff.
VII – Retour sur l’étude des lots
Cette section a deux objets. Il s’agit, en premier lieu, de montrer que les résultats obtenus par
les études qui considéraient les lots globalement et ceux mis en avant dans ce rapport en
travaillant sur les bulletins individuels, sont convergents. En second lieu, elle permet
d’anticiper sur ce que devrait révéler l’analyse des lots atypiques dont les bulletins n’ont pas
encore été saisis, soient P2, J1, V1, L4, P4, T3 et R2 (par exemple, on peut penser que la
fraude dans le lot J1 ressemble beaucoup à celle décrite dans ce rapport pour le lot B3).
Chaque lot définit un résultat du vote qui lui est propre, le résultat général étant déterminé par
la somme des résultats de tous les lots, que récapitule le tableau établi par l’huissier. Plutôt
que les nombres de voix de chaque candidat, on considère le pourcentage des voix de ce
candidat dans le total de toutes les voix du lot. Plus techniquement, le tableau de données
étudié est celui-ci : en ligne, 52 lots5, en colonne, le pourcentage dans un lot des voix
obtenues par chaque candidat.
Le plan des candidats (figure 3), correspondant aux colonnes du tableau de données, résulte
d’une analyse discriminante. On y distingue 5 regroupements :
1. Les 16 candidats nikonoviens les mieux classés le 13 au soir, qui sont au cœur des
deux stratégies de fraude.
2. Huit candidats nikonoviens, de classement compris entre 17 et 24, c’est-à-dire ceux
qui sont utilisés dans la stratégie tout Nikonoff.
3. D’autres candidats nikonoviens, de classement compris entre 25 et 34, qui ne jouent
pas de rôle dans la fraude.
4. Les 19 candidats georgiens les mieux placés, toujours le 13 au soir.
5. Les 8 candidats georgiens les plus mal classés. Ce sont les candidats utilisés dans la
stratégie de camouflage.
On voit que la stratégie de camouflage combine deux nuages au Nord et à l’Est, et situera
donc les lots où cette stratégie domine, vers le Nord-Est dans le plan des lots. De même la
stratégie tout Nikonoff combine deux nuages au Sud-Est et à l’Est, et se retrouvera vers l’Est-
Sud-Est. On saisit également qu’en cheminant en diagonale du Nord-Ouest vers le Sud-Est,
on passe d’un territoire peuplé de candidats georgiens vers un territoire nikonovien. Ces
directions sont importantes dans l’interprétation des caractères des lots, qu’on va maintenant
aborder.
Figure 3. Analyse factorielle des lots (non reproduit ici)
Plan des candidats
Les candidats sont désignés par les premières lettres de leur nom.
Le plan des lots (figure 4), soit les lignes du tableau de données, résultant de la même analyse
discriminante, permet les observations suivantes :
1) On localise, sur ce plan, le nuage des lots « globalement normaux », en ce sens que,
s’ils ont été affectés par la fraude, ce ne fut que marginalement (c’est, par exemple, le
cas du lot B1). On retrouve les directions précédentes : du Nord-Ouest vers le Sud-Est,
on passe des lots dont les votes ont été plus favorables à la liste Susan George (partant
de D4) jusqu’à ceux les plus favorables à la liste Jacques Nikonoff (G3 et G4, au plus
bas).
2) Tous les autres lots sont fortement séparés ; ce sont les lots que nous avions
déterminés comme atypiques dans notre premier rapport, « En attendant les experts ».
Ces lots forment deux nuages qui correspondent aux deux stratégies.
3) D’une manière qui illustre la puissance de ces méthodes, B3 et B5, où domine la
stratégie de camouflage, appartiennent à un même groupe, le nuage du Nord-Est, soit
dans la direction identifiée antérieurement dans le plan des candidats comme celle
propre à cette stratégie.
4) B4 appartient à un autre nuage situé dans la direction Est-Sud-Est, celle de la stratégie
tout Nikonoff, ce qui correspond au fait que cette stratégie est dominante dans ce lot.
5) Il résulte de ces deux observations que l’accord entre les deux approches (par bulletins
et par lot) est très frappant : les lots portent la marque des stratégies.
6) Ces observations permettent d’anticiper sur le traitement par bulletin des lots
atypiques non étudiés : (a) les lots B5, J1 et P2 du nuage Nord-Est, seraient dominés
par la stratégie de camouflage, alors que (b) L4, P4, V1, R2 et T3 du nuage Est-Sud-
Est seraient dominés par celle du tout Nikonoff. Reste à déterminer si la saisie des
bulletins de ces lots confirmera cette interprétation.
7) On voit que les abscisses sur le premier axe traduisent le caractère plus ou moins
nikonovien des résultats des lots, de D4 à G3 et G4. Le nuage des lots du Nord-Est
manifeste cette tendance au même degré que G3 et G4. Mais les lots du nuage Est-
Sud-Est accentuent encore cette inclination nikonovienne, poussée à l’extrême par la
stratégie du tout Nikonoff non mitigée par le camouflage.
Figure 4. Analyse factorielle des lots (non reproduit ici)
Plan des lots
La conclusion générale de cette section est que l’analyse par bulletins donne, a posteriori, les
clefs de l’analyse par lots. Elle montre que les atypies des lots s’expliquent parfaitement à
partir des deux stratégies de fraude décrites dans ce travail. On voit mal quel autre type
d’explication pourrait rendre compte de ces configurations, ce qui réfute les objections
avancées par ceux qui continuaient à nier la fraude.
Annexe – Stratégies
Si l’on cherche à reconstituer le comportement du fraudeur (ou des fraudeurs), le scénario
suivant apparaît le plus vraisemblable (on adopte le masculin singulier afin de simplifier) :
1. Le 13 au soir, sur la base des lots déjà dépouillés, le fraudeur s’est rendu compte que
la liste Nikonoff était minoritaire.
2. Pour changer ce résultat, il décida alors de remplacer des bulletins georgiens pas
encore dépouillés, par des faux bulletins nikonoviens. Cela suppose évidemment qu’il
avait accès aux clés du local où étaient entreposés les bulletins.
3. Il partit de l’examen du classement obtenu le 13 au soir, qu’il divisa en deux groupes :
les nikonoviens (34 candidats) et les georgiens (28 candidats), sachant que lorsque les
appartenances n’étaient pas claires parmi les candidats les moins bien placés, des
choix furent réalisés (d’où le sens un peu étendu où nous employons ici les épithètes
georgiens et nikonoviens). Ainsi, le classement unique fut transformé en deux
classements, un parmi les nikonoviens et un parmi les georgiens, selon les deux volets
du tableau 4.
4. Le but de la manipulation était de faire élire les 16 premiers candidats de la liste
Nikonoff : sur tous les bulletins fraudés ces 16 noms apparaissent (quelque fois,
seulement 14 ou 15 noms). Restait alors à cocher 8 autres croix (pour arriver au total
de 24). Deux stratégies ont alors été imaginées : la stratégie du tout Nikonoff (en
choisissant les 8 candidats suivant de la liste Nikonoff, classés de 17 à 24, très
exactement), et celle du camouflage (en complétant systématiquement la liste par 7
candidats georgiens du bas du classement, et un candidat georgien sûr d’être élu). Les
colonnes de droite des deux volets du tableau 4 indiquent l’affectation des candidats à
chaque stratégie. On notera la différence de comportement en observant l’asymétrie
des deux volets du tableau 4 : le choix des 8 nikonoviens les mieux classés après les 16
premiers, dans la stratégie du tout Nikonoff, et celui de 7 des 8 candidats les plus mal
classés des georgiens dans la stratégie de camouflage.
5. Le fraudeur fabriqua alors des faux bulletins suivant ces deux stratégies (plus
précisément suivant les 4 modèles). Comme le montre la dernière colonne du tableau
2, le travail effectué révèle une assez régulière division dans la fabrication des
bulletins entre les différents modèles, qu’il s’agisse de la variation des styles d’une
même main, ou d’une division du travail entre plusieurs fraudeurs.
6. Le fraudeur introduisit ensuite ces bulletins dans quelques-uns des lots restant à
dépouiller le 13 au soir, après en avoir retiré le même nombre de bulletins georgiens.
Ils se suivent souvent dans les piles de bulletins sans qu’on sache s’il s’agit de
l’introduction par petits paquets ou de regroupements fabriqués lors du dépouillement.
En refaisant les classements à partir du fichier Excel huissier.xls qui indique les résultats des
votes par lot ainsi que le jour de dépouillement pour chaque lot, on retrouve exactement les
deux classements ci-dessus, à une seule exception près : dans la liste de Susan George, Jean-
Luc Cipière se trouve avant Luc Douillard, et non l’inverse.
Dans ce rapport, on utilise cette division en deux listes reproduite dans le tableau 4. Elle
correspond exactement aux deux listes de notre premier rapport « En attendant les experts »,
déterminées à partir du message de Susan George et la réponse à une question que nous
avions posée à Jacques Nikonoff (quels candidats pouvaient être classés comme nikonoviens),
à ceci près que les 6 candidats qui y étaient non-ventilés se retrouvent maintenant dans une
des deux listes à partir du comportement du fraudeur (cette répartition des candidats nongeorgiens
et non-nikonoviens entre les deux listes n’a aucune conséquence, et nous l’utilisons
afin de légèrement simplifier l’exposé des stratégies).
Cette analyse des choix opérés souligne le caractère très organisé de la fraude, déjà apparu
dans le corps du rapport.
Tableau 4
« Liste » George
et quatre
non-alignés (*)
1 TROUVE Aurélie ? camouflage
2 HARRIBEY Jean-Marie ? camouflage
3 AZAM Geneviève
4 VEILHAN Bénédicte
5 BÉNÉTEAU Chloë
6 BAUNEZ Christelle
7 ROLET Lysiane
8 VERDIN Cécile
9 MERCIER Isabelle
10 PRADEAU Raphael
11 COIFFARD-GROSDOY
Geneviève
12 BLASCO Claudine
13 COULOMB Jean Michel
14 ROUQUET Thierry
15 ETCHEGARAY José
16 SILVA JACINTO Ricardo
17 MAURIN Wilfried
18 CLOCHEPIN Philippe
19 VIALE Frédéric
20 DOUILLARD Luc*
21 CIPIERE Jean-Luc ? camouflage
22 TOSTI Jean ? camouflage
23 JOUVE Gérard ? camouflage
24 NURIER Roland* ? camouflage
25 MALLET Pierre* ? camouflage
26 DENIMAL Florent ? camouflage
27 DUMAS Renaud ? camouflage
28 BOIS Alain* ? camouflage
« Liste » Nikonoff
et deux non-alignés (*)
1 NIKONOFF Jacques ? les 2 stratégies
2 TASSI Régine ? les 2 stratégies
3 JONQUET Bernadette ? les 2 stratégies
4 KARBOWSKA Monika ? les 2 stratégies
5 BERNIER Aurélien ? les 2 stratégies
6 LUDI Aurore ? les 2 stratégies
7 WEBER Jacques ? les 2 stratégies
8 GOUSSOT Danielle ? les 2 stratégies
9 LAURENT Matthieu ? les 2 stratégies
10 LAMBERT Renaud ? les 2 stratégies
11 GAZIELLO Emmanuelle ? les 2 stratégies
12 BARRAL Audrey ? les 2 stratégies
13 COIGNARD Valérie ? les 2 stratégies
14 LANDFRIED Julien ? les 2 stratégies
15 JAUFFRET Sabine ? les 2 stratégies
16 GICQUEL Michel ? les 2 stratégies
17 MAUREL Evelyne ? Tout Nikonoff
18 HENRY Frédéric ? Tout Nikonoff
19 BRUSTIER Gaël ? Tout Nikonoff
20 LALOT Gérard ? Tout Nikonoff
21 FANIEL Alain ? Tout Nikonoff
22 PICART Patrice ? Tout Nikonoff
23 CLEQUIN Nicolas* ? Tout Nikonoff
24 BENOIT Marie-Louise ? Tout Nikonoff
25 NIKICHUK Alex
26 JALOUSTRE Gilles
27 FRAJERMAN Toby*
28 HEMET Patrice
29 GAYOSO José
30 SIMONET Jean
31 GRUNINGER Robert
32 CIOFI Bruno
33 TRIC Olivier
34 ROCHE Serge
Notes
1 Ce rapport est une version légèrement remaniée de celui du 25 septembre. Outre quelques petites rectifications
de détail, les modifications concernent essentiellement les 2 dernières sections et l’annexe.
2 Au total la lettre B est une des lettres les plus favorables aux candidats nikonoviens, puisqu’elle est formée
d’un lot volumineux, le B2, qui est normal, et du lot B1, également normal, auxquels s’ajoutent trois lots très
favorables aux candidats nikonoviens.
3 Si on étend ce pourcentage au total des 10 lots atypiques, on obtient une estimation de l’étendue de la fraude à
250 bulletins.
4 Le plan des candidats, non présenté, permet de relier les bulletins aux votes.
5 51 lots avec plus de 24 votants et un dernier lot qui regroupe tous les petits lots.