L’affaire alimente la polémique depuis quatre jours. Durant le week-end, Medhi Meklat, 24 ans, ex-chroniqueur du Bondy Blog (site créé en 2005 lors des émeutes dans les banlieues) et de France Inter, a été rattrapé par son double virtuel, Marcelin Deschamps, qu’il avait pourtant enterré il y a quelques mois.
Sur Twitter, le jeune homme avait repris son identité réelle, mais sans effacer les « propos ignobles » de son « personnage de fiction maléfique », « à l’opposé de ce que je suis », comme il l’explique dans une lettre d’excuses publiée sur Facebook, lundi 20 février.
« Faites entrer Hitler pour tuer les juifs » (24 février 2012) ; « Je crache des glaires sur la sale gueule de Charb et tous ceux de Charlie Hebdo » (30 décembre 2012) ; « Vive les PD Vive le Sida avec Hollande » (3 décembre 2013)…
Pendant près de cinq ans, sous son pseudonyme – qu’il avait dévoilé –, Mehdi Meklat a multiplié les messages homophobes, antisémites, misogynes, injurieux à l’égard de certaines personnalités ou faisant l’apologie du terrorisme. Sans jamais en répondre sérieusement. Jusqu’à son passage dans l’émission La Grande Librairie sur France 5, jeudi 16 février, où il faisait la promotion, avec son compère Badroudine Saïd Abdallah, dit Badrou, de leur second livre, Minute, aux éditions du Seuil.
Mehdi et Badrou, devenus des stars médiatiques
Au fil des ans, Mehdi et Badrou, surnommés « les Kids » à la radio, étaient devenus de véritables stars médiatiques (à l’honneur dans Libération, Télérama, Le Monde, Arte…) et culturelles (deux webséries pour la Fondation Cartier).
Le 1er février, le duo posait avec l’ancienne ministre de la justice Christiane Taubira en « une » des Inrockuptibles, qui le présentait comme le « porte-voix de la jeunesse des quartiers populaires », « à l’avant-garde d’une nouvelle génération venue de banlieue ». Mais la surexposition médiatique a ses revers.
@ADPCharb, « Féministe, athée, République laïque sociale, opposée à tous les extrémistes et intégristes (droite, gauche, religieux…) – Gauche républicaine » comme l’indique son compte Twitter, avait déjà tenté d’alerter les médias et les internautes sur la double vie de Mehdi Meklat, à cinq reprises depuis début 2016. En vain.
Lorsque cette enseignante de 46 ans, qui souhaite garder l’anonymat, le voit apparaître à l’écran, ce soir-là, elle lance, une nouvelle fois, plusieurs torpilles sur le site de microblogging. La troisième, détaillant quelques-uns des tweets nauséabonds de feu Marcelin Deschamps, déclenche l’avalanche.
Dans les heures qui suivent, @TheCaroCaro45 dévoile un éventail plus complet, classé par « cibles » : « les homos », « les juifs », « Charlie », « les transsexuels », « les Français », « les lesbiennes », « les femmes ». L’ensemble est d’une efficacité redoutable. « C’était insupportable de voir que ce mec horrible allait encore être invité partout pour la promo de son livre », explique la jeune femme, qui se dit « féministe, laïque, de gauche et sans appartenance à un quelconque mouvement militant ».
« Effet de sidération »
Le lendemain matin, samedi 18 février, le dessinateur, romancier et réalisateur Joann Sfar rentre dans l’arène : « Je découvre tout ça ce matin. Il semble que c’est authentique. Je trouve ça inexcusable quand on se veut représentant de la jeunesse. » Les réseaux sociaux s’emballent. « Dès que Joann Sfar m’a retweetée, ça a pris une autre dimension », raconte @TheCaroCaro45.
Dans la foulée, la chanteuse Keren Ann s’indigne et les représentants du Printemps républicain (collectif citoyen créé en mars 2016 par des personnalités majoritairement de gauche autour de la défense de la laïcité et du pacte républicain) embrayent. Ainsi que la ministre des familles, Laurence Rossignol.
« L’effet de sidération a été général, commente Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), qui a découvert l’étendue des tweets ce week-end. Mehdi Meklat a bénéficié d’une indulgence incompréhensible. Si on laisse faire, alors l’extrême droite pourra tranquillement s’engouffrer dans la brèche. »
« Leçons de morale »
La fachosphère n’a d’ailleurs pas tardé à exploiter le filon, twittant tous azimuts contre les islamo-gauchistes, les médias bobo complaisants… Ce que @TheCaroCaro45 s’est empressée de dénoncer sur son compte Twitter : « Je ne cautionne pas les récupérations de @f_filippot du FN ». « Si on peut faire en sorte de ne pas être étranglé entre le Front national et le Bondy Blog, ça me va », dit-elle.
Au-delà de Mehdi Meklat, c’est le Bondy Blog qui est mis en cause. Et ses supporteurs. Que @ADPCharb décrit ainsi : « Tout ce milieu militant qui gravite autour du “racisme d’Etat” traitant de “fils de pute”, de “raciste” et d’“islamophobe” tous ceux qui osent émettre une critique sur l’islam. »
« Ils se livrent à de véritables jeux de massacre sur les réseaux sociaux », renchérit Gilles Clavreul. « Tous ces gens derrière Mehdi Meklat donnent des leçons de morale à tout le monde tout en se permettant de dire des choses d’une extrême violence, souligne le politologue Laurent Bouvet, à l’origine du Printemps républicain. Il ne doit pas y avoir d’impunité ! »
Dans la nuit de samedi à dimanche, Mehdi Meklat a supprimé plus de 40 000 tweets. Le présentateur de La Grande Librairie, François Busnel, a condamné ses propos, comme la maison d’édition du Seuil.
Le Bondy Blog s’est désolidarisé. Le directeur de la rédaction des Inrocks s’est fendu d’un édito. Christiane Taubira a réagi sur Facebook. Tandis que la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a indiqué, dans un communiqué publié lundi, « saisir immédiatement la justice, en transmettant l’ensemble de ces contenus au procureur de la République de Paris ».
Dans un entretien à Télérama, Mehdi Meklat est revenu mardi 21 février sur la polémique entourant le compte Twitter qu’il a alimenté pendant plusieurs années avec des propos souvent homophobes, misogynes et antisémites, sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps.
« Marcelin Deschamps, c’était une part d’ombre, un personnage honteux, horrible. En même temps, il était ma part de liberté », explique le jeune homme, écrivain et journaliste, insistant sur la dimension fictionnelle de ce double.
C’était un travail littéraire, artistique, on peut parler de travail sur l’horreur en fait. Plus il allait loin, moins il voulait s’arrêter. Il m’a dépassé.
Louise Couvelaire
Journaliste au Monde
Affaire Mehdi Meklat : « Des propos orduriers qui peuvent provoquer des dégâts politiques »
Smaïn Laacher considère que les tweets haineux du chroniqueur relèvent non seulement de l’offense, mais aussi du préjudice.
« Il y a quelques mois, j’ai décidé d’être définitivement “Mehdi Meklat” sur Twitter. D’être moi. J’ai tué Marcelin Deschamps, ce personnage que j’exècre. » Autrement dit, Mehdi Meklat se transforma en une créature maléfique qu’il a baptisée Marcelin Deschamps mais qu’il a fini par ne plus supporter. Etrange ressemblance avec le héros du célèbre roman de Robert Louis Stevenson, L’Etrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Hyde tue Jekyll (est-ce peut-être l’inverse ?). Mais cela reste un roman. Une œuvre esthétique donnant prise à l’interprétation psychanalytique.
Nous ne sommes plus du tout dans la même configuration avec Mehdi Meklat, qui a déversé sur Twitter, sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps, pendant des années, des propos violemment racistes, antisémites, sexistes et homophobes. Il est dans le monde social (et les réseaux sociaux en font partie). Il nous dit : « Ces outrances n’ont rien à voir avec moi. » C’est trop facile. Bien entendu, et cela ne doit faire l’ombre d’aucun doute, ces propos ont à voir avec leur producteur, même lorsque celui-ci se cache sous un pseudonyme. Ce qui a été publié sur les réseaux sociaux par « Marcelin Deschamps » n’exonère en rien Mehdi Meklat des responsabilités qu’il a prises en toute connaissance de cause. Ne se dit-il pas « journaliste » ? Sa responsabilité morale est indéniable et absolue. Il a agi librement et il a été lui-même la cause de ses actions, en particulier en proférant ses très nombreuses insultes sordides visant explicitement des populations définies par leurs caractères physiques et biographiques supposés immuables (confession, orientation sexuelle, genre, etc.).
Attentat sans victime
Après tout, nous aurions parfaitement pu concevoir une irresponsabilité de l’action de ce « journaliste » si ses actions envers la société n’avaient affecté personne d’autre que lui-même. Mais ce n’est pas le cas puisqu’ils ont été très nombreux à avoir fait part de leur indignation, horrifiés que de tels propos puissent avoir cours pendant si longtemps sans réaction de journalistes, des pouvoirs publics et de la justice. Comme s’il suffisait de dire que, « à travers Marcelin Deschamps, je questionnais la notion d’excès et de provocation » pour se faire excuser de mener une telle expérimentation.
L’« excès » et la « provocation » n’ont nullement besoin d’être « questionnés » à l’aide de cette procédure. D’ailleurs, ces deux manières d’être, qui en réalité n’en font qu’une, ont, sur la Toile et quelques médias papier, un espace illimité pour se déployer quasiment sans frein d’aucune sorte. Quels sont les impératifs pédagogiques qui nécessiteraient d’y apporter ce type de contribution nauséabonde ? Ce à quoi n’a pas réfléchi l’auteur (réel et fictif), c’est que son acte inlassablement répété pendant trop longtemps n’a pas seulement offensé nominativement des personnes et des groupes (« Faites entrer Hitler pour tuer les juifs », « Vive les PD vive le sida avec Hollande », « Je crache des glaires sur la seule gueule de Charb et tous ceux de Charlie Hebdo », etc.), il a aussi porté préjudice à des individus particuliers.
L’offense est un attentat sans victime car on ne peut identifier celle-ci sous la forme concrète d’un corps et d’un nom (on peut offenser Dieu mais en aucun cas celui-ci ne peut être une victime). En revanche, nous sommes bien, dans le cas de Mehdi Meklat, alias Marcelin Deschamps, dans l’ordre du préjudice quand les discours de haine sont indissociablement des appels à la persécution, à la mort et à l’exclusion violente de la communauté nationale, voire tout simplement le refus explicite pour certains d’appartenir à une commune humanité.
Adeptes de la « théorie du complot »
Il faut le rappeler, encore et toujours, la liberté d’expression n’empêche nullement la commission de préjudices qui peuvent être sanctionnés par le droit. Et cela est si vrai qu’il existe des lois nationales et internationales (que l’on soit favorable ou non à la loi en ce domaine) qui précisent que « la liberté d’expression ne peut être utilisée pour promouvoir le non-respect des droits de l’homme ». Les médias électroniques ne doivent pas échapper à cette contrainte à la fois morale et juridique. Mehdi Meklat n’est pas sans savoir, en tant que « journaliste » familier des réseaux sociaux, que son propos n’a rien de confidentiel. Bien plus, la répétition a banalisé l’injure, le discrédit et la haine des uns pour les autres ; elle a, c’est la nature même d’Internet, multiplié à l’infini, en un clic, le message, c’est-à-dire, au sens strict, le geste consistant à livrer le « contenu d’une communication faite à quelqu’un ». Il n’est pas difficile d’imaginer qui est ce « quelqu’un » : ce sont ces centaines de milliers de personnes plus ou moins intellectuellement fragiles, peu assurées dans leur discrimination entre la rumeur, la fausse information et la vérité empiriquement fondée et vérifiée.
Etre manifeste en restant secret
C’est aussi sans compter sur cette armée de croyants adeptes de la « théorie du complot » qui, obsessionnellement, sont à la recherche des « vérités partagées », quand ces essentialismes anthropologiques ne sont pas, pour eux, les « preuves » qui restaient enfouies dans leur inconscient ; celui-ci étant infiniment plus puissant et plus résistant que des préjugés. Aucune preuve rationnelle n’est à même de les convaincre de quoi que ce soit. Parmi ces publics « captifs » se trouvent de nombreux collégiens, lycéens et étudiants. Il n’y a donc aucune difficulté à imaginer les dégâts politiques que peuvent produire ces propos orduriers vidés à longueur de journée sur des réseaux sociaux faisant office d’espace de production de la vérité ultime. Avec cette extraordinaire garantie : voir sans être vu ; être manifeste en restant secret.
Le risque, qui n’est plus théorique aujourd’hui, est le suivant : celui de prendre les mots pour les choses ; à considérer comme réelles des choses qui n’existent pas. Et quand cette folie s’installe, les mots, au lieu de nouer des liens entre les personnes et les groupes, marquent une déchirure profonde et pour longtemps du lien social. Qu’on ne s’y trompe pas. Les discours sur les réseaux sociaux ne sont pas des phénomènes extérieurs au monde social. Les discours racistes, antisémites, sexistes, islamophobes et homophobes ne portent pas sur la réalité. Ils en font partie.
Smaïn Laacher, , professeur de sociologie à l’université de Strasbourg (Dynamiques européennes, UMR 7367). Il est notamment l’auteur du Dictionnaire de l’immigration en France (Larousse, 2012)
* LE MONDE | 23.02.2017 à 11h32 • Mis à jour le 23.02.2017 à 12h42 :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/23/affaire-mehdi-meklat-des-propos-orduriers-qui-peuvent-provoquer-des-degats-politiques_5084291_3232.html#XLjvJehS9xwOe4zp.99
Affaire Mehdi Meklat : « Aucun de ses Tweets n’a semblé assez dur pour qu’il soit ostracisé ou mis en demeure de cesser »
L’historien Emmanuel Debono estime que lorsque la haine raciale ou antisémite provient d’individus appartenant et des catégories dites « dominées », une grande partie de l’antiracisme contemporain la minimise ou la dénie.
Le chroniqueur Mehdi Meklat est issu d’une minorité qu’une sociologie centrée sur les rapports de domination et épaulée par un militantisme agressif, jouant sur le registre identitaire, qualifie d’emblée de « racisée », de « dominée », voire d’« opprimée ». Meklat entend précisément aller à l’encontre de la stigmatisation des minorités qui souffrent de la relégation sociale et des discriminations. Il est en ce sens emblématique d’un engagement qui veut faire entendre la voix des quartiers, là où les organisations antiracistes traditionnelles (Licra, MRAP, SOS Racisme) n’ont qu’une très faible emprise.
Cet antiracisme nouvelle donne, constitué après les émeutes urbaines de 2005, et les sympathies qu’il soulève dans l’intelligentsia se retrouvent aujourd’hui dans l’œil du cyclone, en raison d’ambiguïtés dont l’affaire Meklat semble être un puissant symptôme. Pensant disculper le blogueur, Pascale Clark [pour laquelle il faisait des chroniques sur France Inter] a pu expliquer que tout le monde avait connaissance de ses Tweet, qu’ils étaient aux antipodes de sa véritable sensibilité, qu’on lui avait répété « dix fois, quinze fois » de les supprimer… Dix fois, quinze fois, mais en vain. N’est-ce pas faire preuve d’une étonnante indulgence, de celles qu’on refuse à d’autres « dérives » langagières ? Car Meklat, probablement atteint d’un syndrome de toute-puissance, ne les a pas supprimés, et a laissé ses « pulsions » haineuses alimenter ce grand cloaque pestilentiel que sait être Twitter, en plus d’être un formidable outil d’information et de communication. La tolérance persistante crée l’incompréhension et provoque aujourd’hui, à côté de justes condamnations, une récupération opportuniste qui souhaiterait que l’affaire emporte le bébé avec son eau et atomise toute la salle de bains. Il faut donc s’interroger sur le statut de cette violence.
Un héritage historique
L’affaire montre que cette inscription de l’ignoble, au vu et au su de tous, n’était pas à même de jeter l’opprobre sur le jeune talent. Aucun de ses messages n’a semblé assez dur pour qu’il soit ostracisé ou mis en demeure de cesser ce qu’il affirme aujourd’hui avoir été un double jeu. Misogyne, antifrançais, homophobe, sensible à la poésie de Mohamed Merah, antisémite. Cette curieuse tolérance aux haines de l’entourage de Meklat constitue un mal de notre temps. La haine bénéficie-t-elle donc d’un filtre lorsqu’elle se trouve exprimée par une personne issue d’une catégorie vulnérable et effectivement cible du racisme ? Le caractère raciste d’un acte disparaît-il quand il est produit par le « racisé » ?
Il y a sur ce plan un héritage de l’antiracisme qui pèse lourdement sur l’appréhension de certains phénomènes dont la gravité tend à être relativisée, minimisée ou niée. L’idée que le phénomène raciste puisse se loger au sein même de populations situées au cœur du combat contre le racisme et la discrimination se heurte à des barrières mentales. Elles sont anciennes. Pour tout dire, on les rencontre aux origines même du mouvement antiraciste en France, il y a près d’un siècle. Dans les années 1930, en cherchant à promouvoir l’égalité des êtres humains et à lutter contre leur catégorisation, la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA, actuelle Licra) définit de nouvelles catégories : victimes, bourreaux, opprimés, dominants, coupables, innocents… L’association cherche à constituer un « front des victimes » en 1936, organise un « rassemblement des opprimés » en 1937, estime que le monde se divise entre oppresseurs et opprimés. Cette terminologie renvoie à des réalités mais elle est très englobante. Les catégories collectives ainsi définies, quelle que soit leur pertinence, ont très souvent été mobilisées pour en appeler à des circonstances atténuantes qui constituent des entraves à la reconnaissance de la responsabilité individuelle.
Revenir au droit
En outre, le mouvement antiraciste élabore, également dès ses premières années d’existence, des discours qui valorisent la solidarité des exclus, que l’expérience du racisme est censée unir par des liens quasi naturels. On pleure parfois sur l’unité perdue des victimes, en oubliant que cette dernière fut avant tout une construction intellectuelle. Les lectures marxistes héritées des sciences sociales, longtemps dominantes, décrivant notamment le phénomène raciste comme un instrument de division de la classe ouvrière aux mains de la bourgeoisie capitaliste, ont rendu difficiles d’une part l’appréhension des phénomènes discordants, telles que les haines intercommunautaires, et, d’autre part, celle des comportements individuels.
Quant au processus de victimisation, il a tendu à empêcher de considérer objectivement certains faits pour ce qu’ils étaient : des préjugés et de la haine, racistes ou antisémites.
Il semble nécessaire de rappeler à l’ordre, et notamment à l’ordre juridique, ceux qui pèchent aujourd’hui par paternalisme déplacé, sentiment de culpabilité ou idéologie. Quand il sanctionne le racisme, le droit français ne reconnaît pas les notions de majorité ni de minorités ethno-raciales : il a à juger de cas individuels qu’il ne relie pas à des groupes. La lutte contre le racisme et les discriminations est un combat de longue haleine dont certaines traditions ou réflexes de pensée doivent être questionnées. Elle ne saurait souffrir d’entorses à un certain nombre de principes au prétexte de l’origine du fautif.
Que le parcours de ce dernier et sa psychologie particulière fassent l’objet d’un examen rigoureux est nécessaire ; mais cet examen éclairant doit se départir de réflexes qui produisent des filtres et empêchent d’appréhender la réalité dans ce qu’elle a de cruel et de banal. L’injure raciste, qui nie les principes d’égalité entre les hommes et de respect de la dignité humaine, est une offense pour tout individu. Il y a au moins deux risques majeurs à l’oublier : brouiller l’analyse de ces phénomènes et corrompre une cause qui en appelle à la responsabilité.
Emmanuel Debono, historien (Institut français de l’éducation,ENS Lyon). Ses recherches portent sur les racismes et les antiracismes dans la France contemporaine. Docteur en histoire (IEP, Paris), il est l’auteur de l’ouvrage « Aux origines de l’antiracisme. La LICA, 1927-1940 » (CNRS Editions, 2012). Sur Lemonde.fr, il tient le blog « Au cœur de l’antiracisme »
* LE MONDE | 23.02.2017 à 10h56 :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/23/affaire-mehdi-meklat-aucun-de-ses-tweets-n-a-semble-assez-dur-pour-qu-il-soit-ostracise-ou-mis-en-demeure-de-cesser_5084244_3232.html