Le 13 novembre dernier, François Fillon, conseiller de Sarkozy, a présenté aux responsables de l’UMP la proposition d’un « contrat de législature 2007-2012 », dont le futur candidat de l’UMP à la présidentielle pourra s’inspirer, tout en gardant sa liberté puisque, selon Brice Hortefeux, autre conseiller de Sarkozy, « le programme est à la fois un socle permettant le rassemblement et un espace de liberté ».
Ce « contrat », fondé sur les propositions issues des dix-huit conventions nationales de l’UMP, a été ficelé par des conseillers en management et des grands patrons, comme celui d’AXA. Articulé autour de dix chapitres, il est centré sur les deux valeurs dont Sarkozy se veut le défenseur : la liberté et le mérite. Liberté du choix de l’école, avec la suppression de la carte scolaire, liberté de travailler plus pour gagner plus, liberté de choisir l’âge de son départ à la retraite, du mode de garde de son enfant, liberté pour les universités de choisir un statut d’autonomie... Quant au mérite, il sert surtout de prétexte pour exclure une grande masse de « non-méritants » de la société. La fameuse politique de rupture, si chère à Sarkozy, que l’on retrouve dans ce programme, n’est en fait que la programmation de la régression sociale et de la destruction de tous les mécanismes de solidarité sociale et intergénérationnelle.
Régression sociale
Pour l’UMP, la France doit devenir « l’acteur d’une autre mondialisation ». Pour cela, il est simplement préconisé « d’orienter notre épargne vers des investissements en actions d’entreprises multinationales ». Pour Sarkozy, « on n’a pas à être pour ou contre la mondialisation, c’est un fait », un phénomène naturel auquel nous devrions nous plier. Le programme de l’UMP s’inspire fortement de la politique des républicains aux États-Unis et propose une avalanche de solutions très favorables aux patrons et aux possédants. Ainsi, les plus concrètes concernent la baisse des impôts pour les plus riches : abaissement du taux maximal d’imposition - tous impôts confondus -, baisse des cotisations sociales des employeurs, suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, baisse de la taxe professionnelle, suppression des droits de succession. Mais ce n’est pas tout.
Le point fort de chaque discours de Sarkozy relève du contrat législatif : « Revaloriser le travail et augmenter le pouvoir d’achat. » L’UMP pense que ce « sont les emplois qui génèrent la croissance. Et plus cette dernière est faible, plus nombreux doivent être les gens au travail ». Il propose, pour répondre aux attentes du marché du travail, le « contrat unique », remplaçant le CDI et le CDD, comme réponse aux souhaits des entreprises et aux demandes persistantes du Medef, qui considèrent que licencier est une procédure beaucoup trop longue et contraignante. Le contrat unique facilitera les licenciements, mais il permettra également de « plafonner les dommages et intérêts » versés par les patrons aux salariés licenciés, en cas de contestation victorieuse au conseil des prud’hommes.
Celui qui le voudra - car, bien sûr, tout n’est affaire que de choix individuels -, pourra être payé plus... en travaillant plus. On peut facilement imaginer que, dans nombre d’entreprises, ce choix individuel deviendra une obligation. C’est l’axe essentiel des propositions d’augmentation du pouvoir d’achat. De nouveau, Sarkozy et ses amis remettent en cause les 35 heures. Ils proposent d’exonérer des charges sociales « toute heure supplémentaire et toute RTT convertie en temps de travail », ainsi que d’assouplir les règles du travail du dimanche. Le salarié pourra également choisir « l’âge de son départ à la retraite », en fonction du montant de retraite envisagé. Enfin, concernant le pouvoir d’achat, il est prévu le déblocage progressif de la participation, son extension dans les entreprises de moins de 50 salariés et l’extension des stock-options. Autrement dit, une nouvelle attaque centrale contre le salaire socialisé.
En ce qui concerne la lutte contre le chômage, le programme de l’UMP prévoit d’accentuer la politique, menée depuis plusieurs années, d’abaissement des charges sociales. Depuis 1993, plusieurs dizaines de dispositifs de ce genre se sont succédé. Aujourd’hui, l’ensemble de ces allégements représente un magot d’environ 23,6 milliards d’euros. Cette fortune bénéficie aux patrons et a quadruplé depuis 1999. Cette politique est totalement inefficace pour lutter contre le chômage, ne crée aucun emploi et développe, au contraire, la précarité et la flexibilité. Le pouvoir d’achat des salariés ne bénéficie pas non plus de ces allégements de cotisations sociales, qui fonctionnent comme une trappe à bas salaires.
Le programme de l’UMP avance aussi la fusion de l’ANPE et de l’Unedic, afin de créer un « grand service public de l’emploi ». Bien évidemment, la loi imposera « une obligation de service minimum garanti » en cas de grève dans les services publics. Le programme prévoit la limitation du nombre de fonctionnaires, même si l’idée du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été mise pour l’instant en sourdine pour des raisons électorales. Les régimes spéciaux de retraite seront « rééquilibrés », ce qui signifie que les avantages acquis qu’ils comportent seront nivelés. Toutes les propositions de ce programme développeront la précarité, le chômage et les inégalités. Les seuls gagnants continueront à être les patrons et les plus riches. C’est une vraie régression sociale que poursuit et accentue ce contrat, c’est en cela que tient la « rupture » proposée par Sarkozy et ses amis.
Mise au pas
Le programme de l’UMP prône une politique toujours plus coercitive et culpabilisante envers les plus démunis : les privés d’emplois, les Rmistes et tous ceux qui doivent survivre avec les minima sociaux. Il veut donc lutter « contre les fraudes et les abus » et préconise que « la loi fixera que les revenus du travail doivent toujours être supérieurs aux revenus de l’assistance ». Les familles « ne remplissant pas leur rôle » se verront supprimer leurs allocations familiales. En matière d’immigration, le programme veut mettre en place « un traité unilatéral contraignant » fixant « des droits et des devoirs pour les pays d’origine et pour les pays d’accueil » et conforte les grandes lignes de la dernière loi sur « l’immigration choisie » et la mise en place de « plafonds annuels d’immigration ».
Le projet ne fait pas l’impasse sur la prévention de la délinquance, thème cher à l’actuel ministre de l’Intérieur, avec la mise en place de peines planchers pour les récidivistes, ce qui limite le pouvoir d’appréciation des magistrats. Il veut également abroger l’ordonnance sur le droit pénal des mineurs de 1945, selon laquelle un mineur est condamné à la moitié de la peine d’un adulte pour les mêmes faits et faire juger ainsi les mineurs comme des adultes. Les populations les plus fragiles, les pauvres, les précaires, les immigrés et les jeunes des quartiers populaires sont ainsi montrés du doigt et désignés comme potentiellement délinquants. C’est un contrôle social et policier généralisé que proposent Sarkozy et Fillon. L’objectif de toutes ces dispositions est clair : surveiller, contrôler et sanctionner tous ceux qui n’acceptent pas le dogme libéral. Les syndicalistes en lutte et les militants faucheurs d’OGM en ont déjà eu un aperçu.
Depuis plus de vingt ans, les politiques libérales menées organisent la démolition des acquis sociaux (Sécurité sociale, retraites), la précarisation du salariat se répand, l’insécurité sociale augmente (accès aux soins, pénurie de logements sociaux), le nombre d’allocataires du RMI augmente, des millions de familles vivent dans des conditions de plus en plus difficiles et l’avenir est bien sombre pour les jeunes des quartiers populaires. Les inégalités n’ont jamais été aussi fortes et la répartition des richesses est toujours plus en faveur des actionnaires et du capital. Le libéralisme produit, de manière industrielle, chômage, précarité, exclusion et misère. Consciente des conséquences dramatiques de cette politique, et pour maintenir en place un système fait pour elle, la bourgeoisie répond par le sécuritaire.
Avec ce programme, l’UMP et Sarkozy nous annoncent clairement la couleur : servir les intérêts des plus riches pour remodeler la société, en la refaçonnant, pour la rendre compatible avec les intérêts du capitalisme mondialisé. Un profil prolibéral et sécuritaire, afin de récupérer les voix du FN, parti à l’exact opposé des intérêts que nous défendons. Le rejet et la sanction de cette politique sont, pour nous, un axe déterminant des mois qui viennent. Les dégâts sociaux des politiques libérales sont colossaux : la France est l’une des plus grandes puissances économiques du monde, un pays riche... dans lequel vivent 7 millions de pauvres, dont 3,5 millions de mal-logés. Alors, il faut battre la droite, sans l’ombre d’une hésitation. Mais nous voulons battre la droite globalement, c’est-à-dire battre sa politique, battre le libéralisme et proposer une alternative au capitalisme, ce qui implique de défaire également le social-libéralisme. Au pouvoir, celui-ci ne rompra ni avec le libéralisme, ni avec les attaques menées par la droite depuis cinq ans.
Anticapitaliste et antidiscrimations
Il faut donc imposer une gauche de combat, avant comme après 2007, une gauche anticapitaliste et antidiscriminations. Les effets des politiques menées depuis un quart de siècle atteignent de plus en plus de gens dans leurs droits fondamentaux à se loger, à communiquer, à se chauffer, à s’éduquer, à se cultiver, à se soigner, à travailler. Quand une société se révèle incapable de garantir le droit imprescriptible à l’existence, à quelle valeur morale peut-elle donc prétendre ? La politique que nous voulons passe par le partage des richesses, pour en finir avec les inégalités, le chômage et la précarité généralisée. Elle veut que le mot « égalité » devienne une réalité de la vie quotidienne, entre les hommes et les femmes, entre les générations et entre les cultures, quelles que soient nos origines. Elle nécessite de sortir de l’ère du profit. Tout ceci passe, bien sûr, par des mesures d’urgences concrètes.
Nous ne prétendons pas être les seuls à porter ces aspirations. Il faudra bien que se regroupent tous ceux qui s’opposent, au nom de l’anticapitalisme, à cette société d’inégalités et de discriminations, et le plus tôt sera le mieux. Mais, pour que cet accord soit trouvé, il faut la garantie absolue que ce regroupement n’aille pas, à terme, servir de caution à la direction du PS par souci « d’efficacité ». Et la politique de la direction du PCF, sa participation sans sourciller à un gouvernement qui, de 1997 à 2002, a privatisé plus que ses prédécesseurs de droite, sa prétention à vouloir poursuivre, aujourd’hui encore, la discussion avec une direction socialiste qui a renoncé à transformer la société, tout ceci ne nous rend guère optimistes.