L’essentiel
Radouane Lakdim a été abattu, vendredi 23 mars dans l’après-midi, par des militaires du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) alors qu’il s’était retranché dans un supermarché Super U de Trèbes (Aude), localité située à 10 kilomètres de Carcassonne.
Peu avant, il avait braqué une voiture et attaqué quatre CRS qui revenaient d’un jogging à Carcassonne.
L’attaque a fait quatre morts – dont trois dans le supermarché, en comptant le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame qui a succombé à ses blessures samedi 24 mars – et quinze blessés, dont un se trouve toujours dans un état grave.
L’organisation Etat islamique (EI) a revendiqué l’attaque. La section antiterroriste du parquet de Paris a été saisie de l’affaire.
La compagne de Radouane Lakdim a été placée en garde à vue pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle ».
Le récit des événements
Vendredi 23 mars, un individu armé a braqué une Opel Corsa blanche à Carcassonne, dans laquelle se trouvaient deux personnes. L’une a été tuée, l’autre gravement blessée.
L’assaillant s’est alors dirigé, peu avant 11 heures, vers la caserne de Laperrine du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (3e RPIMa), où, non loin de là, il a patienté « quelques minutes, vraisemblablement afin d’attendre des militaires », selon le procureur de la République de Paris, François Molins. Mais il s’est ravisé et a fait demi-tour avant de se diriger vers une caserne de CRS. Il s’en prend à quatre d’entre eux, qui se trouvent près de leur caserne, blessant sérieusement l’un d’eux à l’épaule avec une arme de poing. Les enquêteurs ont retrouvé sur place « six douilles », a précisé le procureur Molins.
Il s’est ensuite réfugié dans un supermarché (Super U) de Trèbes dans lequel se trouvaient une cinquantaine de personnes. « Les premiers éléments de l’enquête permettent d’établir que l’auteur des faits est entré dans le magasin en criant “Allahou akbar !” [Dieu est grand] et en indiquant qu’il était un soldat de l’EI, a [dit] François Molins. Il s’est dit prêt à mourir pour la Syrie. » Il a sollicité « la libération de frères » avant de tirer sur un client et un employé du magasin, qui sont tous deux morts.
Les gendarmes sont arrivés sur les lieux et ont évacué les clients au terme d’une négociation avec l’assaillant, qui a accepté qu’un lieutenant-colonel prenne la place des otages. Celui-ci avait laissé son téléphone « ouvert » sur une table, afin de faciliter l’assaut. Quand des coups de feu ont retenti, le GIGN a donné l’assaut, en début d’après-midi.
Le preneur d’otages a été abattu et deux membres de l’antenne toulousaine du GIGN ont été blessés. Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, décédé samedi matin, avait également été blessé dans le supermarché.
Quelques minutes après l’assaut, l’EI a revendiqué l’attaque.
Le profil de l’assaillant
Radouane Lakdim était né au Maroc le 11 avril 1992 et résidait à Carcassonne. Il était fiché « S » depuis 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste et était connu pour des faits de petite délinquance. Il avait été condamné à deux reprises, en 2011 et en 2015, pour des faits de droit commun et avait été incarcéré pendant un mois en 2016 à Carcassonne.
« En 2016 et 2017, il a fait l’objet d’un suivi effectif par les services de renseignement, suivi qui n’a permis de mettre en évidence aucun signe précurseur d’un éventuel passage à l’acte terroriste », a précisé François Molins. « Nous l’avions suivi et nous pensions qu’il n’y avait pas de radicalisation. (…) Il est passé à l’acte brusquement », a également déclaré le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb.
L’enquête
La compagne de Radouane Lakdim a été placée en garde à vue vers 19 heures, du chef d’association de malfaiteur en lien avec une entreprise terroriste.
De nombreuses investigations sont en cours afin de déterminer la provenance de l’arme utilisée par l’assaillant, les circonstances dans lesquelles il se l’est procurée ainsi que les éventuelles complicités dont il a pu bénéficier.
Les victimes
Le ministère de l’intérieur a établi un bilan provisoire des victimes, faisant état de :
• quatre morts : deux personnes ont été tuées dans le supermarché de Trèbes (un employé du rayon boucherie et un client), le passager de la voiture qui a été volée a également été abattu, l’officier de gendarmerie qui s’était volontairement substitué à une femme qui était prise en otage est mort de ses blessures dans la nuit de vendredi à samedi ;
• une urgences absolue : le conducteur du véhicule qui a été volé ;
• treize autres blessés, dont un ressortissant portugais, un gendarme de la colonne d’assaut du GIGN et un CRS.
Les réactions
« Notre pays a subi aujourd’hui une attaque terroriste islamiste » dans l’Aude, a déclaré lors d’une brève allocution d’Emmanuel Macron, qui a rendu hommage au « courage » de l’« officier supérieur de la gendarmerie, qui s’est porté volontaire pour se substituer aux autres otages et qui a été très grièvement blessé ». Le président de la République a également loué l’« engagement », le « professionnalisme mais aussi [le] courage » des forces de l’ordre.
Il a souhaité que l’enquête apporte « des réponses à un certain nombre de questions importantes : quand et comment [l’auteur de l’attaque] s’est-il radicalisé ? Où s’est-il procuré cette arme ? » « Tous les moyens nécessaires à l’obtention de ces réponses seront mobilisés », a assuré M. Macron.
Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, s’est aussitôt rendu sur les lieux de la prise d’otages. Il a salué « l’acte d’héroïsme » du lieutenant-colonel de gendarmerie qui s’est livré au suspect en échange d’un otage dans le Super U de Trèbes. « La rapidité d’intervention des gendarmes a sans doute évité un massacre », a-t-il dit.
Interrogé lors d’un déplacement à Mulhouse (Haut-Rhin), qu’il a décidé d’écourter, le premier ministre, Edouard Philippe, avait déclaré plus tôt que la situation était « sérieuse ». « Toutes les informations laissent penser que les attaques sont terroristes », a ajouté le chef du gouvernement, qui a précisé que le « pronostic vital » du CRS blessé à Carcassonne n’était « pas engagé ».
« Tout porte à croire qu’il s’agit d’une attaque terroriste (…), a également déclaré Emmanuel Macron depuis Bruxelles. Je ne dresserai à cette heure aucun bilan officiel (…). Je veux assurer les habitants de Trèbes de l’entière mobilisation des services de l’Etat. »
Le président (Les Républicains) du Sénat, Gérard Larcher, a réagi sur Twitter : « Les attaques de l’Aude, si elles s’avèrent être d’origine terroriste islamiste, nous rappellent le haut degré de menaces pesant sur notre pays. » Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a, lui, exprimé au nom de l’Union européenne son « émotion » et son « plein soutien » au peuple français.
Le Monde.fr avec AFP