Le parc des Beaumonts a plus d’un visage : une vaste pelouse bien ordonnée au Nord, l’espace naturel au sud d’un plateau qui surplombe de haut Vincennes et, en bordure, le fouillis de boisements entrecoupés, à mi-coteau, d’autres pelouses, plus intimes. Cette diversité fait partie de la personnalité propre de notre parc. Elle explique aussi sa richesse paysagère, floristique et faunistique. Le promeneur côtoie une petite roselière puis disparaît dans un sous-bois ; il balaie du regard la friche centrale puis découvre à ses pieds le tout-Paris. Les vingt-deux hectares des Beaumonts offrent aussi aux oiseaux et insectes un éventail vital de milieux, d’habitude introuvables en ville.
La variété des oiseaux observés sur un espace somme toute relativement réduit est remarquable. Cela est dû à ce que l’on appelle « l’effet d’îlot » : le parc émerge comme un îlot champêtre dans l’océan urbain, ou comme une oasis de verdure dans le désert parisien. La magie opère à chaque saison. Au printemps, des espèces typiquement campagnardes viennent nicher dans les buissons et arbustes de l’Espace naturel. Durant la mauvaise saison, les Beaumonts représentent, pour la gens ailée, un merveilleux garde-manger. Lors des migrations, ils sont l’occasion bienvenue d’une halte réparatrice : on y trouve le gîte et le couvert !
Variété encore des insectes. Le long du chemin de pourtour, au fil des mois chauds, on croise aussi bien des papillons attachés aux friches ensoleillées que d’autres, plus habitués de l’ombre des bosquets. Certains insectes affectionnent particulièrement les orties, d’autres dépendent de la présence de bois mort. La population de batraciens (grenouilles, crapauds) et de libellules s’est accrue avec la création de la zone humide. Les petits mammifères profitent des tas de rocailles pour se cacher ou nicher.
La richesse vivante des Beaumonts tient donc pour beaucoup à la diversité et la complémentarité de la couverture végétale. La grive qui vient se nourrir à terre en hiver a besoin de proches bosquets pour se réfugier en cas de dérangement. Tous les pics nichent dans des cavités creusées dans les arbres, en particulier dans le parc Mabille. Mais si le pic épeiche (noir et blanc, avec une touche de rouge) ne les quitte presque jamais, le petit épeichette fréquente volontiers les hautes herbes de la friche à la mauvaise saison. Quant au pic-vert (c’est lui qui a un « rire » éclatant), il recherche une bonne partie de sa pitance sur les pelouses.
Boisements de coteau, sous-bois enchevêtrés, alignements d’arbres, végétation rase, ronciers, buissons et arbustes, zone humide, pelouses… Tout importe donc, même les petits champs d’orties ! Avec la création de l’Espace naturel, les essences végétales propres à l’Ile-de-France ont été favorisées. Les insectes les reconnaissent et les oiseux y trouvent une nourriture familière, ce qui n’est pas toujours le cas avec les essences exotiques, importées. Cette richesse végétale et animale devrait augmenter encore à l’avenir. À la condition, bien évidemment, que nous sachions respecter ce site, pour notre propre bonheur de promeneur.
Le parc des Beaumonts offre une grande pelouse ensoleillée, des espaces de jeux et de pique-nique, des points de repos à la périphérie de l’Espace naturel. D’autres secteurs sont fragiles. La roselière, la végétation aquatique, souffre d’être piétinées. La multiplication des dérangements au sein de la « savane » centrale menace la nidification des oiseaux campagnards ou le repos si vital des migrateurs, affaiblis par leur long périple aérien.
Chaque parc à son originalité. Tous les grands espaces verts ont leurs pelouses. Les Beaumonts offrent en plus calme et dépaysement, un environnement champêtre exceptionnel au cœur d’une zone urbaine, une grande diversité de milieux, une réelle richesse naturelle. À nous toutes et tous de préserver la personnalité propre de notre parc.
Pierre Rousset