Afin de lutter contre le changement climatique, il faut inverser et reconstruire l’ensemble du système de transport, car il est actuellement responsable d’un cinquième (voire d’un quart dans certains pays) de la production de gaz à effet de serre. De 1970 à 2004, le secteur des transports basé sur le pétrole (voitures, SUV, camions, navires, avions) a augmenté ses émissions de CO2 de 222 %. Les prévisions indiquent que d’ici 2030, il augmentera encore de 80 %. Entre 2015 et 2019, au moins 90 millions de véhicules ont été produits chaque année. Pourtant, le véhicule individuel reste inutilisé 90 % du temps, ce qui nécessite la construction de places de parking et de garages. Ces véhicules sont à l’origine de 78 % des émissions de CO2 causées par la construction, l’entretien et l’utilisation des rues et des autoroutes (le reste provient des bus, des trams et des trains). En outre, ce mode de transport individuel est dicté par le marché et renforce donc les inégalités. Nous ne pouvons plus nous permettre la « culture de l’automobile » qui a dominé la société ces 75 dernières années.
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Malgré la nécessité de réduire considérablement le trafic et le stockage de la voiture individuelle, la conversion de l’industrie automobile en une industrie qui produit pour les transports en commun sera une tâche difficile. Néanmoins, nous avons un modèle partiel : pendant la Seconde Guerre mondiale, toute la production automobile américaine a été arrêtée car Washington avait réquisitionné les usines pour la production en temps de guerre. Une conversion industrielle encore plus poussée est nécessaire aujourd’hui, avec la nécessité de réduire considérablement notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles.
En outre, les accidents de la route constituent un problème majeur. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 1,35 million de personnes meurent chaque année des suites d’un accident de voiture et 50 millions de personnes souffrent de blessures non mortelles. Environ sept millions de personnes meurent de la pollution de l’air, peut-être un million environ à cause des émissions de combustibles fossiles des véhicules ou de leur entretien.
L’industrie automobile a été un moteur central de l’industrialisation au cours du siècle dernier. L’industrie dépend d’un réseau en aval qui fore ou fracture pour le pétrole et creuse et extrait pour les minéraux. Ceux-ci sont transformés en produits chimiques, pneus, verre, acier, plastique, puis expédiés vers des usines d’assemblage. Elle crée un marché en amont composé de salles d’exposition, d’ateliers de réparation, de stations-service et de dépôts de ferraille. En analysant comment la recherche de la rentabilité est liée à la nécessité d’augmenter la production, nous reconnaissons que nous devons faire bien plus que décarboner notre monde. Nous devons également évaluer et réattribuer les autres ressources naturelles qui entrent dans ses processus de fabrication. Étant donné que la propriété privée et la rentabilité qu’elle génère nous ont fait entrer dans cette crise, l’élite des entreprises est clairement incapable de gérer le redressement.
Dans la mesure où ils reconnaissent la gravité de la crise, ces capitalistes ont réagi en proposant des véhicules électriques comme solution. Si cette solution permet de réduire l’utilisation de carburant fossile dans le réservoir, elle ne traite pas de la totalité de la durée de vie du véhicule. Nous proposons plutôt des équipes travailleurs-communautés qui peuvent gérer un système de transport efficace et accessible à tous.
Les voitures électriques ne sont pas une solution aux problèmes écologiques existants
Les médias grand public, une partie de la bourgeoisie et une grande partie du grand public considèrent le passage aux véhicules électriques comme une solution aux problèmes provoqués par les gaz à effet de serre dans le secteur des transports. Mais il y a des raisons fondamentales pour lesquelles cela ne fonctionne pas et peut même aggraver les problèmes écologiques que nous avons déjà :
• Avant même d’être conduits, les véhicules électriques apportent un énorme « passif écologique » : la production des batteries exige des niveaux élevés de consommation d’énergie et une utilisation intensive des matières premières telle qu’il faudrait conduire une voiture électrique pendant 8 ans avant qu’il y ait une réduction de la production de CO2 par rapport à une voiture à essence.
• Même ces 8 ans avant de réduire les émissions de CO2 ne seraient valables que si l’énergie électrique à consommer était 100 % écologique, ce qui est complètement illusoire. Le mix électrique existant (principalement charbon, gaz, pétrole, énergies renouvelables) ne changera pas substantiellement dans les années à venir. Donc, si un nombre considérable de voitures électriques (même sans tenir compte des camions électriques et des bus électriques sur batteries) devaient être utilisées, davantage d’électricité à base de carbone (énergie fossile) devrait être produite. De plus, une énorme quantité de nouvelles infrastructures serait nécessaire (des millions de bornes de recharge, etc., qui nécessitent une production supplémentaire de CO2), ainsi que l’entretien continu des autoroutes et des routes (aux États-Unis, en 2014, le coût moyen de la reconstruction d’une voie existante d’une grande autoroute urbaine était de 7,7 millions de dollars par kilomètre et sur une rue collectrice d’une petite zone urbaine, il serait de 1,5 million de dollars).
• Il y a d’ importants effets boomerang :
– L’utilisation de voitures électriques produirait plus de trafic, car les gens pensent qu’il s’agit d’un véhicule écologique (car il ne brûle pas de carburant), d’autant qu’une telle voiture est nettement plus chère, et ils pourraient penser qu’ils doivent l’utiliser plus fréquemment afin de la rendre « écologiquement efficace ». En même temps, ces personnes utiliseraient moins fréquemment les transports en commun.
– En raison de la faible autonomie de ces voitures (environ 200 km, seule la grosse Tesla atteint 400 km, en hiver tous ces chiffres sont encore plus modestes) et parce qu’il faut plusieurs heures pour recharger la batterie, 59 % des voitures électriques sont des véhicules secondaires. Ces voitures supplémentaires ajoutent aux inconvénients de ce que l’on peut appeler la « société automobile ».
– Et il y a un effet pervers déjà visible aujourd’hui : les voitures électriques vont prolonger la production croissante de SUV.
Outre le fait que tous les autres dommages du système de transport centré sur l’automobile (voir ci-dessous) persisteraient, il faut être conscient qu’existent d’autres préjudices écologiques qui sont complètement niés par les partisans et les utilisateurs de voitures électriques :
De nombreuses matières premières seraient massivement exploitées. Il faut quatre fois plus de cuivre pour une voiture électrique (jusqu’à 80 kg par voiture). D’ici 2027, l’extraction de cuivre sera multipliée par dix (les principaux pays concernés sont le Brésil, le Pérou, le Chili et l’Argentine).
La production de batteries nécessite le traitement de grandes quantités de matières premières très précieuses : lithium, graphite, cobalt et nickel. La production actuelle de lithium s’élève à 200 000 tonnes, d’ici 2025 elle passera à 600 000 tonnes. Les ingénieurs de Tesla prévoient un besoin de 2 à 3 millions de tonnes, et une tonne de lithium nécessite 1,9 million de litres d’eau.
Le transport privé motorisé est l’un des principaux contributeurs à la production de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, mais d’autres contributeurs sont également très nuisibles : le transport maritime de conteneurs autour du monde, les bateaux de croisière et le transport aérien, ce dernier étant par exemple trois fois plus nocif que l’automobile et 19 fois plus nocif que le train (mesuré en passagers/kilomètres). Non seulement les voitures utilisées par les particuliers sont désastreuses, mais l’utilisation croissante de camions (tout en démantelant les chemins de fer) pour le transport du fret est épouvantable et pas seulement au niveau écologique.
De plus, changer le secteur des transports n’est pas seulement urgent pour des raisons écologiques.
Pourquoi le transport privé motorisé est mortel, même sans tenir compte des effets écologiques
1. Nous devons avant tout être conscients du fait que ce type de système de transport cause un très grand nombre de morts. Dans l’UE à elle seule, 25 000 personnes sont décédées des suites d’un accident de voiture en 2018, 135 000 ont été gravement blessées. Les chiffres du Road Safety Report 2018 (pour 2016) publiés par l’OMS indiquent qu’aux États-Unis plus de 39 000 personnes sont mortes, en Inde plus de 299 000 et au niveau mondial 1 323 666 (ce ne sont que les décès officiellement enregistrés). Ce nombre élevé de morts ne peut être expliqué que par le danger élevé de ce que l’on peut appeler « la société automobile », c’est-à-dire le transport privé motorisé et l’utilisation excessive de camions, d’avions et de porte-conteneurs. Pour obtenir un meilleur ratio, nous pourrions prendre l’exemple du Japon des années 1966 à 1975 quand 190 morts étaient dues à des accidents de trains, mais 46 486 à des accidents de voiture, bien que ces trains aient transporté plus de personnes que les voitures au cours de cette période, soit 1 contre 245. Depuis l’invention de l’automobile, le nombre de morts s’élève à plus de 48 millions, ce qui équivaut à une guerre mondiale.
2. En outre il ne faut pas oublier les effets à long terme des substances nocives émises par les voitures et les camions. Les particules sont particulièrement dévastatrices (en grande partie à cause des émissions des voitures et des camions, principalement les pneus et les freins) et les oxydes d’azote. Dans la plupart des grandes villes, la valeur limite définie par l’OMS est largement dépassée. À Shanghai, jusqu’à la fin du 20e siècle, les médecins devaient traiter 1 000 cancers du poumon par an. 15 ans plus tard, leur nombre est passé à plus de 10 000. L’OMS a estimé qu’au niveau mondial, environ 4,5 millions de personnes meurent chaque année à cause des particules (dues en grande partie au trafic routier).
Et il y a un autre facteur qui affecte notre santé : l’utilisation des transports aérien et automobile est un facteur important du bruit croissant qui provoque un nombre considérable de crises cardiaques, d’insomnies, d’hypertension artérielle, de dépressions nerveuses et d’autres maladies graves.
3. La priorité des investissements et des infrastructures est donnée aux secteurs où le capital peut réaliser un maximum de profits, ce qui – pour le secteur des transports – concerne non seulement la construction d’autoroutes mais aussi l’ensemble de nos villes. La structure des villes a été complètement transformée pour les voitures, pas pour les piétons ou les cyclistes. Ce qui fait obstacle aux transports publics et rend les villes non seulement malsaines mais en fait des endroits où l’on ne veut pas vraiment vivre ou passer son temps libre. L’urbanité est largement compromise, ce qui rend la lutte pour le « droit à la ville » (Henri Lefebvre) d’autant plus urgente.
Dans le même temps, le système de transport centré sur la voiture affecte également l’infrastructure aux niveaux régional, national et international. Presque tous les trajets (chaque déplacement) s’allongent. Dans les années 1970, les trajets quotidiens motorisés d’un Européen de l’Ouest étaient d’environ 9 000 km par an. En 2006, cela représentait déjà 14 000 km. Ce n’est pas principalement dû au nombre de déplacements, mais à l’éloignement du lieu de travail, des courses, etc.
L’urbaniste Martin Wagner (exilé aux États-Unis) a comparé Berlin à la fin des années 1920 à New York en 1957. Les résultats de ces études sont assez clairs : le nombre de voyages (c’est-à-dire tout déplacement) qu’une personne doit (ou veut) effectuer par an n’a pas significativement changé au cours de ces années. Soit environ 1 000 par an, dont 650 pourraient être faits à pied, si…, si les plans d’urbanisme étaient faits en respectant les critères écologiques et sociaux.
Les statistiques allemandes récentes ont dénombré une moyenne annuelle de 1 216 trajets. L’augmentation est principalement due à la découverte de nouveaux trajets, comme l’accompagnement de jeunes enfants, qui ne seraient pas – dans une large mesure – nécessaires si les distances pour les enfants étaient assez courtes, c’est-à-dire aussi courtes qu’il y a cent ans, et si une planification urbaine rationnelle était mise en œuvre.
4. La société automobile est également très consommatrice d’espace, surtout l’utilisation de véhicules particuliers, car ils ont besoin de huit fois plus d’espace pour le transport que celui nécessaire pour un système basé sur les trains (mesuré en passagers par kilomètres). Le tramway a besoin de 40 fois moins d’espace. Sur les courtes distances, les camions ont besoin de 15 fois plus d’espace que les trains, pour les camions plus petits (et les distances plus courtes), la proportion est de 70 pour 1.
L’effet sur la consommation d’espace est vrai à deux autres niveaux : il y a d’abord la construction infinie d’autoroutes, de parkings, nécessitant de plus en plus de terrains pour extraire les matières premières, etc. Deuxième niveau supplémentaire : le Worldwatch Institute (Washington) a constaté que la production d’éthanol nécessite une énorme quantité de terres : pour une voiture qui fonctionne à l’éthanol, il faut un terrain agricole 16,5 fois plus grand que celui utilisé par un petit paysan pour produire ses subsistances pendant un an. Aujourd’hui, près de 900 millions de personnes meurent de faim alors que chaque année 142 millions de tonnes de céréales et de colza sont transformées en « biocarburant », assez pour nourrir 420 millions de personnes. Puisqu’une quantité croissante de terres arables est transformée en zones de plantation « pour remplir le réservoir », ces zones manquent à la production de nourriture. Sans oublier que, selon les régions, jusqu’à 3 500 litres d’eau sont nécessaires pour produire un litre de « biocarburant ».
5. Grâce à la croissance ininterrompue de la « société automobile », non seulement les trajets (la locomotion moyenne) se sont allongés, mais les gens doivent également passer de plus en plus de temps à voyager, surtout pour aller au travail. En ville, de Mexico à Pékin, de Los Angeles à New Delhi, les gens passent des heures dans les encombrements quotidiens. Déjà en 1998, les statistiques allemandes comptaient 67 heures d’embouteillages par an pour les personnes motorisées (c’est plus de temps qu’à faire l’amour). En 2018, le temps moyen passé dans les bouchons s’élevait à 120 heures par an et par conducteur.
En outre, le nombre de voitures augmentera dans le monde entier. En 2010, nous avions un milliard de voitures ; en avril 2019 1,24 milliard ; en 2025, les études récentes tablent sur 1,8 milliard et en 2050 : 2,7 milliards (soit 2 700 millions !).En incluant les camions, les bus etc., nous aurons 2,1 milliards de véhicules sur les routes en 2025, soit deux fois plus qu’en 2010. Ajoutez à cela le fait que les voitures produites et utilisées (!) sont de plus en plus de puissantes. En 2017 aux États-Unis, 11 millions de SUV ont été vendus, sans compter le nombre croissant (et la puissance croissante) de camionnettes.
Dans l’ensemble, nous sommes confrontés à un effondrement climatique à moins que nous n’imposions un renversement complet de la philosophie de l’ensemble du secteur des transports.
La « société automobile » coûte cher.
L’achat et l’entretien d’une voiture sont beaucoup plus chers que l’utilisation d’un transport public rationnel. Indépendamment des effets écologiques et autres mentionnés ci-dessus, chaque voiture est fortement subventionnée par la société (c’est-à-dire par le contribuable).
Bien que le terme « coûts externes » largement utilisé soit en fait trompeur (puisque ces coûts ne proviennent pas de l’extérieur et sont structurellement inhérents au système de transport automobile), les résultats de différentes études sont assez clairs et raisonnablement liés. La plus importante est la recherche « Effets externes des transports. Coûts des accidents, de l’environnement et de la congestion des transports en Europe occidentale ». Selon l’étude de 2004, les chiffres sont de l’année 2000, ces coûts se sont élevés dans l’UE-15 de l’époque, avec la Norvège et la Suisse (nous l’appelons UE-17) à 7,3% de son PIB, sans compter le coût des encombrements. Les parts qui comptent le plus sont les effets sur le climat (30 % des « coûts externes ») et l’effet sur les soins de santé principalement dans les hôpitaux (24 %).
En même temps – avec les voitures, en particulier les SUV, qui grossissent tout le temps, la construction de routes qui devient plus chère – nous voyons maintenant jusqu’à 10 % du PIB pour les coûts prétendument « externes », d’autant plus si nous tenons compte des coûts de congestion et des coûts croissants des infrastructures plus importantes nécessaires aux camions (comme les « trains routiers », etc.).
Cela correspond aux recherches effectuées à l’université de Dresde, qui ont abouti à la conclusion que (en Allemagne) chaque voiture est subventionnée de 2 000 euros par an. Cela équivaut à 45 000 euros de subventions par voiture par la société. D’autres études évaluent des chiffres plus importants, telles celles de l’institut IWW / INFRAS. Pour 1996, cette institution calculait déjà des subventions de 4 000 DM (2 250 €) pour chaque voiture chaque année ! En fait, seule une petite partie de la population pourrait ajouter 25 000 € au prix d’une nouvelle voiture. Le système actuel est donc un énorme système de subvention pour l’ensemble de l’économie pétrolière, principalement l’industrie automobile.
Le capitalisme ne peut résoudre les problèmes
Le système social et politique existant est dominé par une majorité de puissantes sociétés liées à l’énergie fossile, qui ont beaucoup de capitaux investis dans cette partie de l’économie, ce qui en fait une économie pétrolière. Depuis des décennies déjà, sur les dix plus grands trusts du monde, cinq à sept ont été « fossiles » (le classement suivant est celui de 2017 où encore sept ont été « fossiles ») : Royal Sinopec (dans le secteur pétrolier, 3e des dix plus grandes entreprises), China National Petroleum (pétrole, n° 4), Shell (pétrole, n° 5), Toyota (automobile, n° 6), Volkswagen (automobile, n° 7), BP (pétrole, n° 8), Exxon (pétrole, n° 9).
Ce puissant secteur de l’économie capitaliste est en même temps le générateur d’impulsions du développement capitaliste. Depuis le rétablissement d’un cycle « normal » de développement capitaliste (au milieu des années 1970), nous avons eu cinq cycles et ceux-ci étaient toujours en même temps les cycles de l’industrie automobile (en ce moment nous sommes à la fin du 6e cycle).
L’éventail de l’économie pétrolière (l’économie fossile) va bien au-delà de l’industrie automobile : le secteur du transport maritime, l’aviation (trafic aérien) et bien sûr le secteur de l’énergie (électricité, chauffage). L’ensemble des infrastructures de l’économie et nos modes de vie (allant de la façon dont nos villes sont construites à l’ensemble du secteur des transports) sont déterminés par le secteur fossile de l’économie. Plus important encore, les nouvelles méthodes de production et de transport adoptées depuis les années 1970 ont permis de mettre en place une chaîne d’approvisionnement mondiale qui utilise des camions, des avions, des trains et des bateaux pour réduire les coûts de production. Ces différentes formes de transit permettent de transférer des conteneurs standardisés d’une partie du monde à une autre. Cette technologie de réduction de l’espace repose sur la réduction des barrières tarifaires et l’amélioration de la communication. La technologie permet la coordination d’un ensemble d’activités dispersées à l’échelle mondiale, ce qui permet une division croissante du travail. Elle commence par l’approvisionnement en matières premières, mais affecte l’assemblage des matériaux et la production des composants aux zones à bas salaires, tout en imposant des normes strictes (un processus connu sous le nom de fissuration). La direction de l’entreprise met également l’accent sur le lean management et le « juste à temps » afin de réduire considérablement les stocks. Bien que la logistique de la chaîne d’approvisionnement mondiale diffère selon les industries, dans le secteur automobile, elle a permis de réduire de 11 % le coût total dans les seuls pays de l’OCDE [1]. Toutefois, certaines entreprises repensent la mondialisation compte tenu des perturbations que le virus Covid-19 a provoquées.
Abandonner ce type de fonctionnement économique ne sera pas rendu possible seulement par des arguments solides. Une majorité de la population devra être convaincue que nous avons besoin d’un revirement complet si nous, et nos enfants et petits-enfants, voulons avoir un avenir digne d’être vécu. De larges coalitions de forces écologiques et sociales devront lutter contre les intérêts de ces entreprises. Ce qui, par la nature de toutes les implications, devra être lié à la lutte pour un autre type de système économique et social. Ce tournant nécessitera une inversion totale de tous les investissements. Seule la société dans son ensemble pourra se le permettre et l’exécuter.
L’expropriation de capitaux sera une condition préalable mais en elle-même ne sera pas suffisante. Cela est similaire à ce qui est vrai pour la libération des femmes, des nationalités opprimées, etc. : sans abolition de la société automobile, le socialisme ne sera pas possible et l’abolition de la société automobile ne sera pas possible sans le socialisme.
La clé de la transformation de l’industrie automobile en un système de transport de masse sont les travailleur·euses et la communauté au sens large à chaque étape du processus d’extraction, de production, de transport et de maintenance. C’est un réseau d’organisations de travailleur·euses et de la communauté qui devra analyser, planifier et construire le nouveau système. Ces comités mettront également en œuvre les conditions de travail en accordant une attention particulière à l’indemnisation et à la sécurité des travailleurs et de la communauté. Il s’agira notamment de réduire et de partager les heures de travail, de maximiser la capacité de toutes et tous à participer à la planification et à la reconfiguration des emplois afin de diffuser les connaissances et la satisfaction. Des congés payés seront garantis pour un large éventail de besoins. La différence entre le Nord et le Sud serait supprimée et les autres formes de discrimination éliminées grâce à la participation démocratique de toutes et tous. Bien sûr, il y aura des erreurs, mais celles-ci peuvent être corrigées grâce aux processus transparents d’analyse, d’évaluation et de prises de décision démocratiques.
Quels sont nos objectifs ?
En présentant nos revendications, nous ne faisons pas appel aux gouvernements (ou à la classe dirigeante dans son ensemble en fait), mais nous expliquons clairement les changements pour lesquels nous pensons qu’il est nécessaire de lutter. Ce combat doit être organisé par le bas par toutes les classes dominées.
Nos revendications, nos objectifs à court et à long terme sont :
• Modernisation massive des systèmes de transport public en mettant l’accent sur la réintroduction, la construction et l’expansion massive du secteur des transports basés sur le tramway et – là où c’est possible – sur la réintroduction et la propagation des trolleybus.
• Transformer l’industrie automobile en construisant des véhicules de transport en commun (trains, tramways, trolleybus, etc.).
• Gratuité de tous les transports publics dans les villes et leurs environs.
• Restructurer les villes afin que la plupart des destinations (lieu de travail, shopping…) soient accessibles à pied.
• Parallèlement à la mise en œuvre de ces mesures, bannir la voiture des villes (à l’exception des services d’urgence et similaires).
• Taxer le transport aérien de manière adéquate, de sorte que l’aviation chute d’au moins 70 à 80 %. Interdire les vols inférieurs à 1 000 km.
• Supprimer la chaîne d’approvisionnement mondiale de l’industrie à une large échelle afin que le transport par conteneurs soit réduit à une petite dimension.
Dans la lutte pour un système de transport différent, la conversion de l’industrie automobile est absolument essentielle. Comme la production et l’entretien des moyens de transport public (bus, trains, etc.) sont loin de réaliser des profits comparables à ceux de la production de masse de voitures, il est impossible de convaincre les propriétaires de capitaux concernés de procéder à une telle conversion. Ainsi, la lutte pour l’expropriation et la socialisation de ces moyens de production, sans compensation, est le grand défi dans la lutte contre le changement climatique et pour un système de transport social et plus sain.
24 février 2021
Comité International de la Quatrième Internationale