Archifavori, Ebrahim Raïssi a remporté la présidentielle iranienne au premier tour avec 61,95 % des voix. Le taux de participation s’est établi à 48,8 %, le plus bas pour une élection présidentielle depuis 1979.
Les Iraniens votaient, vendredi 18 juin, pour désigner un nouveau président lors d’une élection annoncée gagnée d’avance pour l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, 60 ans, chef de l’autorité judiciaire.
Archifavori, faute de concurrence réelle après la disqualification de ses principaux adversaires, M. Raïssi a remporté sans surprise la présidentielle iranienne au premier tour, selon des résultats définitifs publiés samedi, au lendemain du scrutin. Sans attendre la publication de ces résultats, le président sortant, Hassan Rohani, avait félicité « le peuple pour son choix » ayant permis de dégager un vainqueur dès le premier tour.
Selon le ministre de l’intérieur, Abdolreza Rahmani Fazli, M. Raïssi a obtenu 61,95 % des voix. Le taux de participation s’est établi à 48,8 %, a précisé le ministre, c’est-à-dire la plus faible mobilisation enregistrée pour un scrutin présidentiel depuis l’instauration de la République islamique, en 1979.
Selon les chiffres officiels partiels, le général de division Mohsen Rezaï, ancien commandant en chef des gardiens de la révolution, l’armée idéologique de la République islamique, terminerait deuxième, avec plus de 11,5 % des voix, devant l’ancien président de la banque centrale, Abdolnasser Hemmati (8,3 %), et le député Amirhossein Ghazizadeh-Hachémi (3,4 %). Les trois hommes ont reconnu chacun à leur manière la victoire de M. Raïssi dans des messages sur Instragram, sur Twitter ou relayés par les médias iraniens.
Sur fond de craintes d’une abstention massive après des appels au boycottage de l’élection, les opérations de vote ont été étendues considérablement, jusqu’à 2 heures du matin samedi (23 h 30 vendredi, à Paris), pour permettre une participation maximale dans de bonnes conditions compte tenu de la pandémie de Covid-19 qui frappe durement le pays.
Le guide suprême, Ali Khamenei, qui avait exhorté ses compatriotes à faire preuve d’une participation « massive » et « révolutionnaire », a estimé samedi que le « grand vainqueur » des élections était « la nation iranienne, car elle s’est levée une fois de plus contre la propagande des médias mercenaires de l’ennemi ».
« Quelqu’un a déjà été élu »
La campagne électorale a été terne, sur fond de ras-le-bol général face à la crise, dans un pays riche en hydrocarbures mais soumis à des sanctions américaines asphyxiantes.
– Dans une rue de Téhéran, une infirmière drapée dans un tchador noir disait vouloir voter pour M. Raïssi qui a lutté « résolument [contre] la corruption ». « J’espère qu’il saura » épargner à la population les « privations », témoignait- elle auprès de l’Agence France-Presse (AFP).
– Zahra Farahani, femme au foyer, raconte s’être rendue dans un bureau « trop plein ». Elle était déterminée à aller voter plus tard, « pour M. Raïssi », dont elle disait aussi apprécier « la performance à [la tête] de la justice ».
– Hossein Ahmadi, lui, n’est pas allé voter. Ce menuisier accuse les autorités de n’avoir « rien fait » pour le pays. Pour lui, « la situation est telle que nous n’avons d’autre choix que de garder le silence et de rester à la maison en espérant ainsi faire entendre nos voix ».
– Saïd Zarii, commerçant, s’est abstenu aussi car, « que je vote ou non, quelqu’un a déjà été élu : ils organisent les élections pour les médias ».
Désillusion
En 2017, le président, Hassan Rohani, un modéré prônant une politique d’ouverture avec l’Ouest et plus de libertés individuelles, avait été réélu au premier tour. La participation s’était montée à 73 %. Mais l’espoir qu’il incarnait a fait place à la désillusion. Le président a des prérogatives limitées en Iran, où l’essentiel du pouvoir se trouve aux mains du Guide suprême.
Le bilan de M. Rohani, qui ne peut se représenter pour un troisième mandat de suite, est entaché par l’échec de sa politique d’ouverture après le retrait des Etats-Unis, en 2018, de l’accord sur le nucléaire iranien conclu avec les grandes puissances. Ce retrait et le rétablissement de sanctions américaines punitives qui a suivi ont plongé le pays dans une violente récession en faisant fuir les investisseurs étrangers et en privant le gouvernement de ses recettes pétrolières à l’exportation.
A l’hiver 2017-2018 et en novembre 2019, deux vagues de contestation parties de revendications socio-économiques défenseurs des droits humains,
M. Raïssi est l’incarnation de la répression, et son nom est associé aux exécutions massives de détenus de gauche en 1988, drame au sujet duquel il nie toute participation.
La priorité du prochain président devrait être le redressement de l’économie. Sur ce point, tous les candidats s’accordent pour dire que cela doit nécessairement passer par la levée des sanctions américaines imposées sous la présidence Trump, objet des négociations en cours dans la capitale autrichienne pour sauver l’accord de Vienne en y réintégrant les Etats-Unis.