« À l’avant du rassemblement, des délégations autochtones du Québec et de l’Ouest canadien, mais aussi d’Amérique du Sud et d’Afrique, ouvraient le pas. […] La marche a rassemblé 3500 personnes, selon le Collectif COP15, la CBD Alliance et le Global Youth Biodiversity Network, ainsi que Greenpeace Canada, responsables de l’évènement » [1]. Y était présent la Coalition « Bloquons la COP » dont une centaine avait manifesté en milieu de semaine entraînant une grève de 20 000 étudiant-e-s [2]. On aurait espéré bien davantage de participation étant donné l’importance de l’enjeu de la biodiversité tout autant crucial pour la survie de l’humanité que l’enjeu climatique [3]. D’autant plus que les négociations piétinent y compris sur la question névralgique du 30% :
Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a admis vendredi que les progrès réalisés jusqu’ici à la COP15, à Montréal, ne vont pas aussi vite qu’il le souhaiterait. À l’issue de près d’une semaine de délibérations, les négociateurs sont parvenus à des accords sur 3 des 22 objectifs, dont l’un des principaux objectifs du Canada : faire en sorte que les peuples autochtones soient consultés et jouent un rôle dans les nouveaux accords de conservation. […] Bien que 120 des plus de 190 pays présents se soient mis d’accord sur des objectifs tels que la conservation de 30 % des terres et des eaux de la planète d’ici 2030, un accord demeure incertain. […] Le Canada a quatre cibles principales à cette COP15. Il souhaite un accord pour arrêter et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030, pour protéger au moins 30 % des terres et des océans dans le même laps de temps, pour financer les pays en développement de manière adéquate, afin de leur permettre d’atteindre les mêmes objectifs, et pour inclure la participation des Autochtones. [4]
La présence autochtone est partout sauf au sein des instances décisionnelles
La question et la présence autochtones entourent tant la COP15 que sa contestation. « L’Initiative de leadership autochtone et diverses autres organisations seront présentes lors du sommet, notamment grâce à un « village autochtone » qui sera tenu du 9 au 11 décembre le long de la promenade du Vieux-Port de Montréal. Ce village sera ouvert à tous et proposera une dizaine d’événements, notamment des cercles de discussions, des conférences et des cérémonies traditionnelles » [5]. Mais les Autochtones ne font pas partis du processus menant aux cruciales décisions :
Dans un communiqué, trois de ces leaders [autochtones] ont insisté pour que le prochain cadre mondial sur la biodiversité garantisse leur participation à la prise de décision concernant leurs territoires. « La seule façon éthique et écologiquement viable de protéger la nature est de reconnaître les droits des peuples autochtones qui y vivent et qui utilisent leurs connaissances traditionnelles pour la protéger depuis des décennies » […] « Représentant moins de 5 % de la population mondiale, les peuples autochtones parviennent à protéger 80 % de la biodiversité existante, et ce, malgré les violations constantes de leurs droits et la criminalisation de leurs pratiques traditionnelles », poursuit le communiqué. » […] « Reconnaissez nos droits et notre expertise, et nous ferons ce que nous avons toujours fait : continuer à protéger la forêt et les terres d’où nous venons, non seulement pour nous-mêmes, mais pour toutes les formes de vie sur Terre », conclut de son côté Orpha Yoshua, une Autochtone de Papouasie occidentale en Indonésie.
Ce serait d’autant plus important que le leadership autochtone critique fortement le crucial 30% :
Des organisations internationales ont déjà réclamé une refonte des objectifs de la conférence, dont celui dit des « 30x30 » qui vise à déclarer 30 % de la planète comme aires protégées d’ici 2030. Cet objectif pourrait « dévaster les vies des peuples autochtones et avoir un effet hautement destructeur sur les moyens de subsistance d’autres communautés dépendantes des terres », selon une déclaration publiée par Amnistie internationale, Survival International, Minority Rights Group International et Rainforest Foundation UK.
« Les aires protégées, qui constituent la base du modèle de conservation actuel tel que dicté par les pays occidentaux, sont à l’origine de nombreuses expulsions entraînant famine, maladies et de multiples violations des droits humains, telles que des meurtres, des viols et des actes de torture en Afrique et en Asie notamment », est-il expliqué dans la déclaration. « Il existe peu de preuves que les aires protégées existantes ont effectivement protégé les écosystèmes et qu’elles devraient donc être étendues, et cet objectif est fixé sans évaluation de leurs impacts sociaux et humains », est-il également écrit. [6]
Anne Larigauderie, la secrétaire administrative de l’IPBES (selon l’acronyme anglais) soit le « GIEC de la biodiversité » va dans le même sens : « Bien des pays déclarent sur papier qu’ils protègent des territoires, mais, après, il n’y a pas suffisamment de ressources disponibles pour faire respecter les règlements », indique Mme Larigauderie. Il faut aussi, croit-elle, que les 196 pays membres de la Convention sur la diversité biologique se donnent des balises pour que les zones protégées soient des endroits significatifs d’un point de vue écologique et « pas juste ce qui reste ». [7]
L’art de la cooptation des directions autochtones par le gouvernement canadien
L’exemple canadien enfonce davantage la critique. Le gouvernement canadien associe les directions autochtones à sa politique d’extension d’aires protégées mais à ses conditions : « Le premier ministre Justin Trudeau a de son côté annoncé mercredi matin l’octroi de 800 millions de dollars pour financer quatre projets de conservation menés par des Autochtones dans le nord du Canada. L’annonce porte sur des zones totalisant près d’un million de kilomètres carrés dans le nord de la Colombie-Britannique, dans le nord de l’Ontario, au Nunavut, ainsi que dans les Territoires du Nord-Ouest » [8]. Ces grandes aires seront donc dans le nord sans arbres. Mais ce n’est pas la seule condition :
Cela ne signifie pas pour autant qu’on ne pourrait pas y faire de l’exploitation minière, par exemple, a expliqué le premier ministre, qui répondait à la question d’un journaliste. « Il y a actuellement une opportunité pour le Canada de fournir les minéraux dont nous avons tous besoin pour la transition vers un monde carboneutre. […] Alors que la totalité des projets financés par Ottawa se trouve dans le nord du pays, qu’en est-il des projets de protection dans le sud du pays ? Les demandes ne manquent pourtant pas. Dans la région de Montréal, certains demandent que les terrains aux alentours de l’aéroport Trudeau soient protégés de tout développement afin de protéger les champs d’asclépiades qui permettent au papillon monarque de se reproduire. [9]
Il en est de même pour la grande friche industrielle du centre-est de Montréal que le Port de Montréal, sous juridiction fédérale, est en train de s’accaparer par intermédiaires interposés au détriment du quartier limitrophe qu’il assourdit, réchauffe et enlaidit. Mais malheureusement l’organisation citoyenne concernée ne dénonce pas Ottawa préférant s’en prendre aux intermédiaires au point de faire une petite manifestation de quartier [10] au lieu de se joindre à la grande manifestation du Collectif COP15.
Quant au Nord arboré, Ottawa a trouvé un petit million :
Le gouvernement fédéral octroie une aide financière d’un million de dollars sur quatre ans au Conseil de la Nation Anishnabe de Lac-Simon, en Abitibi-Témiscamingue, pour préparer une demande de désignation d’aire protégée d’utilisation durable auprès de Québec. […] Le projet rendrait donc possibles l’accès aux ressources naturelles et l’établissement de camps familiaux. Ceux-ci permettent la transmission intergénérationnelle et le maintien de l’identité et de la langue anishnabe. La communauté veut aussi privilégier sur ce territoire le développement de projets de mise en valeur de la biodiversité, par l’utilisation, la valorisation et l’exploitation durable des produits forestiers non ligneux, comme les champignons, les noix, les petits fruits, les plantes sauvages ainsi que de la microsylviculture. […]
Ronald Brazeau dit aussi craindre que la fin prochaine de certains moratoires ne menace le territoire visé par le projet d’aire protégée. Selon lui, l’industrie forestière souhaite effectuer des travaux de récolte sur le site, en évoquant la menace de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Il soutient aussi que le territoire fait déjà l’objet de demandes de titres miniers. […] On voit souvent partout au Québec, quand il y a un projet d’aire protégée, on rentre, on rase tout et après ça, il ne reste plus rien. [11]
Les banques et les grands pollueurs exploiteront le savoir-faire autochtone
Qu’arrivera-t-il quand les gestionnaires autochtones de ces aires protégées essaieront, dans le cadre d’une société marchande dont l’argent est l’alpha et l’oméga, de tenir à l’écart les entreprises forestières et minières ? Où trouveront-ils les fonds — les « ressources disponibles » comme le dit la patronne de l’IPBES — pour acheter le « droit » de ne pas ravager la nature ?
Or, dans le compte rendu de la réunion de juin du groupe de travail « cadre global de la biodiversité » chargé de préparer cette convention, un point a inquiété un certain nombre d’observateurs. À la page 24 du document, le groupe de travail recommande, pour augmenter les ressources financières liées à la défense de la biodiversité, de « stimuler les schémas innovants tels que les paiements pour les services des écosystèmes, les obligations vertes, la compensation de la biodiversité, les crédits carbone… ».
Ce passage traduit une vision très en vogue dans certaines organisations écologiques et souvent résumée sous le terme d’« économie positive de la nature ». Son point de départ se fonde sur deux suppositions : l’échec des régulations traditionnelles et l’existence de choix rationnels basés sur les transactions financières.
Dès lors, la réponse devient évidente : il convient de donner à la nature un « prix » et on lui donnera une « valeur ». Les mécanismes de marché viendront réguler l’usage de la nature dans un sens « positif » puisqu’il sera moins coûteux de protéger la nature que de la détruire, comme c’est actuellement le cas. Une des organisations les plus en pointe sur le sujet est le WWF, qui a publié une « proposition pour établir une feuille de route vers l’économie positive de la nature » [12].
On peut compter sur les banques canadiennes pour être à l’avant-garde de cette cooptation du savoir-faire autochtone :
« Les banques reconnaissent un marché en croissance lorsqu’elles le voient, et elles en voient de plus en plus un dans l’achat, la vente et la génération de compensations carbone. […] [Ce marché] devrait cependant atteindre plus de 50 milliards de dollars d’ici 2030, estime le cabinet de conseil McKinsey & Co., tandis que l’ancien gouverneur de la Banque du Canada [et d’Angleterre], Mark Carney, parlait seulement l’année dernière que le marché pourrait dépasser les 100 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie » [13].
Ce nouveau marché de « droits » encadrera la gestion autochtone, pour ne pas dire la dominera, ce qui permettra d’imposer des exceptions pour les mines à ciel ouvert du nouvel extractivisme du tout-électrique et Dieu-sait-quoi. L’envers de la médaille consistera à gratifier les grandes entreprises polluantes du ciment, de l’acier, des hydrocarbures qui n’en finiront plus d’agoniser, et des banques les finançant de droits de polluer contre argent sonnant pour soi-disant protéger la nature. Pour ce faire, il faut bien sûr réduire la nature ou ses « services » à une marchandise échangeable sur les marchés. Les grandes banques canadiennes n’attendent que le développement de ce marché pour y transiter à pas de tortue leurs investissements fossiles toujours croissants :
…les cinq plus grandes banques canadiennes ont nettement augmenté leurs investissements dans les combustibles fossiles en 2021. La Banque Royale du Canada (RBC) aurait même doublé son aide à cette industrie l’an dernier. Selon Banking on Climate Chaos, les investissements de la RBC dans les énergies fossiles sont passés de 19 à 39 milliards de dollars entre 2020 et 2022, selon l’ouvrage. […] les grandes banques canadiennes figurent aujourd’hui parmi les 20 plus importants bailleurs de fonds des combustibles fossiles au niveau mondial.
Rappelons qu’entre 2019 et 2021, les pays du G20 et les banques multilatérales de développement ont dépensé pas moins de 55 milliards de dollars américains en soutien financier public au secteur des combustibles fossiles. C’est presque deux fois plus que le soutien annuel accordé par ces mêmes pays aux énergies renouvelables. […] Le Canada serait au deuxième rang des pays du G20 pour les subventions aux combustibles fossiles. [14]
Ni les cibles chiffrées ni les trois prescriptions du Secrétaire général de l’ONU ne vont suffire
Il ne faut pas pour autant jeter par-dessus bord les cibles chiffrées dont le 30% n’est pas la seule :
Parmi la vingtaine de cibles débattues à Montréal pour arriver à un éventuel cadre mondial sur la biodiversité, celle de protéger 30 % du territoire d’ici 2030 fait souvent figure de priorité. D’autres cibles chiffrées se retrouvent aussi dans l’ébauche d’accord : réduire de moitié le taux d’introduction d’espèces invasives, réduire de moitié les fuites d’engrais dans l’environnement, diminuer de deux tiers l’utilisation de pesticides, par exemple. La patronne de l’IPBES déplore que, dans les premiers jours de la COP15, certains pays ont signifié qu’ils « ne veulent aucun chiffre dans les cibles ». Ces positions peuvent encore évoluer, évidemment, mais un tel dénouement serait « dramatique », de l’avis de Mme Larigauderie. Sans cibles chiffrées, « on n’a pas de feuille de route, on ne peut rien mesurer. Ce serait un échec », tranche-t-elle. [15]
Ensuite il faut en faire le suivi : « Le pacte mondial pour sauver la nature, qui fait l’objet de négociations à la COP15, sera condamné à l’échec quelles que soient ses ambitions si les pays ne se mettent pas d’accord sur de véritables mécanismes d’application et de révision des engagements, ont dénoncé samedi les défenseurs de l’environnement. […] Or, le texte actuel sur la biodiversité « exhorte » seulement les pays à tenir compte d’une évaluation mondiale prévue dans quatre ans, et ce, sans engagement sur un éventuel effort national si jamais la trajectoire n’était pas maintenue » [16].
Mais est-ce que tout cela serait suffisant ? Le Secrétaire général des Nations unies semble en douter :
Les phrases-chocs se sont succédé dans le discours du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, à l’ouverture de la Conférence des parties (COP15) sur la biodiversité, à Montréal, mardi. « L’humanité est une arme de destruction massive contre la nature. » « Oublions les rêveries de certains milliardaires : il n’y a pas de planète B. »
Antonio Guterres a réclamé, en fait, trois actions concrètes. D’abord, de la part des gouvernements, des plans d’action nationaux qui englobent tous les ministères, tant les finances que l’alimentation, l’énergie et les infrastructures. Deuxièmement, de la part des entreprises et des investisseurs, il a dit s’attendre à ce qu’ils soient « des alliés de la nature et non des ennemis ». […] Finalement, Antonio Guterres a invité les pays développés à apporter un soutien financier massif aux pays du Sud, qui sont les gardiens des richesses naturelles de la planète. [17]
Pour parler franchement, on peut douter des trois prescriptions du Secrétaire général. On connaît la portée trop courte des volontaires plans nationaux climatiques encore constatée à la COP27 et peut-être irrémédiablement un échec. De la part des grandes entreprises privées, on a vu précédemment l’orientation des banques et on a constaté la mainmise des firmes fossiles sur la COP27. Quant au soutien aux pays dépendants, on attend encore le 100 milliards $ annuels des vieux pays impérialistes pour soutenir leur plan de lutte climatique et de savoir le qui-comment-pour-quoi du nouveau fonds de pertes et dommages créé à l’arraché à la COP27 pour la sauver des eaux.
L’hôte canadien et son compère québécois sont parmi les cancres de la classe en faillite
L’hôte canadien de la COP15, avec le Québec qui n’est pas loin derrière, est un bon exemple de ces échecs appliqués à la gestion forestière laquelle est fondamentale pour la préservation de la biodiversité :
[L]’organisme américain National Resources Defence Council (NRDC) a donné les pires notes à ce trio de cancres. Le Canada arrive bon troisième, après le Brésil (destructeur éhonté de la forêt amazonienne) et la Russie (la forêt russe représente un cinquième de la forêt mondiale, mais on y sacrifie de précieux hectares au profit de l’extraction de gaz, de pétrole et d’or ainsi que de l’exploitation forestière). […] Ce n’est pas un hasard si ces mauvais élèves détenaient à eux seuls, en 2020, 65 % de l’étendue forestière encore intacte sur la planète, avec des richesses spectaculaires en biodiversité observées autant en territoire boréal que tropical. Hélas, trois fois hélas ! Comme si ce vaste territoire leur donnait l’impression qu’ils en avaient davantage à gaspiller, les trois compères sont ceux qui ont le plus réduit la zone forestière intouchée entre 2000 et 2020.
En annonçant cette semaine un plan de protection de la biodiversité sur lequel, en toute franchise, on ne doit pas cracher, Québec avait une belle occasion d’inscrire en priorité des mesures de sauvegarde du caribou forestier. Ce que le ministre de l’Environnement Benoit Charette n’a pas fait, à la surprise générale. [18]
Il est assez piteux que le Canada renâcle face à des exigences de l’Union européenne considérée comme le bon élève de la classe même si tout le monde a failli l’examen entre autres par rapport au statut du nucléaire et de gaz dit naturel considérés comme énergie de transition :
En marge de la COP15, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne (UE) ont trouvé un accord, mardi, visant à interdire la commercialisation sur le marché européen d’une série de produits de base liés à la déforestation dans le monde. Le cacao, le café, le soja, mais aussi l’huile de palme, le bois, la viande bovine et le caoutchouc sont concernés, ainsi que plusieurs matières associées (cuir, ameublement, papier imprimé, charbon de bois...). […] Le Canada, qui a conclu en 2016 une entente de libre-échange avec l’Europe, s’oppose à l’application de cette nouvelle réglementation, qui entraînerait des frais supplémentaires et des exigences de traçabilité pénibles pour les entreprises canadiennes, selon un document diplomatique obtenu par La Presse. [19]
La science n’a pas capitulé mais elle a ses exigences socio-politiques qui ne sont pas banales
Reste que la science n’a pas capitulé sur la possibilité de l’humanité de s’en sortir… moyennant certaines conditions :
…est-il vraiment possible d’arrêter cette grande dégringolade de la biodiversité ? De stopper l’effondrement de la vie sur Terre avant 2050 ? […] Pour répondre à cette question, David Leclère s’est appuyé sur son expertise en modélisation des sols et, comme la tâche était immense et complexe, il s’est aussi associé avec une soixantaine de chercheurs, issus d’une quarantaine d’équipes de recherche. […] David Leclère et ses collègues ont évalué sept scénarios, sept avenirs possibles, élaborés à partir du travail fait depuis des décennies pour modéliser le climat. […]
Le scénario le plus ambitieux, lui, incorpore en plus des modes plus durables, où on produit plus sur moins de terres. À cela s’ajoutent une réduction du gaspillage alimentaire et une diète plus végétale. « On remplace la consommation de viande et de lait par des protéines d’origine végétale, à l’exception des régions pour lesquelles on sait qu’il y a clairement une déficience en production de protéines. Aussi, on intensifie de manière soutenable les rendements », ajoute David Leclère. […]
Son article « Bending the curve of terrestrial biodiversity needs an integrated strategy »« publié dans Nature a suscité énormément d’enthousiasme, et a généralisé l’emploi de l’expression bending the curve, ou renverser le déclin. Mais cet article a aussi ajouté une bonne dose de réalisme, car pour atteindre ces objectifs, il faudra mettre en place des changements profonds. « Il faut absolument, entre autres, s’engager dans une transformation plus globale d’un système alimentaire, de la ferme à la fourchett » », affirme David Leclère. […]
Les modélisations révèlent aussi que si on se contente d’étendre les aires protégées, sans autre modification dans les modes de production, on pourrait faire face à une augmentation importante des prix agricoles. […] Et à ces efforts doivent s’ajouter ceux pour le climat. […] Bref, ces travaux ont rendu les cibles ambitieuses plus acceptables pour certains gouvernements, parce qu’elles sont désormais soutenues par la science. L’idée d’inverser la courbe est à présent infusée dans le premier des quatre grands objectifs du cadre mondial pour la biodiversité qui sera négocié à Montréal. [20]
Au bout de la ligne se trouve le blocage capitaliste qu’une conférence alternative a effleurée
La conférence « Décroissance : les premiers jalons à poser d’ici cinq ans » organisé en marge de la COP15 et à laquelle participaient le professeur Éric Pineault, membre de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM et président de son comité de la recherche, et Bill McKibben, auteur, militant écologiste américain et fondateur de l’association 350.org qui remporta pour cela le Prix Nobel alternatif, plaida la nécessité de changer notre conception de l’économie pour y intégrer des notions de décroissance. « Stopper l’effondrement du vivant ne se fera pas sans revoir les fondements de notre économie […] Pour y arriver, nous devrons repenser la transition énergétique, réduire le temps de travail, transformer l’agriculture, modifier notre alimentation et revoir notre conception de la propriété » [21].
Que ce dernier point est suavement dit ! Eh oui, il faut « dépasser le capitalisme », pour ne pas dire le renverser, comme le dit Québec solidaire dans son programme qui ramasse de la poussière sur quelque tablette. À l’occasion de la manifestation du Collectif COP15, les porte-parole Solidaire ont réclamé « [u]n moratoire temporaire immédiat sur les claims miniers dans le sud du Québec » selon La Presse. Pourquoi seulement dans le Sud. Faut-il abandonner le vaste Nord autochtone aux « free for all » minier à bon marché ? Et pourquoi temporaire ? La revendication de Climat-Québec, le petit parti de l’ex-ministre péquiste et ex-cheffe du Bloc québécois Martine Ouellet de protéger les 83 aires déjà prévues dans le Sud par des communautés, et ce qu’avait réclamé La Grande Marche pour la protection des forêts de l’été 2021, paraît plus approprié et conséquent.
Marc Bonhomme, 12 décembre 2022
www.marcbonhomme.com ; bonmarc videotron.ca