Elles veulent devenir des actrices de la lutte pour la réforme agraire. Au premier plan. Fini le temps d’être de simples supportrices de leurs maris, pères ou frères qui menaient ce combat. Réunies pour une formation les 8 et 9 mars derniers à Semarang, sur l’île de Java en Indonésie, ces femmes ont symboliquement choisi ces dates pour s’inscrire dans le cadre de la journée internationale de la femme. L’intitulé de la formation résume son contenu ambitieux : « Renforcer le rôle et la participation des femmes dans les organisations paysannes qui se battent pour une réforme agraire. » [1]
Le cœur du problème est culturel
La formation a été organisée par la Fédération des organisations paysannes indonésiennes, la (FSPI) [2] et le SP-Jateng, l’Organisation paysanne de Java Centre. Quinze femmes venues des quatre coins de cette région y ont participé, sans oublier quelques hommes, membres du SP-Jateng, également présents. Une large partie du temps a été consacrée aux échanges, débats et discussions sur leur quotidien de femmes et de paysannes à la fois. Un large brainstorming [3] leur a permis d’arriver à la conclusion que « le cœur du problème est culturel » et non politique ou économique. Ainsi, la culture patriarcale dominante a été pointée du doigt comme un frein à la défense des intérêts des femmes et à leur participation dans les luttes.
D’un point de vue historique, loin d’avoir été systématiquement réduites à un rôle subalterne dans la paysannerie traditionnelle, les femmes en sont à l’origine. Ainsi, plusieurs générations en arrière, une large partie de ceux qui sont aujourd’hui des Indonésiens étaient nomades. Ce sont leurs femmes qui ont été à l’origine de l’agriculture sédentarisée. Les hommes à la chasse, certaines ont alors pris l’initiative de planter légumes et céréales autour de leur bivouac.
La mobilisation sera sociale
Ce rôle, elles désirent le transformer en pouvoir, afin d’avoir une place centrale dans la lutte pour l’accès à la terre et la souveraineté alimentaire. Les formateurs ont tenu à leur rappeler que la mobilisation sociale des femmes indonésiennes ne date pas d’hier : « l’Indonésie a déjà connu des personnalités marquantes dans la lutte pour le droit des femmes, dont Kartani est un exemple remarquable. » Javanaise qui a vécu à la fin du XIX e siècle, Kartani est en effet considérée comme initiatrice dans le combat pour l’amélioration de la condition des femmes, en particulier pour ce qui est de l’accès à l’éducation. Par la suite, les femmes ont régulièrement été au cœur de luttes sociales, notamment pour ce qui était de la logistique et de l’organisation. Les participantes à la formation souhaitent reprendre ce flambeau. Afin d’améliorer leur situation de femmes et de se positionner au cœur de la lutte pour une réforme agraire. Elles espèrent aussi qu’en redonnant aux femmes un meilleur statut et en luttant pour une meilleure répartition des terres, elles pourront en vivre dignement sans être exploitées à la ville. La ville, où « les industriels préfèrent faire travailler les femmes, qui sont moins payées et plus dociles ».
A l’issu de la formation, les participantes ont élaboré un plan d’action afin de parvenir à une large participation des femmes dans les organisations paysannes de leur région respective. Comme première étape, elles envisagent la mise en place de programmes de sensibilisation afin que chacun fasse sienne la valeur d’égalité femme/homme. En parallèle, elles vont soutenir les femmes leaders engagées à tous les niveaux de l’organisation de la lutte paysanne, et en inciter d’autres à s’engager. L’objectif revendiqué est double. D’abord, que la question des femmes soit systématiquement prise en compte. Et qu’à terme, une égalité parfaite soit atteinte dans les organisations de lutte.