SÉOUL ENVOYÉ SPÉCIAL
Les pourparlers sur la dénucléarisation de la Corée du Nord ont amorcé une désescalade de la tension dans la péninsule qui semble, à Séoul, évincer un retour à la confrontation. « Les Américains et les Coréens du Nord ont fait cette fois un choix stratégique », commente Paik Hak-soon, spécialiste des questions nord-coréennes à l’Institut de recherches Sejong. Dès le 28 mars, sans attendre une avancée concrète dans les pourparlers à six (les deux Corées, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et la Russie), Séoul reprendra son assistance au Nord.
La Corée du Sud va y envoyer immédiatement des engrais puis, à l’échéance des soixante jours fixée par l’accord du 13 février intervenu dans le cadre des pourparlers à six pour que Pyongyang arrête ses activités nucléaires, elle reprendra son assistance humanitaire suspendue à la suite des essais de missiles en juillet 2006.
Aux livraisons d’engrais (300 000 tonnes) et de riz (400 000 tonnes) s’ajouteront celles de ciment, d’acier et d’une soixantaine de camions. Le premier essai de la ligne de chemin de fer entre les deux pays, raccordée en 2006 après plus d’un demi-siècle d’interruption, qui doit intervenir avant l’été pourrait être le prélude à un second sommet entre les dirigeants des deux pays. Le premier avait eu lieu en juin 2000.
Ce dégel entre Pyongyang et Séoul contraint les forces politiques sud-coréennes à se repositionner sur la politique à l’égard de la Corée du Nord en vue de l’élection présidentielle de la fin de l’année. Pour les conservateurs, le revirement de l’administration Bush, qui est passée de l’intransigeance à la négociation avec Pyongyang, est ressenti comme une « trahison » alors que « par les sanctions prises à la suite des essais de missiles (juillet 2006) et du test nucléaire (octobre 2006), on tenait le régime par la peau du cou », commente un analyste politique de droite.
Au lendemain de ces essais, l’opinion publique au Sud, galvanisée par les grands médias généralement hostiles à la politique de coopération avec le Nord du gouvernement Roh Moo-hyun - dont ils estiment qu’elle est à sens unique -, était remontée contre Pyongyang. Ce n’est plus le cas. Les sondages indiquent que 70 % des Coréens sont favorables à un nouveau sommet Nord-Sud. « C’est un moyen de faire entendre la voix de la Corée du Sud dans une situation en pleine évolution », estime Park Sun-song, professeur au département d’études nord-coréennes à l’université Dongguk et responsable du « comité pour la paix et le désarmement » de Solidarité citoyenne pour la participation démocratique, la plus influente organisation non gouvernementale. « La question de la Corée du Nord doit être posée en termes de paix dans la péninsule et non pas seulement de sécurité », poursuit-il.
Même le Grand Parti national (GPN), opposition majoritaire au Parlement, joue la flexibilité : « Nous restons attachés aux principes de transparence et de réciprocité, mais une étape a été franchie dont nous devons tenir compte », déclare au Monde Hwang Jin-ha, président de la commission des affaires étrangères du GPN. Après avoir adopté une position intransigeante, le GPN déclare aujourd’hui que, s’il gagne l’élection présidentielle, il poursuivra la politique de réconciliation et de coopération avec le Nord.
Si dans le parti gouvernemental (Uri, Notre parti) certains estiment que les relations intercoréennes doivent être « sanctuarisées » et se poursuivre à leur rythme quels que soient les progrès de la dénucléarisation, le ministère des affaires étrangères est plus nuancé, estimant que les deux approches doivent se conforter mutuellement.