Gazaouis détenus dans la bande de Gaza, en décembre. De nombreux détenus sont libérés et retournent à Gaza après un certain temps, mais cela ne change rien au fait qu’ils sont soumis à des conditions de détention épouvantables. Photo : Motti Milrod
L’indifférence d’Israël à l’égard du sort des habitants de Gaza, au mieux, et au pire, son désir de vengeance, sont un terrain fertile pour les crimes de guerre. A la fin de la semaine, il a été publié dans Haaretz (Hagar Shizaf, 7.3) que 27 détenus de Gaza sont morts depuis le début de la guerre dans des installations militaires à la base militaire de Sdé Teyman près de Beer Sheva, à la base Anatot près de Jérusalem, ou lors d’interrogatoires dans d’autres installations en Israël.
L’armée israélienne n’a pas fourni de données sur les circonstances de leur mort, mais a noté que certains avaient été blessés au combat et que l’état de santé d’autres était complexe avant même leur arrestation.
Cependant, dans le rapport de l’UNRWA publié la semaine dernière dans le New York Times, des témoignages de détenus libérés ont été inclus, qui ont déclaré qu’ils avaient été soumis à des violences physiques et qu’ils n’avaient pas été autorisés à consulter un médecin ou à rencontrer un avocat.
Ce rapport de l’ONU rejoint les révélations de Haaretz d’il y a deux mois (18/12) sur les détenus à Sde Teiman qui étaient menottés et avaient les yeux bandés 24 heures par jour. Les personnes libérées ont témoigné qu’elles avaient été battues, et des photos choquantes ont montré clairement que le port prolongé des menottes leur ont causé des dommages physiques. Et moins d’un mois après le début de la guerre (Haaretz, 4.11), il a été révélé que deux travailleurs gazaouis sont morts en détention en Israël, même s’ils n’étaient soupçonnés d’aucune infraction. L’un d’eux était diabétique et n’a pas reçu le traitement dont il avait besoin.
Les Gazaouis détenus en Israël ne sont pas considérés comme des prisonniers de guerre au sens de la loi, puisque la bande de Gaza n’est pas un État. Leur arrestation a été effectuée en vertu de la loi sur les Combattants illégaux, qui permet que ceux qui sont soupçonnés de participer aux hostilités contre Israël d’être emprisonnés pendant 75 jours sans voir un juge. Beaucoup d’entre eux sont libérés et retournent dans la bande de Gaza après un certain temps, et il est clair pour tout le monde qu’ils ne sont pas des suspects - mais cela ne change rien au fait qu’ils sont également soumis à des conditions de détention épouvantables. Les témoignages sur ce qui arrive aux prisonniers de sécurité palestiniens à l’intérieur des prisons sont également très troublants, notamment la fourniture de nourriture inapte à la consommation humaine, les passages à tabac et une grave surpopulation.
La mort des détenus nécessite une enquête complète et approfondie, sans dissimulation ni bâclage. Mais qui va enquêter ? Bien que ce domaine relève de la responsabilité de Tsahal, le Service pénitentiaire en a également la responsabilité – [alors que] ce service est subordonné au ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. C’est donc la police militaire qui devrait enquêter sur ces décès, et les ministres du cabinet de guerre devraient faire comprendre clairement à Tsahal et au Service pénitentiaire qu’Israël n’est pas une organisation terroriste, que Sdé Teyman et les autres installations ne sont pas Guantanamo, et qu’Israël est tenu de protéger les droits des détenus palestiniens même s’ils n’ont pas le statut formel de prisonniers de guerre.
L’indifférence du public et le désir de vengeance ne doivent pas donner le feu vert à la légitimation de l’effusion de sang des détenus. Israël n’est pas autorisé à nuire à quiconque ayant cessé d’être une menace, et doit assurer des conditions raisonnables, préserver sa vie et prendre soin de sa santé. Le fait que le Hamas détienne des otages israéliens et les maltraite ne peut pas être utilisé comme excuse ou justification pour tout abus que ce soit à l’encontre des détenus palestiniens.
Éditorial d’Haaretz