Pour Bové, après la défaite, le regain
L’ex-candidat à la présidentielle se montre à nouveau et assure qu’il ne lâche pas la politique.
On le croyait disparu, et revoilà José Bové. Chez les militants antilibérau qui ont « osé Bové », beaucoup le disaient sonné, terré dans sa ferme du Larzac, tétanisé par l’imminence d’une nouvelle incarcération pour fauchage d’OGM. Et surtout, en rupture de politique après son score de 1,32 % à la présidentielle, « une vraie tôle pour un type dont les moustaches sont aussi connues que la gueule du Che », résume un jeune ex-bovétiste.
Et puis, il a de nouveau fait parler de lui lors d’une action des Faucheurs volontaires, le 5 août, le jour même où un agriculteur, cultivant du maïs transgénique, se suicidait (Libération du 9 août).
Pourtant, depuis le 22 avril, jour du premier tour de la présidentielle, José Bové était introuvable, tout comme son ambition de porter le mouvement social vers « l’insurrection électorale ». En fait, le leader paysan était ailleurs. Et discret. Il avait repris ses activités de faucheur volontaire et de porte-parole de Via Campesina, le mouvement paysan international. En juillet, il est allé secouer des plants de maïs bio à la lisière d’un champ OGM pour « polluer le pollueur ».
Kanaks. Le 31 juillet, c’est en tant que « faucheur volontaire » qu’il était reçu par la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, pour demander (une nouvelle fois) un moratoire sur les OGM (Libération du 1er août). « Elle m’a passé Borloo [ministre de l’Ecologie, ndlr] au téléphone. Sarkozy sait très bien que ma situation personnelle pose un problème politique. S’il décide de m’incarcérer et s’il n’y a pas d’annonce sur un moratoire, une grande partie des associations vont se retirer de son Grenelle de l’environnement », menace-t-il. Ce jour-là il a quitté le Larzac à 4 heures pour être à 10 heures au ministère : « Je suis en forme. Après la présidentielle, je n’ai pas eu le temps de m’arrêter. » La campagne des législatives ? Il l’a menée en Nouvelle-Calédonie aux côtés des antilibéraux kanaks : « Sur l’île de Belep on a fait 48 %, la reconquête partira de là ! »
En mai, avec sa casquette de Via Campesina, José Bové est allé en Hongrie à un débat sur la souveraineté alimentaire. Mi-juin, il était « en Corée du Sud avec le mouvement social qui bosse sur les accords de libre-échange ».
Fin août, il doit prendre la direction du Népal à l’invitation de parlementaires qui projettent d’inscrire la souveraineté alimentaire dans leur Constitution : « Une autre forme d’intervention politique, intéressante » selon lui. Plus palpitante que le gauchisme groupusculaire ? « La gauche de la gauche est très hexagonale, recroquevillée sur les services publics à la française. Dès que tu parles d’échanges internationaux, tu te fais traiter d’altermondialiste. » Et de regretter que ses propositions sur l’Europe n’aient pas surnagé dans le « zapping permanent » de la présidentielle.
Entre deux voyages, Bové a fait une escale à Paris, début juillet, pour un bilan avec son équipe de campagne. « On est restés évasifs. Les gens ont été sympas avec lui, un peu trop », regrette un participant. Beaucoup des anciens bovétistes lui reprochent « de s’être jeté dans les bras de Ségolène entre les deux tours en acceptant un rapport bidon » sur la souveraineté alimentaire, « d’avoir merdé en envoyant bouler Besancenot ». Bref, « le côté candidat des collectifs unitaires à vite dérivé en Bové superstar ». Le paysan assume : « Le rapport pour Ségolène Royal était intéressant sur le fond. Cela a été mal vécu par les copains, je n’ai pas fonctionné comme il aurait fallu. »
DSK et le FMI. Trop perso pour certains, anarcho-libertaire pour d’autres, il assure qu’il ne lâchera pas la politique. Mais se pose désormais en observateur du « vide politique à gauche » face à l’ouverture sarkoziste : « Les logiciels politiques sont brouillés. Il n’y a pas de réaction collective mais des enjeux personnels pour exister. » Et Bové de se dire « terrifié de voir Dominique Strauss-Kahn adoubé meilleur candidat pour le FMI par un PS qui sombre dans le social-libéralisme ».
Une « dérive » qui ouvrirait un boulevard aux antilibéraux ? José Bové participera à l’automne aux assises des collectifs unitaires antilibéraux. Sans trop y croire : « On assiste plutôt à un repliement sur les appareils de la LCR et du PC. Rassembler en reprenant les formules trotskistes ? C’est une vision ancienne de la politique. » Et celui qui se définissait comme le candidat des « sans-partis » en flirtant avec le populisme, de conclure : « Est-ce qu’on peut aller plus loin ? Je m’interroge. »
La LCR prête pour un nouveau parti, les antilibéraux « unitaires » toujours divisés
Congrès pour la Ligue en décembre et assises pour les collectifs ex-bovétistes en octobre.
Chacun dans son coin. Divisée avant et pendant la présidentielle, la gauch de la gauche fourmille d’initiatives parallèles voire concurrentes. La LCR, qui se veut leader après le score de 4,08 % d’Olivier Besancenot, devrait décider lors de son congrès, en décembre ou janvier, le lancement d’un nouvea parti : « Il y a la place pour un parti anticapitaliste radical. La force d’Olivier est d’avoir affirmé une totale indépendance vis-à-vis du PS et des institutions », explique Alain Krivine. La Ligue devrait changer de nom et de fonctionnement pour attirer de nouveaux militants : « On est à un moment où il faut tourner la page et on mise sur une nouvelle génération. Il ne s’agit pas de rejeter tous les vieux camarades, mais la reconstruction ne viendra pas des ex, ex-LCR, ex-PC, ex-PSU… », reprend le leader historique de la LCR. Qui lorgne sur les difficultés de LO à tourner la page Arlette Laguiller et sur la crise du PCF.
Chez les militants antilibéraux « unitaires », venus des partis de gauche ou issus du mouvement social, on refuse de se rallier à cette nouvelle formation autour de la LCR. « Les nouvelles générations ne sont pas prêtes à rejoindre une seule composante de la gauche de la gauche, explique Christian Picquet, membre de la LCR. Une LCR même élargie et relookée n’est pas à l’échelle du défi : rassembler toutes les forces qui, issues des trotskistes, du PC et du PS, veulent une gauche de transformation sociale pour s’opposer à Sarkozy. »
Problème : les unitaires se tirent aussi dans les pattes entre eux. « Ceux qui accusent Bové d’avoir rajouté à la division, lancent des oukases à ceux qui ont fait sa campagne », regrette un militant. Les quelque 200 collectifs unitaires antilibéraux ex-bovétistes doivent se réunir en octobre pour des assises.
De leur côté, Clémentine Autain, adjointe (apparentée PCF) à la mairie de Paris, le syndicaliste Claude Debons et Christian Picquet ont lancé le 8 juillet Maintenant à gauche, un « espace de réflexion entre traditions et cultures écolos, trotskistes, féministes, socialistes et communistes antilibéraux », précise Autain. Par ailleurs, Christophe Aguiton et les altermondialistes qui ont fait la campagne Bové devraient lancer leur propre « cercle de réflexion ». A cela s’ajoute la recomposition du PCF au sein duquel les refondateurs restent très minoritaires. Et celle du PS et de l’avenir de son aile gauche, autour de Jean-Luc Mélenchon. Pour l’heure, la plupart de ces « généraux sans troupes », selon Krivine « rêvent de l’expérience Die Linke [la synthèse antilibérale allemande, ndlr]. Mais, pronostique-t-il, ses composantes ne sont pas transposables en France. »