La question de l’homosexualité divise de plus en plus les Eglises protestantes et anglicane. Les partisans de l’ordination de pasteurs gays viennent de marquer un sérieux point en Norvège. Le synode général de l’Eglise luthérienne a voté, le 17 novembre, une résolution qui annule l’actuelle interdiction de recruter et ordonner des homosexuels, hommes ou femmes, aux postes de pasteur, diacre et vicaire.
En pratique, des évêques norvégiens ordonnaient déjà, sans redouter de sanctions, des pasteurs vivant en partenariat avec des personnes de même sexe, mais une discipline générale était souhaitée. Celle qui a été arrêtée par le synode restera d’une application prudente. Devant l’opposition des traditionalistes - appuyés sur l’interdit biblique de l’homosexualité -, la décision a été prise que les évêques qui le souhaitent (minoritaires) pourront continuer de refuser localement une charge religieuse à des homosexuels.
COLÈRE DE DESMOND TUTU
La fronde n’en est pas terminée pour autant. Les partisans de la tradition ont organisé des marches de protestation et lancé des appels visant à rejeter l’autorité des évêques libéraux. Dans l’autre camp, on se félicite d’un vote qui « contribue à réhabiliter la place des homosexuels dans l’Eglise et dans la société norvégiennes ».
L’Eglise anglicane (70 millions de fidèles réunis en « provinces » nationales, sous l’autorité de l’archevêque de Canterbury) est aussi au bord du schisme. La crise avait éclaté en 2003 après la décision de l’Eglise épiscopalienne (anglicane) des Etats-Unis de consacrer Gene Robinson, un évêque homosexuel du New Hampshire et de célébrer des unions de gays.
Toute une partie de la hiérarchie anglicane, notamment en Afrique et en Amérique latine, s’est élevée contre cette mesure et a rompu avec l’Eglise américaine. Aux Etats-Unis même, plusieurs diocèses - comme ceux de Fort Worth (Texas) ou Pittsburgh (Pennsylvanie) - menacent de quitter l’Eglise épiscopalienne pour rejoindre d’autres « provinces » anglicanes.
La crise s’étend au Canada où les unions civiles de couples homosexuels sont légalisées depuis 2005. Hostile à la bénédiction religieuse de ces couples, une partie (minoritaire) de l’Eglise anglicane menace de faire sécession. Don Harvey, ancien évêque de Terre-Neuve, vient d’annoncer qu’il allait quitter l’Eglise canadienne pour rejoindre l’Eglise anglicane dite du « Cône sud » (en Amérique du Sud), également opposée aux unions de conjoints de même sexe et aux ordinations sacerdotales de gays. Pour lui, de nombreux fidèles abandonneraient l’Eglise pour cause de « décadence théologique ».
Dans ce débat, une voix forte de l’anglicanisme vient de se faire entendre, celle de Mgr Desmond Tutu, 76 ans, ancien militant anti-apartheid d’Afrique du Sud, Prix Nobel de la paix en 1984. Dans une interview à la BBC, mardi 20 novembre, il s’est déclaré « honteux » du comportement de son Eglise, qu’il accuse d’homophobie. « Notre monde affronte la pauvreté, la séropositivité, le sida, les conflits. Et face à cela, a-t-il déclaré, notre Eglise se montre obsédée par les problèmes liés à l’homosexualité. » Il a ajouté : « Si Dieu, comme ils le disent, était homophobe, alors je ne vénérerais pas ce Dieu. »