ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Après neuf ans, un mois et vingt-deux jours à la tête de l’armée pakistanaise, le général-président Pervez Musharraf a, mercredi 28 novembre, intronisé le général Ashfaq Parvez Kiyani, 55 ans, comme son successeur, au cours d’une cérémonie très élaborée au quartier général de l’armée à Rawalpindi, à une quinzaine de kilomètres d’Islamabad.
Dans une allocution précédée de la lecture du Coran, le général Musharraf, sombre et ému après quarante-six ans de service, a qualifié ses hommes de « sauveurs » du Pakistan. Le général qui venait de passer en revue une garde d’honneur sur l’air de Ce n’est qu’un au revoir... a ajouté à l’adresse de ses pairs : « Je suis fier de cette armée. J’ai eu la chance de commander la meilleure armée du monde et mon cœur et mon esprit seront toujours avec vous. » Le général Musharraf a ensuite passé son bâton de commandement au général Kiyani.
Celui-ci n’aura pas la tâche facile à la tête d’une armée très décriée par la population et qui, en plus de sa mission de défense des frontières, est engagée sur plusieurs fronts internes : contre les nationalistes au Baloutchistan, d’une part, et d’autre part, contre les extrémistes islamistes basés dans les zones tribales frontalières de l’Afghanistan et dans d’autres districts de la province frontalière du nord-ouest, comme la vallée de Swat, à 150 kilomètres d’Islamabad.
Dans cette vallée, comme un dernier cadeau offert à son chef sur le départ, l’armée a d’ailleurs enregistré, mardi, ses premiers succès en forçant les extrémistes islamistes fidèles au mollah Fazlullah à abandonner leurs positions dans tous les villages qu’ils occupaient. L’armée, dont 15 000 hommes sont déployés dans la région, s’est emparée dans la journée du sommet de Najia qui domine ces villages, le long de la rivière Swat, ainsi que des principales routes d’accès à la vallée.
L’armée a aussi réussi à interrompre, au moins pour l’instant, le principal moyen de communication du mollah Fazlullah : sa radio avec laquelle il dirigeait les combats et exhortait la population à la résistance. Engagée pour la première fois, l’armée de terre a d’autre part réinvesti le chef-lieu du district voisin de Shangla, Alpuri, dont les extrémistes s’étaient emparés il y a une dizaine de jours, après la fuite des autorités.
La retraite des combattants islamistes vers les hauteurs signifie que ceux-ci pourraient tenter de passer dans le district de Dir, puis se replier pour attendre des jours meilleurs dans la zone tribale de Bajaur, qui échappe presque totalement au contrôle du gouvernement. Malgré ces premiers points marqués, l’armée est encore loin de la victoire et, comme le soulignait récemment le général Pasha, directeur des opérations militaires : « Il n’est pas facile d’opérer dans votre propre pays, quand vous devez absolument éviter les dommages collatéraux. »
Aucun bilan indépendant des combats de la vallée de Swat, sous couvre-feu quasi permanent, n’est disponible. Selon le porte-parole de l’armée, le général Waheed Arshad, 270 rebelles auraient été tués depuis une dizaine de jours, alors que l’armée aurait perdu 15 soldats. Vingt civils auraient aussi été tués.
Françoise Chipaux
* Article paru dans le Monde, édition du 29.11.07.
LE MONDE | 28.11.07 | 14h24 • Mis à jour le 28.11.07 | 14h24
Nawaz Sharif se déclare candidat aux élections législatives pakistanaises
Entré dans son pays après sept années d’exil, dimanche 25 novembre, l’ancien premier ministre du Pakistan, Nawaz Sharif, a déposé, lundi à Lahore, sa candidature pour les élections législatives et provinciales qui doivent se dérouler le 8 janvier 2008. Son frère, Shahbaz Sharif, a également décidé de se présenter.
Nawaz Sharif a indiqué que si son parti présentait des candidatures, cela ne l’empêcherait pas le cas échéant – si l’état d’urgence imposé par le président Pervez Musharraf n’était pas levé et si toutes les autres formations de l’opposition le décidaient d’un commun accord – d’appeler au boycott des élections.
ENTRE PARTICIPATION ET BOYCOTT
Parmi les organisations favorables au boycott des futures législatives, figurent le Parti du peuple du Pakistan (PPP) de Mme Bhutto et la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de M. Sharif.
Devant les journalistes, Nawaz Sharif avait une nouvelle fois promis, dimanche, qu’il ne travaillerait jamais dans un gouvernement sous la présidence de Pervez Musharraf. Ces déclarations contredisent les suspicions de la presse pakistanaise qui avait affirmé que le retour de M. Sharif avait fait l’objet d’un « marché » avec le général Musharraf. Le président aurait laissé rentrer son adversaire pour mieux diviser l’opposition que tente de fédérer Benazir Bhutto, peut-on lire dans le quotidien Daily Times. D’autres journaux estiment aussi que si Nawaz Sharif parvient à former une alliance avec Benazir Bhutto, l’avenir politique de Pervez Musharraf est compromis. Or, Mme Bhutto a une nouvelle fois déclaré lundi qu’elle était « prête » à une alliance avec le parti de M. Sharif.
Pervez Musharraf prêtera serment jeudi
Le général Pervez Musharraf prêtera serment jeudi 29 novembre pour son second mandat de président, après avoir démissionné de son poste de chef des armées, a confirmé lundi le porte-parole de la présidence. L’élection de M. Musharraf pour un nouveau mandat de cinq ans a été confirmée samedi par la commission électorale. Le scrutin présidentiel du 6 octobre, organisé au suffrage indirect des assemblées nationales et provinciales, a vu le chef de l’Etat sortant remporter une large victoire. Mais l’opposition avait contesté à la fois son éligibilité, estimant que la Constitution lui imposait de quitter son uniforme de chef des armées avant le scrutin, et la validité même de l’élection, le futur chef de l’Etat devant être désigné, selon elle, par les assemblées issues des législatives prévues le 8 janvier. – (Avec AFP.)
LEMONDE.FR avec AFP | 26.11.07 | 15h18 • Mis à jour le 26.11.07 | 16h00
Le retour de l’opposant Nawaz Sharif accentue la pression sur le général Musharraf
ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Des milliers de fidèles avaient envahi les rues de Lahore, sa ville natale, dans l’est du pays, pour accueillir, dimanche 25 novembre, Nawaz Sharif. L’ex-premier ministre et chef de la Pakistani Muslim League (PML-N, Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz) devait, lundi, faire acte de candidature aux élections législatives du 8 janvier. Et ce, tout en se réservant le droit d’un éventuel boycottage en cas d’accord entre tous les partis politiques de l’opposition. A peine rentré, grâce aux bons offices du roi Abdallah d’Arabie saoudite, Nawaz Sharif s’est montré combatif, affirmant à l’adresse de ses partisans : « Musharraf a conduit ce pays à la quasi-destruction. » Evoquant l’état d’urgence, il s’est interrogé sur l’opportunité de tenir des élections le 8 janvier. « De telles élections ne doivent-elles pas être boycottées ? », a-t-il lancé.
Imposé par l’Arabie saoudite, le retour d’exil de Nawaz Sharif est une nouvelle défaite pour le président Musharraf qui jurait, encore récemment, qu’il n’autoriserait pas celui qu’il avait renversé en 1999 à rentrer avant les élections. Mais de la même façon qu’il avait dû s’incliner devant les Etats-Unis, qui lui ont imposé le retour de l’autre ex-premier ministre, Benazir Bhutto, il a dû céder devant le roi Abdallah qui n’entendait plus retenir Nawaz Sharif, une fois Mme Bhutto rentrée au pays. Le général Musharraf, qui devrait, lundi, être déclaré officiellement vainqueur de l’élection présidentielle du 6 octobre, n’a désormais plus que quelques jours pour renoncer à son poste de chef de l’armée avant de prêter serment pour un deuxième mandat présidentiel de cinq ans.
Si M. Sharif et Mme Bhutto devaient s’entendre pour l’écarter, il deviendrait toutefois difficile à M. Musharraf de se maintenir. Composé de dissidents de la PML-N, le parti du président pourrait aussi voler en éclats, aucun différend idéologique ne séparant les deux partis. Mme Bhutto, qui a, dimanche, posé sa candidature à Karachi, s’est rendue dans son fief de Larkana pour déposer une autre candidature tout en affirmant qu’elle pourrait les retirer si une décision de boycottage était prise.
Françoise Chipaux
* Article paru dans le Monde, édition du 27.11.07.
LE MONDE | 26.11.07 | 13h13 • Mis à jour le 26.11.07 | 13h13