Flou sur la mue de la LCR
Extrême gauche. Les partisans d’Olivier Besancenot lancent la création d’une formation en rupture avec le PS, mais restent confus sur ses contours.
Réunis hier à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les 300 délégués au 17e congrès de la Ligue communiste révolutionnaire ont décidé, à 83 %, de lancer la construction d’un « nouveau parti anticapitaliste ». Les délégués ont approuvé un appel qui « initie sans délai le processus constituant » du nouveau parti. Il s’adresse « aux individus, équipes militantes, courants politiques, qui veulent se regrouper ». En juin, une « assemblée générale » sera convoquée pour définir le fonctionnement et l’orientation du nouveau parti.
Celui-ci devra être « anticapitaliste, internationaliste, écologiste, féministe » et se situer en « rupture avec le social-libéralisme ». « Le PS dérive vers le centre pour s’adapter encore plus étroitement aux intérêts du capitalisme libéral », estime la LCR, tandis que le PCF serait « vampirisé par sa politique d’alliance avec le PS ». Quant aux antilibéraux, ils « restent prisonniers de l’horizon social-libéral et institutionnel dominant ». Au contraire, le « nouveau parti des travailleurs » entend se positionner en « rupture globale avec le capitalisme », affichant son « indépendance vis-à-vis de l’État et des institutions » et le « rejet de toute participation à des gouvernements de gestion » du système, c’est-à-dire le refus de toute majorité avec le PS et ses alliés.
Encouragée par le score d’Olivier Besancenot au premier tour de la présidentielle de 4,08 %, la LCR poursuit sa stratégie d’autonomie du reste de la gauche, en décidant unilatéralement de lancer une nouvelle formation, indépendamment des débats qui agitent les autres partis de gauche. Un désaccord majeur avec le courant minoritaire, pour qui ce nouveau parti devait avoir pour ambition de « faire bouger les lignes et les rapports de force au sein de la gauche et du mouvement social » en se rapprochant dpartenaires de la gauche antilibérale.
Lors d’un point de presse après le congrès, Olivier Besancenot est resté volontairement flou sur les contours de ce nouveau parti. Il a précisé « ne pas s’adresser d’abord aux organisations » mais n’a pas exclu non plus des « discussions » et des « accords unitaires » avec elles. Le porte-parole de la LCR promet un parti ouvert en particulier « aux jeunes » et « à tous ceux qui veulent en être », mais à condition « d’être anticapitaliste » et « révolutionnaire ». Pour lui, toute la difficulté est de transformer l’essai de la présidentielle en réunissant, dans une nouvelle organisation, les électeurs séduits par le jeune candidat qui ne sont pas prêts à rejoindre l’extrême gauche, mais sans perdre les valeurs de celle-ci. Une démarche qui sera maintenue quel que soit le score des listes de la LCR aux municipales. Pour l’instant, il a reconnu que « ce n’est pas la déferlante » avec seulement 3 500 membres au compteur de la LCR.
* Article paru dans l’Humanité du 28 janvier 2008.
La LCR pour un « nouveau parti » en solo
Extrême gauche. La formation d’Olivier Besancenot doit lancer, ce week-end, lors de son 17e Congrès, la création d’une formation « anticapitaliste » contestataire.
Sébastien Crépel
Jeudi 24 janvier 2008
Pour la LCR, l’heure a sonné pour entamer sa mue en un « nouveau parti anticapitaliste ». Les 300 délégués attendus au 17e Congrès de la formation d’extrême gauche, qui démarre aujourd’hui et se poursuivra jusqu’à dimanche à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), devraient décider d’un calendrier pour aboutir, par étapes, à une « assemblée générale constituante » fin 2008 de cette nouvelle entité, qui se situera en rupture avec les organisations traditionnelles de la gauche. Plus de 80 % des militants dans les congrès locaux ont validé cette proposition. Il s’agit de capitaliser « l’audience et la sympathie rencontrées par la candidature d’Olivier Besancenot lors de la dernière élection présidentielle » (4,08 % au premier tour). La LCR entend récolter aussi les fruits d’une exposition médiatique ayant valorisé l’omniprésence dans les luttes de son leader, dans un contexte favorable à la radicalité face à une droite arc-boutée sur ses positions et à un PS en retrait, notamment lors de la grande grève des cheminots.
Le parti d’Olivier Besancenot entend pousser son avantage en aiguisant sa « théorie des deux gauches » irréconciliables, dont la frontière serait l’acceptation ou pas d’une union électorale et gouvernementale avec le PS. Cette option purement contestataire de refus de toute union à gauche, en dehors de mobilisations unitaires contre les projets de la droite, se nourrit de l’incapacité de la gauche, paralysée par un PS en proie aux luttes internes et à la tentation du centre, à incarner une opposition et une alternative crédibles à la droite. Les dirigeants de « l’aile gauche » du PS, à l’instar de Laurent Fabius, ont mis en garde ces derniers mois contre le risque de voir « le potentiel de contestation aller à l’extrême gauche », tandis que les socialistes seraient « reportés sur le centre et la droite ».
La présentation de listes autonomes de la LCR aux municipales, avec un objectif annoncé de 200 villes contre moins d’une centaine en 2001, participe de cette stratégie et constituera un « test » pour la construction de la nouvelle force. La LCR s’appuie sur l’espoir que peut constituer, dans les rangs de la gauche antilibérale, sortie traumatisée de son échec à s’unir à la présidentielle, l’appel à participer à la construction d’un nouveau parti. Mais si l’objectif d’avancer vers une nouvelle formation fait à peu près l’unanimité dans le parti d’extrême gauche, ses contours et ses orientations stratégiques vis-à-vis du reste de la gauche suscitent des débats qui devraient rebondir au congrès. Pour les minoritaires (14 % aux congrès locaux), réunis autour de Christian Picquet, « ce nouveau parti ne saurait procéder de la volonté ou des décisions d’une seule organisation », ni être « un pôle réduit à l’extrême gauche, qui se retrouverait inévitablement impuissant pour peser, par ses seules forces, sur le débat à gauche ». Pour l’instant, la LCR semble faire le choix de se situer à l’extérieur des interrogations qui traversent toute la gauche. Et prend le risque de surestimer la validation de ses options stratégiques dans l’opinion, relativisée par le revers (à peine 2 % des voix) subi par la LCR aux élections législatives immédiatement après la présidentielle.