A Gafsa, bastion ouvrier du Sud-Ouest tunisien, devait s’ouvrir, jeudi 4 décembre, un procès très attendu, celui des leaders des émeutes qui, au long du premier semestre, ont secoué cette région déshéritée.
Employés des mines de phosphate, chômeurs, étudiants, femmes et jeunes ont porté le mouvement de façon pacifique, pour attirer l’attention sur la marginalisation économique d’une région où le taux de chômage avoisine les 30 %. Car Gafsa, c’est l’envers du décor et du « miracle économique » tunisien. [1]Népotisme, corruption, pollution... Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles.
La vague de répression qui s’est abattue sur la population à partir d’avril s’est soldée par la mort de trois jeunes manifestants, dont deux tués par balles. Des centaines de personnes ont été arrêtées et condamnées à de lourdes peines de prison.
Reste à juger les figures du mouvement, des syndicalistes pour la plupart. Au total, 38 personnes parmi lesquelles Adnane Haji, instituteur, la figure de proue du mouvement. Tous sont poursuivis pour « appartenance à une bande de malfaiteurs », « nuisance à l’ordre public », ou encore « préparation d’attentats ». Ils risquent plus de dix ans de prison. Plusieurs affirment avoir été torturés lors de leurs interrogatoires.
Egalement au nombre des accusés, bien qu’il habite Paris : Mohieddine Cherbib, président de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), une association connue qui regroupe, depuis une vingtaine d’années, des travailleurs tunisiens immigrés en France. M. Cherbib est poursuivi pour « adhésion à une bande » et « distribution de documents susceptibles de troubler l’ordre public », autrement dit, il est accusé d’avoir relayé, en France, le mouvement de protestation de Gafsa.
Fin novembre, une délégation française d’élus de gauche et de représentants de la société civile, parmi lesquels Marie-George Buffet, Clémentine Autain et Mgr Gaillot, se sont rendus en Tunisie pour manifester leur soutien aux prévenus, à la veille de leur procès.
A Londres, Amnesty International a réclamé, mercredi 3 décembre, une enquête indépendante sur la torture en Tunisie, après avoir été informée de faits précis intervenus cette année à Gafsa.