Comme organisations et comme personnes qui défendons et soutenons l’universalité des droits humains, nous avons constaté avec inquiétude la suspension de Gita Sahgal, qui est à la tête de l’unité genre au Secrétariat international d’Amnistie internationale à Londres, pour avoir remis en question le partenariat d’Amnistie internationale avec des personnalités dont l’attitude politique envers les Talibans est ambiguë.
Nous appartenons à des communautés qui reconnaissent et apprécient le travail d’Amnistie internationale dans sa défense des droits humains et des droits des femmes dans le monde entier. Beaucoup d’entre nous travaillent étroitement avec Amnistie internationale et ses campagnes à des niveaux divers.
Nous croyons que Gita Sahgal, a soulevé un point de principe fondamental « au sujet de l’importance pour le mouvement des droits humains de maintenir une distance objective envers des groupes et d’idées engagés dans une discrimination systématique ».
Cette question de principe est cruciale au moment actuel, où « la guerre contre la terreur » menée par les Etats-Unis entraîne une suspension des droits humains et une surveillance accrue des individus et des politiques concernant le corps. L’ironie de la chose est que le langage des droits humains et de leurs défenseurs est repris par l’alliance US/OTAN dans ses efforts pour légitimer un impérialisme renaissant. Tout aussi inquiétant est que ce langage est aussi récupéré par des organisations qui adoptent des formes de politique extrémistes et violentes basées sur l’identité. L’espace se réduit dans lequel on pourrait remettre en question l’une comme l’autre de ces récupérations, et les droits humains sont pris en otage par de vastes programmes politiques autoritaires des états aussi bien que des communautés.
Dans ce contexte, il est crucial pour les défenseurs et les organisations des droits humains de définir clairement les principes et les valeurs essentielles qui ne sont pas négociables. Notre engagement à nous opposer, entre autres, à l’islamophobie, au racisme, à la misogynie et à la xénophobie ne devrait à aucun moment brouiller notre identification des programmes sociaux et politiques autoritaires, souvent fascistes, de certains des groupes qui subissent des violations de droits humains de la part des grandes puissances.
La question de principe plus large que nous soulevons ici, qui nous concerne tous comme défenseurs des droits humains de différentes parties du monde. Beaucoup d’entre nous qui travaillons pour défendre les droits humains dans un contexte de conflit et de terrorisme connaissent l’importance de maintenir une distance claire et visible envers des partenaires et des alliés potentiels, quand il existe le moindre doute sur leur engagement envers les droits humains. Vu les circonstances dans lesquelles des questions portant sur le partenariat avec Prisonniers en cage semblent s’être posé, nous estimons qu’Amnistie internationale aurait dû s’abstenir de leur fournir une plateforme. Il aurait été possible pour Amnistie internationale de faire campagne contre les violations des droits humains fondamentaux qui ont eu lieu à Guantanamo et ailleurs, sans faire des alliances qui compromettent les valeurs essentielles d’Amnistie internationale, tout comme l’ont fait d’autres organisations de droits humains.
L’histoire nous a montré de manière répétée que des organisations anti-démocratiques peuvent manipuler, et de fait manipulent, l’information et leur propre représentation pour un avantage politique étroit. Dans toute situation ambiguë, nous estimons que le bénéfice du doute aurait dû être accordé aux membres du personnel d’experts d’Amnistie internationale. Nous estimons que dans ce cas-ci, on a manqué de respect pour les opinions exprimées par Gita Sahgal, qui est un cadre du personnel, et on a failli au fonctionnement crucial de démocratie interne, au Secrétariat d’Amnistie internationale.
Ce qu’il faut est un débat démocratique, aussi bien interne que dans la sphère publique, sur les principes des droits humains qui doivent guider Amnistie internationale et nous tous pour déterminer nos alliances. Nous devons nous assurer que les partenariats que nous formons correspondent aux valeurs essentielles des droits humains d’égalité et d’universalité. Notre responsabilité dans ce domaine, interne et externe, dans toutes nos diverses sections, ne peut pas être mise en jeu. Il faut un examen rigoureux des partenaires potentiels. Vu les situations complexes dans lesquelles nous travaillons, ce qu’il faut est un débat ouvert, pas la censure et la fermeture de la discussion concernant ces questions importantes. Déplacer le débat et le transformer en une discussion sur « L’Autre » et la « diabolisation » des prisonniers de Guantanamo, c’est simplement obscurcir les vrais problèmes en jeu. C’est mettre en danger le travail qu’Amnistie internationale essaie de faire en Afghanistan et ailleurs. Malheureusement, c’est aussi ne pas répondre aux questions très sérieuses qui ont été posées et pour lesquelles nous demandons aussi des réponses.
Dans le contexte actuel, « d’engagement constructif » avec les Talibans, comme cela a été proposé à la Conférence récente sur l’Afghanistan à Londres, nous avons l’obligation d’assurer que nous ne troquons pas les droits humains de minorités et des femmes pour « la paix ». Il y a suffisamment d’exemples récents de telles tentatives qui montrent que ces accords sont une chimère et ne résultent ni dans la paix, ni la sécurité. Quelle que soit la nature de « l’engagement » avec des groupes autoritaires, quels que soient les partenariats et les alliances dans lesquels nous entrons avec des personnalités ou des organisations impliquées dans un tel « engagement », l’engagement envers les droits humains, qui sont universels et indivisibles, doit être vérifié et ceux ci doivent rester centraux et non-négociables pour les organisations et les défenseurs des droits humains.
Nous faisons appel à Amnistie internationale pour qu’elle clarifie et affirme publiquement son adhésion à ce qu’il y a ci-dessus, dans tous les domaines de son travail ; et démontrer son obligation d’être elle-même publiquement responsable, comme elle l’a si souvent exigé d’autres.
Nous assurons Gita Sahgal de notre solidarité et de notre soutien, qui est bien connue et largement respectée internationalement pour son militantisme des droits humains reposant sur des principes, pour sa position courageuse en soulevant cette question à l’intérieur et à l’extérieur d’Amnistie internationale.
Rédigé et initié par :
Dr. Amrita Chhachhi, Programme Femmes, Genre et développement, Institut des sciences sociales de La Haye, membre de Kartini Asie, réseau d’études femmes/genre.
Sara Hossain, Avocate, Cour Suprême du Bangladesh
Sunila Abeysekera, INFORM Centre de Documentation sur les droits humains, Sri Lanka
Pétition en ligne à Amnistie Internationale (signez en ajoutant votre nom/ l’affiliation institutionnelle ou la profession et le pays, vous pouvez ajouter le site Internet de vos institutions, si vous voulez) Mettez votre adresse email. Soyez assuré que votre adresse email n’apparaîtra nulle part en ligne ni ne sera rendue publique pour personne. Elle est uniquement demandée dans des buts de vérification et pour éviter tout spam ou usage abusif de sorte que personne ne puisse signer au nom de quelqu’un d’autre sans qu’elle ne le sache.
pour signer cette petition aller ici :
http://www.human-rights-for-all.org/spip.php?article15