De Lima,
Avec 53 % des suffrages lors du second tour de l’élection présidentielle, le 4 juin, Alan Garcia (Apra, membre de l’Internationale socialiste) est le nouveau président péruvien. Il bat Ollanta Humala, candidat nationaliste de gauche de l’Union pour le Pérou - parti nationaliste péruvien. Représentant une très large alliance des partis traditionnels, des libéraux et des appareils opportunistes, ainsi que des Églises et des grands médias, la victoire du candidat du capital était prévisible, appuyé par une campagne brutale de calomnies orchestrée par le président néolibéral actuel, Alejandro Toledo. Toutes ces forces ont constitué un gigantesque bloc anti-Ollanta.
Dans son discours triomphal, faisant œuvre d’une fabuleuse démagogie, le vainqueur a reconnu les erreurs dramatiques de son premier gouvernement et a dénoncé publiquement les méthodes mafieuses utilisées par ses partisans en promettant de les corriger. Ces mesures sont impossibles dans ce parti (un des mieux organisés du continent) traditionnellement corrompu et gangrené par les groupes économiques et les investisseurs.
De l’autre côté, Ollanta Humala a été objectivement défait sur le terrain électoral, mais une analyse plus fine révèle une grande victoire politique : ses forces sont majoritaires au Parlement et il triomphe massivement dans quinze départements sur 24 (surtout dans le Sud appauvri). Garcia a, d’ores et déjà, été obligé de promettre des mesures qu’il n’aurait même pas imaginées en d’autres temps. Plus surprenant, Humala a indiqué que le « grand changement » commençait aujourd’hui. Afin d’assumer de façon conséquente son programme de changement « radical », il a lancé un appel à toutes les forces antilibérales, la gauche, la classe ouvrière, les organisations sociales, pour la constitution d’un large front pour l’action qu’il a dénommé Front nationaliste démocratique et populaire.
La droite, unie autour de Garcia, a bien compris que l’enjeu central était de contrer l’intégration latinoaméricaine (l’axe Chavez-Morales-Castro) et l’a dit publiquement. Ceux qui se disent révolutionnaires, Humala inclus, semblent ne l’avoir pas vu ou pas compris. Loin de mettre en avant les succès obtenus par la « révolution bolivarienne », ils se sont montrés sur la défensive en se distanciant confusément de Chavez, qui a publiquement soutenu Humala. Ce fut une erreur de masquer ce qui semble évident pour beaucoup : il n’est pas possible d’être antilibéral conséquent dans la région en s’éloignant dudit axe.
La première tâche du Front de Humala sera de lever haut le drapeau de la lutte contre le traité de libre-échange avec les États-Unis. Dans le meilleur des cas, cela permettra de battre la politique néolibérale et soumise de l’Apra. Le défi est posé, reste à le relever.