Depuis son indépendance en 1960, la Centrafrique n’a connu que coups d’État et dictatures, dont la plupart furent soutenues par la France qui voit dans ce pays un intérêt militaire stratégique lui permettant de projeter les troupes française rapidement sur n’importe quel point du continent.
Mais deux faits inédits aggravent une situation déjà catastrophique. Michel Djotodia s’est appuyé sur une force militaire hétéroclite, la Seleka, qui en langue Sango signifie l’alliance. La grande majorité de ces éléments ne sont pas centrafricains mais tchadiens ou soudanais, seigneurs de guerre plus intéressés par les mines de diamant que par un agenda politique.
Le nouveau maître du pays, Djotodia, s’il a bien prononcé la dissolution de la Seleka, reste dans l’impossibilité de désarmer ces milices. On assiste ainsi à une décomposition de cette Seleka qui s’est éparpillée le long du territoire et dont les soudards terrorisent la population en commettant les pires exactions. Ils conditionnent leur départ du pays au versement de sommes d’argent importantes que le gouvernement centrafricain n’a pas la possibilité de payer.
Le deuxième fait préoccupant est que les conflits dégénèrent progressivement en conflits religieux et ethniques. Des maux pourtant totalement inconnus en Centrafrique malgré les vicissitudes que le pays a connues, démontrant une nouvelle fois que les conflits ethniques ne prospèrent que sur des crises sociales aiguës.
En soutien aux dictateurs
La France a une responsabilité historique dans cette situation. Depuis l’indépendance, elle n’a eu de cesse de soutenir les dictatures parfois les plus ubuesques comme celle de Bokassa. Ces dictateurs qui ont détourné les fonctions de l’État à leur profit, réprimé les oppositions politiques et la société civile, ne laissant comme seule possibilité d’alternance que l’option militaire.
Une fois de plus la France est à la manœuvre pour tenter de stabiliser le pays et éviter qu’une partie du territoire ne devienne un nouveau sanctuaire pour des djihadistes qui pourraient prospérer facilement. Le Quai d’Orsay a fait voter en Conseil de sécurité de l’ONU au mois d’octobre la résolution 2121 qui soutient les troupes de la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) envoyées par l’Union africaine, avec une possibilité de la transformer en mission onusienne. Mais beaucoup de Centrafricains ne font pas confiance en cette mission composée en grande partie par les tchadiens qui ont soutenu le coup de force de Djotodia.
La Centrafrique est un exemple significatif des conséquences du soutien de la France à des dictatures africaines qui se maintiennent au pouvoir grâce à la corruption, aux élections truquées et aux manipulations, en attisant les haines ethniques qui détruisent progressivement des pays dont les populations paient seules un lourd tribut. Une crise alimentaire extrême va frapper le pays du fait de l’impossibilité pour les paysans de travailler dans leur champ, et ce sont des centaines de milliers de personnes qui vont se retrouver sans nourriture et sans aucun moyen de subsistance...
Paul Martial