Démenti sévère pour l’état-major de l’armée française qui nous expliquait il y a quelque temps que la situation allait en s’améliorant en Centrafrique. Même à Bangui, pourtant quasiment vidée de sa population musulmane, l’insécurité continue à régner. Dans le reste du pays, la situation empire avec près d’une centaine de morts ces derniers jours.
Un accrochage sévère a eu lieu entre les soldats français de Sangaris et les membres de la Seleka sur la N1, la route nationale qui mène au Cameroun à hauteur du village de Boguila à 450 km de Bangui. Les combats ont duré près de trois heures et les militaires français ont dû utiliser les armes lourdes, mortiers et missiles antichars Milan et Eryx, avec le soutien d’une couverture aérienne venant du Tchad.
L’attaque du centre médical de MSF qui a fait seize morts, dont trois humanitaires, est à cet égard révélatrice. En effet, ce crime est imputable à des ex-membres de la Seleka qui se livrent à des pillages. Pour tenter d’ailleurs de contrer ce délitement, un congrès de la Seleka doit se dérouler à Ndélé, dans le nord du pays pour, d’après les dires du responsable le général Mahomed Moussa Dhaffane, rendre plus présentable ce mouvement armé.
Diamants de sang
Des décennies de soutien de Paris à des régimes corrompus et dictatoriaux auront contribué à enfoncer le pays dans le chaos. Ce n’est pas la somme dérisoire, au vu des enjeux, de 12 milliards de Francs CFA, soit un peu plus de 18 millions d’euros, octroyés par la Banque mondiale pour relancer les services de l’État, qui va contribuer à régler la situation.
D’autant que, selon le dernier rapport de l’ONG américaine Enough Project, le financement des milices se fait désormais par le trafic des diamants. Ainsi au Nord, dans son fief, la Seleka use du travail forcé des habitants pour extraire les diamants des différentes mines de la région. Quant aux milices anti-Balaka, elles ont éliminé les musulmans qui dirigeaient les mines diamantifères de l’ouest du pays.
Compte tenu des enjeux financiers, le conflit risque de s’éterniser au détriment des populations. Certes, le processus de Kimberley, qui certifie que la vente des diamants sur le marché international ne finance pas les conflits, a été retiré à la Centrafrique en 2003... Il n’en demeure pas moins que de forts soupçons font état de contrebande des diamants centrafricains qui seraient traités essentiellement à Dubaï.
Impunité
Le responsable Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme faisait remarquer que, lors du coup d’État de 2003, c’était déjà les mêmes protagonistes qui s’étaient rendus coupables de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Parmi ceux là, un certain Bozizé... soutenu par la France pour son accession au pouvoir et ensuite pendant une dizaine d’années de son règne. C’est ce même Bozizé qui dirige et finance en sous-main les milices anti-Balaka qui se livrent aux massacres des populations civiles musulmanes.
L’impunité dont bénéficient ces criminels au pouvoir ne peut être qu’un encouragement à mettre le pays à feu et à sang. Et les récentes sanctions de l’ONU, notamment contre Bozizé, sont bien tardives et apparaissent surtout comme une mesure pour faire oublier qu’il y a quelques mois encore, il était un homme présentable du pré-carré africain de la France...
Paul Martial