“Un tiers des Portugaises ont déjà été victimes de violence psychologique”,annonce ce mercredi 13 février Público en couverture. Le quotidien précise que “12 % d’entre elles ont déjà subi de la violence physique”, selon les données d’une enquête publiée la veille et réalisée auprès de 2 428 femmes de 18 à 64 ans pour la Fundação Francisco Manuel dos Santos.
Le journal indique que les Portugaises interrogées ont déjà souffert, sur le lieu de travail, de harcèlement moral (35 % d’entre elles), mais aussi sexuel (16 %). Cette étude paraît dans un sinistre contexte : la semaine dernière, le journal iracontait “2019 tragique : plus de femmes sont déjà mortes, proportionnellement, au Portugal qu’au Brésil.” Un pays pourtant tristement célèbre pour ce type de criminalité.
“Terrorisme domestique”
Depuis le 1er janvier, dix Portugaises ont en effet été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, contre 28 dans toute l’année 2018. Le journal i, qui parle de “terrorisme domestique”, précise que “le taux de femmes tuées dans le cadre conjugal au Portugal est bien plus élevé que celui de nombreux autres pays de l’Union européenne”, notamment de l’Espagne, où sept femmes ont succombé à des violences conjugales en janvier. En France, elles étaient 20 au 12 février – le double de l’an passé à la même date.
“Quel est donc ce pays qui tolère le féminicide ?”, s’interrogeait récemment Rui Tavares, éditorialiste du Público :
Le plus choquant, c’est que parmi ces femmes assassinées, certaines, qui avaient porté plainte et demandé de l’aide, n’ont pas été protégées.”
Une justice critiquée pour son laxisme
Récemment, un rapport du Grevio (Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique), organisme créé en 2015 à la suite de la Convention d’Istanbul, ratifiée par le Portugal, soulignait les “lacunes majeures” du pays quant aux condamnations, encore trop peu nombreuses, des violences faites aux femmes. Pour le Grevio, “le plus préoccupant” restait la définition du viol : au Portugal, celui-ci repose sur la contrainte, l’usage de la force, et non l’absence de consentement de la victime. Le gouvernement avait annoncé en octobre qu’il modifierait sa législation sur le sujet, rapporte le Correio da Manhã.
En réaction à ces meurtres conjugaux depuis janvier, la directrice duDiário de Notícias parle elle aussi de “féminicides”. Dans son éditorial, Catarina Carvalho écrit :
Ne nous y trompons pas : une société qui admet qu’on s’attaque ainsi aux femmes, qu’on continue à le faire, ne prend pas le problème au sérieux. Si tant est qu’elle considère que ce soit un problème.”
L’éditorialiste dénonce “une police qui sous-estime les plaintes, un ministère public qui autorise leur retrait, des soutiens sociaux dérisoires, sans parler du fardeau qui s’abat sur la victime quand elle ose dénoncer…”
Patrícia Reis, chroniqueuse pour le portail d’informations Sapo 24, appelle à un durcissement de la loi : “Il est urgent de mettre un terme à la violence, au féminicide – un mot dont on devrait avoir honte – que nous constatons jour après jour. La loi doit être sévère et efficace, il doit y avoir des exemples qui peuvent terroriser les agresseurs et les tueurs potentiels.”
Mercredi, le Parlement a annoncé qu’une audition de plusieurs ministres du gouvernement socialiste, dont celle de la Justice, aura lieu très prochainement afin de renforcer la lutte contre les violences domestiques.
Vincent Barros
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