INTERVENTIONS A L’OCCASION DES OBSEQUES DE GERARD LUNDI 10 MAI 2021
Voici le lien pour visionner l’hommage sur YouTube :
https://youtu.be/VDINbS4mb7c
Voici le lien pour télécharger le fichier vidéo (attention, il est lourd !) :
https://we.tl/t-SPxBXKwMOh
Des débats à la sécurisation des manifestations
Béatrice Bonneau pour la FSU
Hommage FSU à Gérard CHAOUAT - Cérémonie Salle Maumejean
Gérard était un professionnel de renommée internationale, un militant politique, mais aussi un militant syndical : un militant FSU, un militant EE, autant investi dans les débats de la fédération et de son syndicat national, que dans la sécurisation des manifestations.
Gérard a longtemps siégé au CDFN - le « parlement » de la FSU - où tous gardent le souvenir de la force de son engagement et de la finesse de son humour.
Il a été membre de la Commission administrative et du Bureau national du SNCS, le syndicat national des chercheurs scientifiques de la FSU, pendant plus de 30 ans et son trésorier national pendant plus de 15 ans.
Elu FSU au Conseil scientifique du CNRS et au CTMESR, il y a défendu le métier de chercheur et la liberté de recherche.
Mais, je veux lui rendre un hommage spécial au nom de tous ses camarades du SO FSU ile-de-France, qui, toutes et tous, auraient voulu être là pour ce dernier adieu.
Depuis la création de la fédération, Gérard a participé à la sécurisation de toutes les manifestations parisiennes, toujours dans les premiers à répondre présent dès que le SO était requis.
Impressionnant par sa stature, drapeau déployé, il a souvent assuré la protection rapprochée des secrétaires généraux de la FSU. Il aimait particulièrement sécuriser le carré de tête, mais pouvait gérer avec la même conscience militante, l’avancée du cortège FSU.
Son expérience des manifestations constituait une richesse inestimable pour le SO.
A 17 ans, il était de ceux qui, à Charonne, avaient manifesté au péril de leur vie contre les attentats de l’OAS. Quand on y passait en manif, il se souvenait encore de ce jour de février 1962, du boulevard jonché de sacs et de chaussures et des cris provenant de la bouche de métro.
A 24 ans, il était en première ligne, lors de la grande manifestation unitaire du 13 mai 1968.
Et à plus de 70 ans, il était toujours en première ligne pour protéger les manifestants mobilisés contre la loi travail, la réforme des retraites ou la loi de sécurité globale.
Il avait la force tranquille d’un gros nounours. Mais dans les moments difficiles, quand notre rôle de protection du cortège prenait tout son sens, quand notre responsable de SO, disait « On tient », jamais il n’aurait lâché.
Gérard était un militant, de ceux qui militent dans l’ombre pour un monde meilleur, mais sont toujours là pour répondre « présent ».
Or ce premier mai 2021, pour la première fois - lui qui n’en avait jamais manqué un - n’était plus là.
Mais, dans nos cœurs, il restera à jamais. Et c’est en pensant à lui que nous continuons le combat !
Adieu Gérard. Adieu mon camarade !
Désormais plus personne ne m’embrassera sur le dessus de crane en début de manif !
Béatrice - Crématorium du Père Lachaise – 10 mai 2021
https://www.facebook.com/beatrice.bonneau.73
Hommage à G. Chaouat
Françoise Barré-Sinousssi
Humaniste, généreux, grand défenseur des droits de l’homme et de la femme, combattant contre les inégalités, passionné par la science au bénéfice de l’humanité, comment avec de telles valeurs, Gérard ne se serait-il pas engagé dans la lutte contre le Sida !
A la fin des années 80, il se posait des questions sur l’éventuel présence du VIH au niveau du placenta et sur les mécanismes de transmission du virus de la maman à l’enfant.
Je me souviens de sa venue à l’Institut Pasteur, de sa détermination pour me convaincre d’initier un projet avec lui sur ce sujet. Face à mon refus initial de crainte de disperser les activités de ma toute petite équipe à l’époque, Gérard avait réponses à tout… Il me proposa de mettre à notre disposition, ses proches collaborateurs dont une brillante jeune chercheuse de son laboratoire, la première de ses petites qu’il appréciait tant. C’est ainsi que Gérard me confia Élisabeth (Menu) à son retour de post-doc aux USA…
Ce fut le début d’une longue histoire et d’une profonde amitié.
A mon tour, j’engageais Gérard dans des collaborations avec les pays à ressources limitées. Dès le début des années 90, Gérard lança un programme de recherche et de formation sur la transmission mère enfant du VIH au Cameroun. Ce programme, initialement développé sous forme d’un consortium européen, puis soutenu par l’ANRS, est à l’origine de nombreux projets sur l’infection VIH chez la mère et l’enfant au Cameroun, dont la cohorte d’enfants PediaCam, toujours en cours aujourd’hui.
Et puis, comment ne pas évoquer l’Inde et la tentative d’initier là aussi un consortium de recherche sur l’infection VIH de la mère et de l’enfant au début des années 2000. Face aux multiples blocages liés à la bureaucratie et à la corruption en Inde, Gérard a su faire preuve d’un calme, d’une persévérance tout en restant inflexible.
D’une intelligence hors du commun, Gérard foisonnait d’idées originales, parfois difficiles à suivre et à intégrer dans des textes cohérents. Je me souviens de ces textes qu’il m’envoyait pour avis, parfois issus de traducteur automatique, sans relecture avant de me les soumettre, avec des retours houleux de ma part… « Certes… », disait Gérard, à la lecture de choses surprenantes comme « Transmission du virus par le lait de sein » ou encore les travaux de Philippe Camionnette »… Et nous partions en éclats de rire !
Cet hommage, que nous te rendons aujourd’hui, Gérard, n’est que le début d’une longue série de rencontres conviviales en ta mémoire, comme tu les aimais, et qui nous permettront d’évoquer tous ces merveilleux souvenirs avec toi…
Lundi 10 Mai 2021
Françoise Barré-Sinousssi
Nobel Laureate,
Institut Pasteur, Paris, France
Ses engagements internationalistes
Quatrième Internationale
L’engagement internationaliste de Gérard marque sa vie toute entière et cela vient de son histoire familiale, né en Algérie d’une famille juive.
Comme pour beaucoup de sa génération et de sa culture le premier engagement était la question de l’Algérie, et notamment la manif de Charonne en 1962 à l’âge de 17 ans.
C’est en 1966 qu’il rejoint la JCR et donc rentre dans les milieux de la Quatrième Internationale. Il écrivait beaucoup d’articles pour son journal L’Avant-Garde Jeunesse. En novembre-décembre 1967 il écrit un article sur l’insuffisance de l’aide soviétique aux combattants vietnamiens. Il détaille d’une façon scientifique - on reconnait bien Gérard – les armements offerts mais aussi bien sûr la raison politique pour cette insuffisance - pas question pour les dirigeants de l’URSS de risquer de remettre en question la coexistence pacifique avec les États-Unis.
Il participe au congrès de fondation de la Ligue Communiste, section française de la Quatrième Internationale, en 1969 et il en est un militant engagé sur beaucoup de fronts liés à sa profession et à son engagement internationaliste - y compris dans la section britannique quand il était là-bas en 1974-75.
C’était un engagement réfléchi et critique. En 1980 Gérard est en désaccord avec la position prise sur l’intervention soviétique en Afghanistan, même si cette position est renversée l’année suivante. Il a aussi des positions critiques sur les questions du Cambodge, de Cuba, de l’Iran… Donc pendant quelques années Gérard n’est plus formellement militant de la Quatrième Internationale - il l’est redevenu avec grande satisfaction dans une nouvelle période.
Sur ses engagements internationalistes mon camarade Christian Varin rappelle “je le côtoyais systématiquement dans la solidarité internationale, dans les rassemblements et les meetings en solidarité avec les peuples d’Afrique et du Moyen-Orient - dont évidemment le peuple palestinien, et encore tout récemment dans le collectif unitaire et les rassemblements pour défendre les militant-e-s catalan-e-s réprimé-e-s. Toujours discret mais si visible, souriant et déterminé !”
Au mois de mai nous commémorons la Commune de Paris par la traditionnelle Montée au Mur. Ensuite nous faisons notre propre commémoration pour nos camarades de l’Internationale, Pierre Frank, Ernest Mandel, Daniel Bensaïd. Gérard faisait toujours partie du petit groupe qui fleurissait leurs tombes. Dorénavant ce serait également pour Gérard que nous poserons un œillet rouge au jardin de souvenirs, de la part de toutes et tous ses camarades de la Quatrième Internationale.
Penelope Duggan, pour la Quatrième Internationale
Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)
Gérard
Quand nous avons appris le décès de Gérard , nous avons eu du mal à le croire tant cette annonce a été soudaine et inattendue. Nous avons dû relire plusieurs fois le mail, pour comprendre que ce 23 avril, jour de manifestation contre la réforme de l’assurance chômage, Gérard n’était plus là. Sa mort a été un véritable choc pour nous toutes et tous.
Ancien militant de la LCR, à la fondation du NPA en 2009, Gérard n’était plus au NPA depuis 2012, mais il faisait parti de ces camarades qui ne voulaient pas rompre les liens tant militants que amicaux qu’il avait tissé depuis des décennies avec un certain nombre d’entre nous mais aussi avec toute une nouvelle génération.
C’est pour cela qu’il continuait à militer activement avec les camarades du NPA 20e, en particulier pour les droits des femmes au sein du collectif IVG de l’hôpital Tenon. C’est pour cela qu’il continuait à venir à nos universités d’été pour y animer des débats mais aussi pour nous raconter des tonnes d’anecdotes. C’était encore le cas l’été dernier, où malgré des problèmes de calendrier il avait tout fait pour y être présent fin août afin d’animer un atelier autour de la pandémie.
C’est aussi pour cela qu’il avait répondu présent à chaque fois ces derniers mois quand nous l’avons sollicité pour participer à nos émissions et meetings en ligne. C’est donc évidemment sur la crise sanitaire que ces derniers mois nous l’avons sollicité, lui l’immunologiste de la reproduction, le pasteurien, le directeur de recherche au CNRS mais aussi le syndicaliste et le militant politique, l’internationaliste. Et à chaque fois, il nous apporta son analyse, ses compétences scientifiques, sa capacité à rendre compréhensible les savoirs scientifiques les plus hermétiques, ses réflexions indispensables aux combats de notre camp social, toujours de manière accessible au plus grand nombre. En effet, l’une de ses nombreuses qualités était de parler de choses très compliquées de façon simple, n’hésitant pas à réexpliquer toujours patiemment quand nous ne comprenions pas bien.
Je ne reviens pas ici sur l’ensemble du parcours militant incroyable de Gérard, mais une chose est certaine, c’est que contrairement à d’autres, « ça ne lui est pas passé avec l’âge » et c’est tant mieux pour nous toutes et tous. Sa silhouette reconnaissable entre toutes tant il nous dépassait d’une ou deux têtes faciles. Ses yeux rieurs, son poing levé à chaque occasion, sa bise sur le haut de nos crânes, ses blagues, son petit rire, vont tellement nous manquer. Pour tout cela et bien d’autres choses encore, c’était un camarade précieux. Gérard nous a quitté alors que tant de choses reste à construire, tant de luttes à mener. Mais nous continuerons son combat, notre combat. Lors des prochaines manifs, nous serons un certain nombre à chercher sa silhouette…
Ce n’est qu’un début, Gérard, et même sans toi, le combat doit continuer. Mais ce sera plus difficile.
Sandra Demarcq, pour le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)
Il n’était pas macho
Josée Pepin. Collectif IVG Tenon
Être dans le collectif Tenon pour participer à la réouverture de son centre IVG était pour Gérard dans la continuité de sa vie militante puisque dans les années 1971/72 avant la loi Veil, il avait participé a la création d’un vrai et beau centre dixit Danielle Gaudry de planning familial rue de Vaugirard où il y assurait des vacations Il était bien dans la démarche, d’une pratique ou la décision de l’acte n’appartenait plus au médecin, mais aux femmes, pour qu’elles puissent vivre leur vie, leur sexualité, sans oppression, ni dépendance.
Le Collectif TENON c’est un collectif comme il les aimait, habitantes, assoc, syndicats, orgas.
Une lutte locale dans le 20e, dans son quartier, avec une activité intense. Toujours présent, lors de nos rencontres avec l’AP-HP et des élue. Très présent également, bien sur dans la rue avec des moments musclés, face aux intégristes catholiques et leur complice de toujours la police.
Gérard c’était un homme de parole, c’est pas n’importe quoi un homme de parole ne dérogeant pas aux principes qui le conduisait, fideles a ses objectifs sociaux et politiques et un soutien sans faille aux droits des femmes.
Il avait également pour nous les femmes du collectif, une qualité pas forcement courante dans le monde politique et syndicale, il n’était pas macho.
On garde de lui des forces qui restent quand des choses profondes de la vie ont été partagées, se transmettent et nous donne envie de continuer, même quand la situation est si difficile.
Toujours la ! Petite histoire Gérard participant a une action, ou il fallait faire du bruit tapant sur une minuscule casserole et une toute petite cuillère, scandant des slogans féministes
Tu vas nous manquer, la bise sur le front va nous manquer, nous t’aimions, tu es dans notre cœur.
Josée Pepin
Collectif IVG Tenon