La pétition
Le parc national d’El Kala (PNEK) est une aire protégée de 80 000 ha située dans l’extrême nord-est de l’Algérie. C’est l’un des plus importants centres de biodiversité en Méditerranée. Il rassemble sur une superficie relativement peu étendue plusieurs écosystèmes typiques de cette région de la planète.
Sa partie marine est peuplée de faune et de flore qui ont pour habitat ses herbiers de posidonies et ses récifs de corail rouge. La côte que se partagent des criques rocheuses et de petites plages de sable servaient il n’y a pas si longtemps encore d’abris pour le phoque moine ou de lieu de ponte pour la tortue verte ou la tortue caouane. Les maquis littoraux de chêne kermès et les forêts de chêne-liège couvrent les basses collines qui enserrent le complexe de zones humides unique en Méditerranée. Ils cèdent la place au majestueux chêne zen dans la partie montagneuse du sud.
C’est le domaine du cerf de barbarie, du lynx caracal, de l’hyène rayée, du renard roux ou doré, de la mangouste, de la genette, du chat sauvage, du porc-épic, du hérisson, de la loutre... Autour des lacs et des cours d’eau qui les alimentent, dans les marécages et les sols détrempés, le chêne s’efface pour laisser la place à l’aulnaie, la forêt humide de nos contrées. Le patrimoine du parc est impressionnant : 850 espèces végétales, le tiers de la flore d’Afrique du Nord, 37 espèces de mammifères dont 2 chiroptères et l’hypothétique phoque moine, 21 rapaces nicheurs dont l’aigle pêcheur et le faucon d’Eléonore, 70 espèces oiseaux d’eau dont le fuligule nyroca ou l’érismature à tête blanche, 9 oiseaux marins, une centaine de passereaux, des centaines de fleurs, d’orchidées, le nénuphar blanc, etc. Tous ont besoin de ces habitats dans leur intégralité pour survivre et se reproduire naturellement. Un parc national n’est pas, contrairement à l’idée répandue, un territoire figé sur une carte, réservé exclusivement au tourisme ou au safari. Il a une fonction. C’est un outil inventé pour gérer des espaces naturels et avec lequel, il y a 25 ans à El Kala, l’Algérie a décidé de mettre sous protection l’inestimable patrimoine naturel de cette région. Les parcs nationaux conservent la vie sous toutes ses formes et expressions et c’est là le rôle qui leur a été confié lorsque l’homme a pris conscience des dégâts qu’il causait à sa source de vie, de nourriture, de remèdes, de savoir, de récréactivité. En décidant de créer un parc national à El Kala en 1983, l’Etat algérien a pris l’engagement d’y laisser l’avantage à la nature et à son épanouissement au titre de part d’héritage des générations futures. C’est le statut de l’aire protégée.
Au fil des ans, le PNEK a eu à subir des dégradations dont certaines sont extrêmement graves et probablement irréversibles, mais elles ne causeront pas, mêmes toutes réunies, autant de tort que le tronçon de 20 km de l’autoroute Est-Ouest qui doit le traverser dans sa partie centrale. Ce petit bout d’autoroute, en dehors des nombreux dommages qu’il va engendrer, va déclasser le parc national en lui faisant perdre son statut d’aire protégée au sens que lui donnent les définitions et concepts de la conservation de la nature. Le parc national ne pourra plus être appelé parc national. Il va donc disparaître et il n’y aura plus rien pour assurer le minimum de protection à son territoire. Voilà où réside le véritable danger apporté par ce bout d’autoroute. Il faut à tout prix empêcher cela. Il faut différer la réalisation de ce tronçon et chercher des solutions qui contribuent à la fois aux objectifs de conservation de la nature assignés au parc et à ceux du développement du réseau routier. Les solutions existent. Elles font appel à l’imagination, à la compétence, à la probité.
Pour toutes ces raisons, les signataires de cette pétition qui sera adressée à Monsieur le Président de la République demandent de surseoir à la réalisation du tronçon de l’autoroute pour permettre de rechercher des tracés qui ne compromettent pas l’existence du parc national d’El Kala.
Merci de signer la pétition sur le site www.ranahna.dz
Un appel
De : Rafik Baba-Ahmed
ADDREK. (Association pour le Développement Durable de la Région d’El Kala) ;
Le Parc national d’El Kala (PNEK) risque de disparaitre et dans le
meilleur des cas de perdre son statut d’aire protégée si l’autoroute
projetée (20 km sur 200 m) dans sa partie centrale et lacustre est
réalisée. Le statut d’aire protégée du PNEK est le seul à pouvoir
garantir une législation en faveur de la conservation de la nature.
Sans ce statut, on ne pourra plus prétendre donner l’avantage à la
nature sur la base de la loi et de la réglementation. Les questions
liées aux nombreux impacts de cette autoroute qui sont certes
extrêment importantes, mais elles passent au second plan devant la
menace de fragmentation du parc et de l’anéantissement de sont
intégrité écologique.
Tous ensemble, nous avons sauvé l’Outarde Houbara, nous sauverons le
Parc National d’El Kala.
Un article publié dans El Watan
Le tracé de l’autoroute Est-Ouest prévoit de la traverser
Le parc national d’El Kala menacé
En 25 ans, les « besoins du développement » ont réussi à ouvrir des voies exactement là où les concepteurs du parc national d’El Kala ont pris toutes les précautions pour qu’il n’y en ait pas.
Le plus grand parc national du nord du pays, le plus beau, le plus riche d’Afrique du Nord, l’exception du bassin méditerranéen qui est déjà en lui-même une exception à la surface de la planète, le fleuron de la biodiversité méditerranéenne, l’unique carrefour au monde où se côtoient des milieux naturels comme ceux de l’Europe humide et de l’Afrique aride, bardé de prestigieux titres comme celui de Réserve de la biosphère (MAB/Unesco1990), de Ramsar pour ses zones humides qui ont fait sa célébrité, infime région du pays, seulement 800 km2, à peine le tiers de la wilaya d’El Tarf et qui, il n’y a pas encore si longtemps, pouvait se targuer de réunir la moitié de la faune et de la flore connue au Maghreb, le parc national d’El Kala, l’aire protégée, disparaîtra des suites de la profonde blessure infligée par l’autoroute Est-Ouest qui va le traverser de part en part, atteignant son intégrité et consacrant ainsi sa fragmentation, ce qui peut arriver de pire à une aire protégée qui, à partir de ce moment-là, n’en est plus une selon les normes fixées par les exigences de la conservation in situ de la nature. Un parc national est une portion de territoire classée par décret dans lequel toutes les mesures sont prises pour protéger de l’action de l’homme les milieux naturels dont la conservation, qui ne rime pas forcément avec mise sous cloche, présentent un intérêt particulier pour la faune, la flore, le sol et le sous-sol, des eaux, l’atmosphère, les paysages...
Contrairement à l’idée répandue, leur intérêt n’est pas touristique ou scientifique, mais fondamentalement biologique, car ils produisent, préservent et régénèrent un bien précieux : la vie sous toutes ses formes, autrement dit la biodiversité. La recherche scientifique et le tourisme ne sont que quelques-uns des nombreux bénéfices qu’offre à l’homme une aire protégée. La première aire protégée au monde est un terrain public inaliénable créé le 30 juin 1864 par Abraham Lincoln dans la vallée du Yosémite en Californie. Le premier parc national en tant que tel est celui du Yellowstone créé en 1871, 8 890 km2 à cheval sur 3 Etats américains, 10 fois plus grand que celui d’El Kala et 10 fois plus petit que celui du Tassili (80 000 km2). Il reçoit trois millions de visiteurs par an.
La prise de conscience
Depuis 44 000 aires protégées ont vu le jour dans toutes les parties du monde avec 2300 parcs qui couvrent 700 000 km2 dont 500 classés en Réserves de la biosphère. Le plus petit, le parc national de Thayata, 13 km2, se trouve en Autriche et le plus grand, le parc national Kruger, couvre 20 000 km2 en Afrique du Sud.
Dans le sillage de la prise de conscience mondiale pour les questions de protection de l’environnement qui singularise les années 1970, les pouvoirs publics algériens promulguent au début des années 1980, un chapelet de textes dont les statuts des parcs nationaux. Sur la base d’études et de propositions dont certaines remontent au début du siècle dernier, le parc national d’El Kala, avec six autres parcs, est créé en 1983 avec des limites précises et des missions bien définies. Et au premier titre, il y a la conservation de la nature qui est intégrale dans les zones sensibles, avantagée dans d’autres, les plus nombreuses, ou négociée là où elle doit partager le terrain avec les activités de l’homme. Un schéma directeur d’aménagement recommande aux gestionnaires les actions à mener quel que soit l’endroit où on se trouve. Il est balayé d’un revers de manche au nom « du développement et de la mise en valeur ». Quelques années après, la Banque mondiale (FEM) finance sous la forme d’un don de plus de 10 millions de dollars un plan de gestion qui ne connaîtra pas d’application pour des raisons qui aujourd’hui encore restent obscures, alors que plus de 60% du don ont été utilisés.
Pendant ce temps, les gestionnaires du parc à tous les niveaux se battent pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Mais comme partout dans le pays, rien ne sera épargné. En un quart de siècle, les forêts du parc vont reculer sous le feu et la dent, certes, mais surtout et encore plus vite comme ces milliers d’hectares de concessions agricoles abandonnées aussitôt attribuées. Elles vont reculer à cause des égarements de politiques forestières à l’instar de ces milliers d’hectares de chêne-liège rasés pour être reboisés en eucalyptus destinés à la pâte à papier et qui n’a pas trouvé preneur jusqu’à périr sur pied par massifs entiers. Le cerf de Barbarie, dernier grand mammifère du Maghreb, ongulé emblématique des peuplements du chêne kabyle, a complètement disparu. Il y en avait encore quelques centaines à la création du parc national.
Aujourd’hui, on ne sait quoi faire des derniers cerfs élevés en captivité destinés au repeuplement. Il n’y a plus suffisamment de forêts de chêne, son habitat, pour abriter une population assez grande et en mesure de se reproduire en milieu naturel. L’aulnaie, la forêt humide qui prend le relais de la chênaie à proximité des zones humides a, elle aussi, été décimée le long des cours d’eau qu’elle longe en formant une galerie fraîche où fourmille la vie. On lui a coupé les vivres en détournant l’eau qui l’abreuvait.
Les enjeux économiques
Les lacs de la région d’El Kala, qui ont fait sa célébrité, sont devenus des enjeux économiques derrière lesquels se trament de sombres projets. On n’y rencontre plus la loutre, autre animal emblématique de la région, chassant le poisson ou se réchauffant au soleil sur un rocher. Sur le littoral, le dernier phoque moine a été aperçu au milieu des années 1980 et c’est vers la fin de cette décennie que la dernière tortue de mer a trouvé le courage de faire une dernière ponte sur des espaces qui lui appartiennent bien avant que l’homme n’apparaisse sur la surface de la planète. Des curiosités qui sont de véritables mines d’or pour le tourisme de découverte. Mais tout ceci n’est rien devant l’accélération de la dégradation causée par l’explosion de l’urbanisme dans les zones rurales et les zones éparses.
Les constructions et les implantations anarchiques mitent les milieux naturels et bien entendu poussent les résidents originels vers des retranchements où ils ne survivent pas. En plus, ils ruinent de fabuleux paysages. Et puis, il y a cette incroyable frénésie des décideurs locaux pour la route. A croire que le bonheur des gens se mesure au kilomètre de route ouverte, réalisée, faite et refaite plusieurs fois en quelques mois et dont nul n’ignore les véritables motivations, surtout lorsque le tracé ou les dimensions ne se justifient pas. Les accès ouverts en dépit des recommandations du parc ont achevé de fragmenter l’aire protégée. En fait, en 25 ans, les « besoins du développement » ont réussi à ouvrir des voies exactement là où les concepteurs du parc ont pris toutes les dispositions pour qu’il n’y en ait pas pour préserver ce qu’il y a de plus précieux, des espaces complètement vierges, considérés comme les derniers témoins originaux des rivages de la Méditerranée. A titre d’exemple, toute la bordure littorale du parc a été classée en zone II, où on ne doit pas modifier l’état des choses, pour éviter, ceci bien avant la promulgation de la « loi littorale », les routes en corniche et ce qu’elles apportent inévitablement : un développement linéaire considéré depuis le début des années 1970 comme ruineux pour la nature et l’économie locale.
La dernière route du genre, car il y a eu un précédent avec la route de la Messida, longue de 18 km entre El Kala et la vieille Calle, a été réalisée en dépit des refus du parc et des dispositions de la loi « littorale » qui venait juste d’être promulguée. Le comble, c’est le ministère de l’Environnement qui a financé ce projet de 170 millions de dinars, contrairement à tous les beaux discours de salon et de séminaires par lesquels il se distingue.
L’explosion des zones éparses et le quadrillage par les réseaux routiers ont sérieusement entamé l’intégrité du parc qui forme un ensemble composite de milieux naturels divers, mais qui forme aussi une entité cohérente du point de vue écologique. En principe, cette entité tend à se déployer plutôt qu’à se réduire. Le parc national d’El Kala n’a jamais été traité et considéré en tant qu’aire protégée. Il a subi le même traitement que toute autre partie du territoire national. Mais si parmi toutes les agressions qu’il a subies, on continue à espérer qu’il y a moyen de remédier à des atteintes graves et irréversibles, les naturalistes et écologistes ont baissé les bras depuis qu’ils ont appris que l’autoroute Est-Ouest va traverser le parc. La balafre qui est projetée, encore une, va partager le parc en deux parties tout à fait indépendantes, même si on tente de les rassurer en proposant des aménagements spéciaux pour le passage de la faune.
Pour les écologistes, le passage de la faune n’est pas le problème. Le parc national a été conçu pour l’utilisation de tous ses espaces librement et indépendamment les uns des autres. L’autoroute va forcément réduire ou supprimer de manière définitive les aires de certaines populations animales et végétales. Son impact est aussi important que celui d’un barrage sur un cours d’eau. Il y a bien des autoroutes qui traversent des parcs nationaux, en fait un seul cas, au Canada, mais avec des conditions draconiennes. Le tracé du TGV en France a, à plusieurs reprises, été dévié de plusieurs centaines de mètres ou de kilomètres pour contourner une vallée à préserver ou comme cela a été le cas pour le TGV Méditerranée pour ne pas déranger un couple d’aigles. Des surcoûts faramineux pour protéger la vie. Et c’est pas de la frime de naturalistes BCGB, mais bien des recommandations solidement fondées.
ujourd’hui, dans les milieux qui s’inquiètent beaucoup sur l’avenir de l’aire protégée d’El Kala et ce qu’elle contient, on s’interroge sur l’opportunité d’appeler encore parc national ce petit bout de territoire qui ne se distingue en rien du reste du pays. Une hypocrisie à laquelle il faut mettre fin. Si c’est bien une aire protégée comme l’Algérie en a décidé il y a 25 ans, qu’elle soit alors traitée en conséquence et cela coûtera ce que cela coûtera. Dans le cas contraire, il sera suffisant de dire que la région d’El Kala est encore une belle région, mais cessons de lui associer un fantôme.
Slim Sadki
Une réponse de scientifiques au ministre
Réponse à M. Le ministre des Travaux Publics
Monsieur le Ministre,
Nous nous réjouissons de votre déclaration publique d’adhérer à l’option « d’un tracé qui ne
passe pas par le Parc d’El Kala »
Cet aveu, Monsieur le Ministre, vous honore. Il confirme implicitement le danger du nouveau
tracé et conforte le souci des milliers d’acteurs sociaux qui se mobilisent pour tenter de sauver
le Parc, réellement menacé.
C’est de cela dont il s’agit !
Uniquement de cela !
Toutes autres considérations sur l’intérêt et les divers impacts socio-économiques du grand
Projet qu’est l’Autoroute Est-Ouest, saluée par tous, relèvent d’un faux débat. Faux débat
parce qu’en l’occurrence, il ne fait que brouiller l’enjeu principal, non pas celui de l’autoroute
elle même, mais celui de la survie du Parc. A t-il pour but d’évacuer la principale question ?
Oui ou non voulons-nous encore d’un Parc National digne de ce nom ?
Car si l’autoroute devait traverser le Parc, c’est la loi algérienne, l’une de celles,
nombreuses, qui traduisent la volonté de l’Etat et de la Nation de conserver un riche
patrimoine naturel qui sera, une fois de plus, piétinée dans ce petit bout de notre territoire
(800 Km2, le tiers de la wilaya d’El Tarf) qu’on a spécialement réservé à cette mission.
Les statuts algériens des parcs nationaux de 1983, définissent 5 classes de protection,
de la zone intégrale, où toute activité est interdite, à la zone périphérique où toutes des
réalisations sont autorisées mais qui doit impérativement se trouver en dehors des limites du
parc. C’est cette Loi que nous défendons car nous sommes de fervents partisans de la
poursuite des missions nationales, et internationales maintenant, assignées par l’Etat au parc
national d’El Kala. Or l’autoroute, M. le Ministre, doit traverser 3 zones de classe IV (zone
tampon) et 4 zones de classe III (zones de faible croissance) où il faut conserver les milieux
naturels en développement et où seulement quelques transformations peuvent être
réglementées. Puis il y a la classe V, la seule à pouvoir être traversée par des voies à grande
circulation. C’est clair.
Pour ce qui concerne le cas particulier d’El Kala, il existe en plus, un arrêté
interministériel de 1987 qui détermine les modalités d’intervention dans le parc et qui vient
confirmer que les grandes voies de circulations doivent bien rester dans la zone périphérique.
Toujours en 1987, M le Ministre, il y a eu un premier tracé de l’autoroute qui traverse le
territoire de l’aire protégée (c’était l’option A)…
Quand on s’est aperçu qu’il y avait là un Parc National, on a immédiatement prévu un
tracé différent (l’option B) qui avait l’avantage, en plus de respecter la loi et l’intégrité de
l’aire protégée, d’amener le progrès dans une région des plus reculées du pays, celle de
Bouhadjar et ses environs.
Elle coûte plus cher, c’est certain, mais seulement trois fois plus et non pas six
comme vous l’affirmez. C’est le surcoût à payer pour l’environnement. Surcoût immédiat
certes, mais ô combien rentable à long terme ! Celui que nous devons payer aujourd’hui pour
ne pas à le faire payer beaucoup plus à nos enfants et petits-enfants.
C’est la solution pour avoir à la fois un Parc National digne de ce nom et de sa
renommée mondiale et une autoroute trans-maghrébine, dont le prestige sera rehaussé pour
avoir précisément tenu compte au plus haut point, de la conservation de la nature.
En ces temps d’inquiétude grandissante et justifiée, quant à l’environnement, c’est un
devoir et une impérieuse nécessité.
Les impacts de l’autoroute posent en effet de sérieux problèmes au parc qui en a vu
d’autres depuis sa création. Mais ces derniers se sont produits à l’intérieur de l’aire protégée,
avec une étendue et des effets limités qui laissent des chances à la réversibilité des processus
et la restauration des milieux.
Ce ne sera pas le cas de l’autoroute qui viendra comme un corps étranger en
surimpression sur le territoire. Comme un méchant coup de lame superficiel qui n’en sera pas
moins mortel. Ce sera l’intégrité de l’aire protégée qui sera atteinte en profondeur et pas
seulement cette partie visible en surface. On ne pourra plus dire et prétendre être riches d’un
parc national digne de ce nom et y faire de la conservation selon les standards universels. Au
mieux fera t-on sourire, lorsqu’on ne passera pas pour un pays sans sérieux.
Les standards universels sont ceux qui sont étudiés, expérimentés, proposés, discutés
adoptés, et recommandés par les conventions et les traités intergouvernementaux que nous
avons signés à tour de bras.
Qu’en est-il pour le cas du Parc National Banff Canadien que vous citez en exemple ?
Il nous offre effectivement, Monsieur le Ministre, un exemple édifiant des retombées
dramatiques de la trans-canadienne et les diverses nuisances qu’elle entraîne.
Voici ce qu’en disent en un bref résumé les scientifiques de ce pays : « le taux actuel
de morcellement des habitats et d’aménagement le long du couloir formé par la
transcanadienne met en péril la survie à long terme de la faune du Banff. La route
transcanadienne a de graves incidences sur les populations animales du parc, morcelant les
habitats, faisant obstacle aux déplacements naturels ». (Echo de la recherche. Vol.5 n°1.
1997). Ce constat a été fait en 1996 bien après la mise en place des mesures
« d’accompagnement », comme par exemple ces passages aménagés pour la faune qui n’ont
d’ailleurs jamais été empruntés. Ce parc sollicite actuellement des études pour trouver de
nouvelles solutions aux graves problèmes apparus avec l’autoroute qui, entre autre, « tue
autant d’animaux que les chasseurs ». En plus, les parcs canadiens, comme ceux des USA,
n’ont aucune commune mesure avec les nôtres. Ils sont immenses, beaucoup moins riches en
diversité biologique, plutôt paysagistes que naturalistes et pas peuplés du tout. On paye pour
entrer et se promener à l’intérieur comme dans un jardin public.
En France, en Europe, les parcs sont zonés avec deux classes qui sont toujours
concentriques. Il y une aire centrale, l’équivalent de nos trois premières classes, et la zone
périphérique. Les voies de communication, lorsqu’elles les traversent, le font toujours dans la
zone périphérique comme chez nous, à cette différence que leur zone périphérique fait partie
intégrante de l’aire protégée. Nous avons opté, bien avant le rapport Brundland de 1992, et
par la nécessité de subvenir aux besoins immenses de notre population, pour une approche
ajustée aux notions de développement durable alors que ce concept ne faisait que prendre
naissance et encore loin d’être galvaudé comme c’est le cas aujourd’hui.
Et pour finir, ajoutons que l’argument pécuniaire du surcoût devrait pouvoir trouver
des solutions face à l’importance de l’enjeu ! L’aura mondiale qu’a acquis notre ministre de
l’environnement devrait, par exemple, pouvoir être utilisée comme un atout de taille pour
lever éventuellement les financements nécessaires et à des conditions intéressantes.
Tout comme vous, Monsieur le Ministre, ce qui guide notre démarche, c’est l’intérêt
du pays et de son développement. Cet intérêt n’est nullement incompatible avec le souci de
préserver l’avenir de nos enfants , C’est notre conviction, éclairée par notre expérience
professionnelle et celle de nos collègues à travers le monde.
Nous vous exhortons, Monsieur le Ministre, à tout mettre en œuvre pour sauver
le Parc et vous prions d’agréer l’expression de notre profonde considération.
El Kala, le 21 juin 2007
Rafik Baba-Ahmed.
ADDREK (Association pour le Développement Durable de la Région d’El Kala).
Ancien directeur du parc national d’El Kala. (1985-1992).
Prof. Slim Benyacoub
Directeur du laboratoire d’Ecologie des systèmes terrestres et aquatiques
Université d’Annaba.
ADDREK
Prof. Meriem Louanchi,
Maître de conférences à l’INA.
AREA
Prof. Zohir SEKKAL
Conseiller Régional de l’UICN pour la Région Afrique
Président Mouvement Ecologique Algérien (MEA)
Prof. Mohamed Hichem Kara
Directeur du laboratoire Bioressources marines
Université d’Annaba.
Dr Abelmoumen Boumaza.
Docteur vétérinaire. Alger
RYM