LES ORIGINES DU MOUVEMENT PALESTINIEN
Avant la création de l’État d’Israël, les Palestiniens subissaient la domination de deux forces : les Britanniques et les groupes sionistes militants. Après la création de l’État d’Israël en 1948, environ 700 000 Palestiniens ont été déplacés et ont cherché refuge en Cisjordanie et à Gaza ainsi que dans les pays voisins. Ils ont formé plusieurs organisations en exil, notamment le Mouvement national arabe (MNA) en 1951, qui mettait l’accent sur l’unité arabe, la laïcité, le socialisme et, plus tard, le marxisme. Influencé par les nationalismes arabes baasiste et plus tard nassériste, le MNA a connu plusieurs périodes et scissions, pour finalement se focaliser uniquement sur la Palestine, en créant le Front national de libération de la Palestine (FNLP). Des conflits internes ont conduit à d’autres scissions, notamment à la création du Front populaire (FPLP), dirigé par George Habache, et du Front démocratique (PDFLP), dirigé par Nayef Hawatmeh. Ces organisations et leurs ramifications ultérieures, ainsi que le Fatah, créé par Yasser Arafat en 1959, et finalement l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1965, étaient pour la plupart laïques, nationalistes et pour certaines socialistes et marxistes, même si bien sûr elles comptaient également des éléments religieux en leur sein.
Les premières organisations palestiniennes ont été affaiblies pour des raisons indépendantes de leur lutte contre Israël. Dans un premier temps, elles ont subi l’influence du nationalisme baasiste, ce qui a entraîné des scissions et des rivalités dans leurs branches syrienne et irakienne. Ensuite, avec l’influence croissante de Gamal Abdel Nasser, surtout après ce qui a été présenté comme sa victoire lors de la guerre de Suez en 1956, elles ont été largement influencées et contrôlées par le nassérisme. Nombre d’entre elles ont bénéficié d’une formation militaire en Égypte, mais jusqu’à la guerre de juin 1967, alors que Nasser préparait son armée à la guerre contre Israël, il a empêché les combattants palestiniens de s’engager contre l’armée israélienne avant que l’armée égyptienne ne soit pleinement préparée. Après la défaite des armées arabes, le mouvement palestinien a suivi les traces du mouvement de libération algérien et, dans une certaine mesure, de son homologue yéménite, et il a cherché à opérer de manière indépendante.
Après l’humiliante défaite des armées arabes en 1967 et l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, de Gaza, du Sinaï et du plateau du Golan, la principale préoccupation d’Israéliens a été de contenir les attaques de la guérilla palestinienne et les incursions dans les nouvelles frontières d’Israël. La guerre a provoqué la fuite de quelque 300 000 nouveaux réfugié.e.s vers les pays voisins. En 1970, le roi Hussein de Jordanie, exaspéré par les activités et les interventions croissantes des organisations palestiniennes dans les affaires jordaniennes, a perpétré un massacre à grande échelle et forcé un grand nombre de personnes à se réfugier en Syrie et au Liban. Le siège de l’OLP s’installa au Liban. En 1972, le groupe « ultra » Septembre noir, issu des conflits entre la Jordanie et l’OLP, a pris en otage des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich, ce qui s’est conclu par la mort de tous les otages et des preneurs d’otages.
Au début des années 1970, certaines composantes du mouvement palestinien, dont le Fatah qui, au travers de sa branche armée Al-Asifa, avait organisé les premières attaques de guérilla à l’intérieur d’Israël en 1964, étaient parvenues à la conclusion que la défaite militaire d’Israël n’était pas un objectif réalisable et qu’elles devaient trouver d’autres moyens d’atteindre leur but, entre autres par le biais des opérations de communication, ce qui a conduit à l’ouverture de bureaux dans des pays européens. À partir de 1972, le Mossad, préoccupé par cette initiative palestinienne et ulcéré par le massacre des athlètes israéliens et autres actions de guérilla, recourut à l’assassinat de personnalités palestiniennes de premier plan, parmi lesquelles des intellectuels, des artistes, des universitaires et des juristes en Europe, dont un grand nombre était, ironie de l’histoire, des partisans d’une résolution pacifique du conflit ; citons le poète et journaliste Ghassan Kanafani, le poète Wail Zweiter, l’économiste Mahmoud Hamchahri, représentant du Fatah à Paris, le professeur de droit Basil Al-Kubaissi et le poète Kamal Nasser.
La guerre d’octobre 1973 a apporté de nombreux changements dans la région, notamment des initiatives internationales visant à instaurer la paix entre les États arabes et Israël, et à rechercher des moyens de résoudre la question palestinienne. L’année 1974 a été marquée par une scission du Fatah dans des conditions peu claires : le Fatah « Commandement révolutionnaire », dirigé par Abou Nidal, est une organisation terroriste qui est responsable de centaines de morts et blessés parmi la population civile d’une série de pays. Elle a également assassiné plusieurs dirigeants palestiniens de premier plan et, comme elle utilisait le nom du Fatah, elle a considérablement nui aux efforts déployés par le Fatah pour améliorer la perception internationale du mouvement palestinien. En 1982, alors qu’Ariel Sharon s’apprêtait à envahir le Liban pour en expulser les Palestiniens, le groupe Abou Nidal a tenté d’assassiner l’ambassadeur d’Israël à Londres ; même si le Mossad savait vraisemblablement très bien que Nidal n’avait rien à voir avec le Fatah d’Arafat, l’armée israélienne a invoqué cette raison pour envahir le Liban et, par des bombardements massifs, a contraint l’OLP à changer une nouvelle fois de siège, cette fois en dehors de la région immédiate, pour s’installer en Tunisie.
L’ARRIVÉE DES ISLAMISTES
En 1973, le cheikh Ahmad Yassine, un religieux fondamentaliste, lui-même réfugié palestinien à Gaza, expulsé avec sa famille à l’âge de 12 ans et qui avait fait ses études à l’université égyptienne d’Al-Azhar, a fondé une organisation caritative appelée Mujama al-Islamiya. Son objectif était de diffuser ses idées religieuses obscurantistes dans la bande de Gaza, frappée par la pauvreté et surpeuplée. A mesure qu’il gagnait des adeptes, il obtenait aussi le soutien des Frères musulmans égyptiens et fut en mesure de fonder de nouvelles mosquées. Le groupe organisait des agressions ciblées contre des Palestiniens laïques et progressistes, incendiait des cinémas, assassinait des travailleuses du sexe et imposait le hijab aux femmes de leurs quartiers. Leur influence grandissante leur a permis de prendre le contrôle de l’université islamique de Gaza, de licencier les enseignants laïques et progressistes et de renvoyer des étudiant.e.s.
Israël, qui contrôlait entièrement Gaza depuis 1967, a toujours été fortement perturbé par les mouvements laïques et a pris la décision de nourrir les conflits internes entre Palestiniens en renforçant les islamistes et en aidant ’l’œuvre caritative " du cheikh Yassine, qu’il a officiellement reconnue en 1979.
En 1981, un autre groupe islamiste, le Jihad islamique palestinien, scission du Jihad égyptien (instigateur de l’assassinat d’Anouar el-Sadate) encouragé par l’émergence de la république islamique en Iran, appela à l’établissement d’un Etat islamique en Palestine dans les frontières d’avant 1948. En 1984, Israël a découvert que les partisans du cheikh Yassine cachaient des armes dans les mosquées et il a été arrêté, mais libéré par la suite dans le cadre d’un échange de prisonniers. Depuis lors, les conflits entre les islamistes palestiniens et Israël n’ont fait que gagner en intensité.
Au début de la première Intifada en 1987, le cheikh Yassine et Abdelaziz Rantissi, médecin fondamentaliste et membre des Frères musulmans, créent l’Organisation de la résistance islamique, le HAMAS, dans le but d’établir un Etat islamique en Palestine. Lors de la première Intifada (1987-1993), en l’absence de l’OLP expulsée du territoire, le Hamas gagna rapidement en influence et créa son aile militaire, la Brigade Izz al-Din al-Qassam. Lorsque les pourparlers de paix entre Israël et la Palestine ont commencé au début des années 1990, et ont abouti aux accords d’Oslo, le Hamas s’y est opposé, s’affrontant à l’OLP. Ce qui n’a fait qu’aggraver les choses, c’est qu’une partie de la gauche palestinienne, dont l’influent Front populaire (FPLP), également opposée aux pourparlers de paix, a fait alliance avec le Hamas.
En 2004, le cheikh Yassine a été assassiné par Israël et Rantissi lui a succédé, avant d’être tué un mois plus tard. Le Hamas a survécu à la perte de ses dirigeants fondateurs et a gagné en popularité, étendant son influence sociale, construisant de nouvelles mosquées (il y avait 1 080 mosquées à Gaza avant la guerre actuelle) tandis que sa mainmise sur différents aspects de la société gazaouie commençait à se faire sentir, notamment dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur, réduisant au silence et expulsant les professeurs et les étudiants non croyants.
Inquiet du monstre que lui et ses alliés avaient créé, Israël a décidé unilatéralement d’évacuer les colonies juives de Gaza en 2005, de les déplacer en Cisjordanie et d’encercler totalement la bande de Gaza en en contrôlant l’accès par la terre, les airs et la mer, la transformant ainsi en la plus grande prison du monde.
Lors des élections au Conseil législatif palestinien de 2006, le Hamas a obtenu plus de sièges que l’OLP et a formé un gouvernement de coalition. Israël a refusé de reconnaître les résultats. Les divisions internes ont finalement amené le Hamas à entreprendre un coup d’État contre l’OLP et, depuis 2007, il dirige la bande de Gaza. Dans le même temps, Israël, sous le prétexte que l’UNRWA, l’agence de secours des Nations unies pour les réfugiés, aurait été influencée par le Hamas, a poussé les États-Unis, le Canada et d’autres pays « amis » à cesser de lui verser des fonds. Cette politique mal inspirée a considérablement aidé le Hamas, car les habitants de Gaza se sont radicalisés et sont devenus plus dépendants des services caritatifs du Hamas.
Le Hamas, malgré son idéologie anti-chiite, s’est rapproché du Hezbollah libanais, y a trouvé une base et a obtenu le soutien du régime islamique iranien. Cependant, lorsque la guerre civile syrienne a commencé, le Hamas, contrairement au Jihad islamique qui entretenait des relations plus étroites avec le Hezbollah et le régime iranien, a refusé de soutenir les troupes d’Assad et a été expulsé du Liban. Mais avec la poursuite des conflits en Syrie, les relations du Hamas avec l’Iran et le soutien apporté par ce dernier se sont améliorés, et le Hamas a rétabli ses bases au Liban.
Le mouvement palestinien une fois étant divisé en deux entités distinctes, une Gaza turbulente et chaotique sous la direction du Hamas et une Cisjordanie relativement calme sous la direction de l’Autorité palestinienne (AP), Israël a adopté une double politique, que j’ai déjà analysée dans d’autres articles. Tout en ripostant énergiquement aux incursions du Hamas et à ses roquettes, en bombardant massivement Gaza lors des guerres successives de 2008-2009, 2012, 2014 et les suivantes, Israël a pris prétexte du Hamas pour faire avancer ses projets expansionnistes généraux à l’encontre des Palestiniens. En Cisjordanie, il a soutenu l’« autogouvernement » palestinien, qui s’est comporté comme une sorte d’État colonial entre les mains de dirigeants autochtones. Sur les quelque 155 000 employés de l’Autorité palestinienne, environ 60 000 travaillent dans le domaine de la sécurité et du maintien de l’ordre. Encore en Cisjordanie, les Israéliens ont facilité l’expansion de villes palestiniennes comme Ramallah, où les nouvelles classes moyennes travaillant dans les administrations et dans un large éventail d’ONG financées par l’étranger ont accédé à une vie relativement confortable et, malgré leur mécontentement à l’égard de l’occupation israélienne, ne sont pas disposées à mettre en péril leur statut nouvellement acquis. La classe ouvrière des petites et moyennes industries et de la construction vit et travaille dans des conditions économiques précaires, tout comme les agriculteurs et les classes moyennes traditionnelles. Alors qu’Israël poursuit le développement de ses colonies juives illégales, c’est avec une ironie des plus amères que l’on assiste au spectacle de ces longues files d’attente de travailleurs palestiniens à l’entrée de ces colonies, à la recherche d’un emploi sur les chantiers de construction ou dans les fermes des colons.
Outre les organisations religieuses palestiniennes, d’autres groupes islamistes ont été impliqués dans les conflits israélo-palestiniens. Deux d’entre eux sont basés au Liban. L’un est Amal, formé à l’origine en 1974 en réponse à la situation critique de la minorité chiite du pays, qui est entré en conflit avec Israël après la première grande invasion du Liban par ce dernier en 1978. L’autre est le Hezbollah libanais, formé avec l’aide du régime islamique iranien après l’invasion israélienne du Liban en 1982, et qui a mené une guerre contre Israël en 2006.
En résumé, tout au long de ce long chemin, le mouvement palestinien a été sérieusement affaibli. Avec la montée en puissance des fondamentalistes juifs et des courants politiques de droite, et l’affaiblissement grandissant des forces de gauche et libérales en Israël et parmi les Palestiniens, la « question palestinienne » semblait s’estomper, à tel point que l’administration Trump a mis en place les accords d’Abraham dans l’espoir de rapprocher toutes les autocraties arabes d’Israël. Cependant, l’attaque du Hamas d’octobre 2023 et la riposte d’Israël ont de nouveau concentré l’attention du monde sur les problèmes palestiniens non résolus.
LES PROBLÈMES ACCUMULÉS ET NON RÉSOLUS
Les principaux problèmes qui ont découlé de la création de l’État d’Israël peuvent être regroupés en plusieurs catégories, dont aucune n’a jamais été sérieusement traitée dans le cadre des nombreuses négociations de « paix ».
Déplacements et réfugiés
Pendant la première guerre ( 1947-1949), environ 700 000 Palestiniens vivant en Palestine ont été déplacés et ont cherché refuge en Cisjordanie, à Gaza et dans les pays voisins (Jordanie, Syrie, Égypte et Irak) ; plus de 400 villages et villes palestiniens ont été alors vidés de leurs habitants. Dans le même temps, un nombre sans cesse croissant de Juifs arrivaient en Israël en provenance d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Les Nations unies ont créé l’UNRWA pour prendre en charge les réfugiés palestiniens, et la résolution 194 de l’Assemblée générale a reconnu leur droit au retour. Au cours des guerres qui ont suivi, notamment en 1967 et 1973, des centaines de milliers de personnes sont venues s’ajouter aux populations réfugiées.
Aujourd’hui, plus de 5,5 millions de Palestiniens sont enregistrés auprès des Nations unies. Environ 1,5 million d’entre eux vivent dans des camps de réfugiés de l’UNRWA, dans des conditions très difficiles ; certains camps abritent plus de 100 000 personnes dans des espaces extrêmement limités. En Jordanie, LE pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés, beaucoup ont obtenu la nationalité jordanienne. En revanche, en Syrie et surtout au Liban, les réfugiés vivent dans des conditions épouvantables et sont interdits d’exercer de nombreuses professions.
Les frontières, les murs, les barrages et les points de contrôle
Après la défaite des armées arabes, la ligne d’armistice de Rhodes de 1949, également connue sous le nom de ligne verte, a été acceptée par Israël et les États arabes voisins, établissant la ligne d’armistice (et non les frontières permanentes d’Israël). Les accords d’armistice établissaient trois zones démilitarisées près du Jourdain et de la mer de Galilée, mais Israël a fini par en prendre le contrôle.
À la suite des conquêtes israéliennes lors de la guerre de juin 1967, Israël a commencé à implanter des colonies en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ce qui est contraire à la quatrième convention de Genève et à la résolution 452 du Conseil de sécurité. Actuellement, plus de deux cents colonies et avant-postes regroupent plus d’un demi-million de colons, tous illégaux au regard du droit international. Douze colonies ont également été créées à Jérusalem-Est, au cœur de la vieille ville, au contact de la population palestinienne majoritaire. À Hébron (Al-Khalil), ville officiellement palestinienne en vertu des accords d’Oslo et comptant environ 240 000 habitants, vivent plusieurs centaines de colons juifs fondamentalistes, protégés par 1 200 soldats des Forces de défense israéliennes (FDI). Certains de ces colons habitent au-dessus de la place du marché de la ville et jettent fréquemment des pierres, des briques et des déchets sur les grilles métalliques qui recouvrent le marché. De nombreuses échoppes ont d’ailleurs dû fermer ou cesser toute activité.
En 2002, Israël a décidé de construire un mur de béton imposant pour séparer la Cisjordanie d’Israël, mais en fait, en construisant une grande partie de ce mur à l’intérieur même de la Cisjordanie, en pénétrant par endroits à plus de 15 miles dans le territoire occupé. Il a également créé de vastes implantations autour de Jérusalem-Est, la séparant de fait de la Cisjordanie.
Les accords d’Oslo, comme nous le verrons plus loin, ont divisé les territoires occupés en trois zones : La zone A, composée de sept villes palestiniennes ; la zone B, sous administration palestinienne avec une sécurité conjointe israélo-palestinienne ; et la zone C, sous contrôle et surveillance israéliens. La zone de sécurité israélienne couvre les ensembles de colonies ainsi que toute la frontière du Jourdain et de la mer Morte. Ce n’est qu’un prétexte pour contrôler la riche et fertile vallée du Jourdain et l’accès au fleuve ; au cours des dernières décennies, grâce à la coopération de la Jordanie avec Israël, pas une seule incursion de la guérilla n’a été signalée à partir de ces frontières. On peut raisonnablement supposer que si l’Autorité palestinienne avait eu le contrôle de la vallée, elle aurait été beaucoup moins dépendante de l’aide étrangère et des emprunts. La mer Morte, qui se meurt en raison de l’utilisation excessive de l’eau du Jourdain, est très riche en divers minéraux utilisés par les entreprises cosmétiques israéliennes qui jouissent d’un contrôle monopolistique sur la partie ouest de la mer. Les Palestiniens sont privés d’accès à la mer. Le gouverneur de Jéricho (Eriha), dont la ville et la région sont proches de la mer Morte, m’a dit qu’il n’avait jamais été autorisé à se rendre sur son littoral.
Toutes les routes principales et les autoroutes sont également sous contrôle israélien, et des centaines de kilomètres d’autoroutes sont uniquement réservées à l’usage des citoyens israéliens et ne sont pas accessibles aux Palestiniens. En outre, des centaines de points de contrôle militaires sont installés sur les axes routiers secondaires, contrôlant la circulation des voitures et des piétons, et il faut parfois des heures pour les franchir.
Frontières maritimes, pêche et accès aux réserves de gaz naturel
Les accords d’Oslo ont fixé la frontière maritime de la bande de Gaza en Méditerranée à 20 milles nautiques du rivage, à l’exception des deux rives nord et sud où se trouvaient à l’époque des colonies juives et dans lesquelles il était interdit aux habitants de Gaza de pêcher. Bien que cette frontière ait limité l’accès des habitants de Gaza à la pêche, elle était suffisante pour la consommation locale. Lorsque la deuxième Intifada a commencé, Israël a sévèrement restreint l’accès des habitants de Gaza à la mer. Sous la pression internationale, cette frontière a été fixée à 12 milles nautiques. En 2006, avec le succès du Hamas aux élections du Conseil national palestinien, Israël a réduit cette frontière à 6 milles nautiques, et parfois même à 3 milles. Ces restrictions ont eu pour effet immédiat d’empêcher des habitants de Gaza de vivre modestement de la pêche et d’éliminer une source importante de nourriture pour la population pauvre. Les dégâts causés par les bombardements israéliens à la station d’épuration de Gaza, dont les eaux usées se déversent maintenant en mer, ont encore davantage compromis la capacité de pêche.
Plus important encore, avec la découverte d’un énorme gisement de gaz naturel en 2000 à l’intérieur des eaux territoriales de Gaza telles que définies par les accords d’Oslo, les Palestiniens auraient pu avoir accès à une importante source de revenus. Un contrat de 25 ans a été signé entre l’Autorité palestinienne, British Gas et une société libanaise. Israël, tout particulièrement lorsque Ariel Sharon a formé son gouvernement en 2001, n’avait pas l’intention de permettre aux Palestiniens d’accéder à ces revenus et a bloqué la concrétisation du contrat ; la victoire électorale du Hamas s’est avérée être la meilleure des excuses pour forcer BG à annuler le contrat.
Jérusalem
La ville de Jérusalem est l’une des questions les plus complexes du conflit entre Israël et la Palestine. En raison de son importance historique pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, Jérusalem a été déclarée ville internationale dès le tout début du mandat britannique. Lors de la création de l’État d’Israël, la ligne verte a coupé la ville en deux parties. La partie orientale ainsi que le territoire de la Cisjordanie sont passés sous le contrôle de la Jordanie. Lors de la guerre de 1967, Israël s’est emparé de la totalité de la ville, l’a unifiée puis annexée. Les résolutions 252 et 476 du Conseil de sécurité des Nations unies ont condamné cette décision et l’ont déclarée nulle et non avenue.
Depuis 1948, les frontières de Jérusalem ont été régulièrement repoussées, par la Jordanie, puis par Israël. Aujourd’hui, Jérusalem est presque quatre fois plus étendue qu’en 1947.
La principale exigence des Palestiniens lors des diverses négociations a été d’autoriser que Jérusalem-Est devienne la capitale palestinienne. Israël, cependant, considère Jérusalem comme une ville unique et sa propre capitale légitime et, ainsi qu’il a été dit plus haut, a fait croître la population juive tout en faisant décroître la population arabe de Jérusalem-Est.
Accès aux eaux de surface et aux eaux souterraines
L’accès aux sources d’eau et leur contrôle ont toujours été la pierre angulaire de la politique sioniste. Le Jourdain s’étend sur 251 km, du mont Hermon au Liban à la mer Morte, en passant par la mer de Galilée (Bahr-Tabarieh, lac de Tibériade, lac Kinneret) en Israël et les hauteurs du Golan. Il traverse cinq pays et territoires (le Liban, la Syrie, la Jordanie, Israël et la Palestine), qui relèvent techniquement d’un « régime riverain » chargé de gérer collectivement les questions relatives au fleuve. Cet accord technique de gestion n’a cependant jamais été mis en œuvre. Comme indiqué précédemment, Israël a d’abord pris possession des trois « zones démilitarisées » proches des sources . Plus tard, il a drainé les marécages du lac Hula, détourné l’eau vers le sud par le biais de son Service national des eaux et ainsi accru au maximum sa part du fleuve. Dans les années 1950, les États-Unis ont tenté à plusieurs reprises de trouver un accord négocié sur la question de l’eau, mais en vain. Des cinq pays riverains, la Syrie et le Liban ont été pratiquement exclus du partage du bassin et les Palestiniens se sont vu refuser tout accès au fleuve. Ainsi, à l’heure actuelle, seuls Israël et la Jordanie en bénéficient.
En plus des eaux de surface, Israël contrôle également les eaux souterraines de la Cisjordanie, qui est divisée en trois réservoirs aquifères (nord, est et ouest). Les seconds accords d’Oslo ont fixé la part d’eau d’Israël à quatre fois celle des Palestiniens. Néanmoins, Israël a continué à pomper de l’eau bien au-delà du quota qui lui avait été attribué. En réalité, quarante pour cent de l’eau potable dans les limites de la Ligne verte provient des nappes phréatiques de Cisjordanie. Dans l’aquifère occidental, sur un total de 360 millions de mètres cubes (MCM), Israël en prélève 340 et les Palestiniens 20. Dans l’aquifère du nord, Israël consomme 115 MCM sur 140, et dans l’aquifère de l’est 60 MCM sur 100. Les Palestiniens obtiennent rarement des permis pour forer des puits profonds, alors que les colons juifs sont facilement autorisés à le faire.
Il ne fait aucun doute qu’avec une population relativement plus nombreuse, une société industrielle beaucoup plus développée et une agriculture parmi les plus avancées au monde, Israël consomme beaucoup d’eau. Il dispose également d’un système de gestion de l’eau des plus sophistiqués et, outre les ressources naturelles, une partie de l’eau israélienne provient d’usines de dessalement et du recyclage des eaux usées à des fins agricoles. Il n’en reste pas moins que la répartition inégale de l’eau et les limites imposées aux Palestiniens et aux autres voisins riverains en ce qui concerne l’accès aux quotas qui leur reviennent de droit ont été et continuent d’être une source majeure de tensions.
La combinaison de tous ces problèmes majeurs a été à la base des conflits et des confrontations entre Israël et les Palestiniens, qui ont parfois atteint un point explosif, des problèmes qui ont été soit ignorés, soit n’ont pas été traités sérieusement lors des nombreuses négociations de « paix ».
Le processus de « paix » entre Israël et la Palestine
Dès la toute première vague d’immigration juive en Palestine, et après la déclaration Balfour de 1917, par laquelle la Grande-Bretagne s’est déclarée prête à établir une terre d’accueil pour les Juifs, des efforts ont été déployés pour pacifier les habitants arabes de la région. La première tentative a consisté en une rencontre, en 1919, entre le dirigeant sioniste Chaim Weizmann et l’émir Fayçal, dirigeant de la révolte arabe contre les Ottomans. Cette rencontre s’inscrivait dans le droit fil de la politique des pays occidentaux et de la conférence de Paris de l’après-guerre, selon laquelle les Arabes étaient censés encourager et soutenir l’immigration juive dans la région, tandis que les sionistes aideraient les Palestiniens à créer un État stable et viable. Cependant, Fayçal n’était en aucun cas un représentant des Palestiniens et il les méprisait tout autant que Weizmann. La réunion n’aboutit à rien. Fayçal, que les Britanniques avaient nommé roi de la Grande Syrie, fut chassé par les Français qui avaient obtenu le mandat de la Syrie et du Liban grâce à l’accord secret Sykes-Picot, et les Britanniques déplacèrent Fayçal en Irak pour qu’il y devienne roi, tandis que son frère devenait roi de Transjordanie.
Pendant le mandat britannique en Palestine et jusqu’à la création de l’État d’Israël, plusieurs initiatives ont été lancées pour répondre aux tensions croissantes. En 1937, la commission Peel a notamment proposé la partition du territoire en attribuant une partie relativement petite de la côte méditerranéenne et des régions septentrionales à l’État juif, et le reste à l’État arabe, à l’exception de Jérusalem, qui serait restée sous mandat britannique. Le plan Woodhead de 1938 exprimait des réserves sur les possibilités de partition, limitait davantage le territoire attribué à l’État juif envisagé et restreignait considérablement le territoire de l’État arabe en élargissant les zones sous mandat. Aucun de ces plans n’a pu être concrétisé et les organisations para-militaires sionistes, l’Irgoun et plus tard le LEHI, qualifiées de « terroristes » par les Britanniques, ont intensifié leurs activités. Menahem Begin, chef de l’Irgoun et plus tard premier ministre israélien, eut cette phrase célèbre : « L’origine historique et linguistique du terme terreur prouve qu’il ne peut s’appliquer à une guerre révolutionnaire de libération », une citation que certains Palestiniens reprennent à leur compte.
En 1947, la Grande-Bretagne, qui n’avait plus la possibilité de maintenir le mandat, a remis la « question palestinienne » aux Nations unies. Deux propositions, connues sous le nom de Plan de la minorité et Plan de la majorité, furent débattues à l’Assemblée générale. Le Plan minoritaire, soutenu par l’Iran, l’Inde et la Yougoslavie, prévoyait un État fédéral unique pour deux peuples, dans lequel chaque nation aurait disposé d’une autonomie totale sur son territoire, mais où les questions telles que les relations étrangères, la sécurité nationale et l’immigration auraient été traitées au niveau fédéral par le biais d’un système parlementaire bicaméral. Ce plan très progressiste n’était pas acceptable pour les sionistes qui voulaient créer un État juif indépendant. Le Plan majoritaire avait le soutien des États-Unis et de l’Union soviétique et a été adopté dans la résolution 181, allouant à l’État juif des territoires beaucoup plus vastes que les plans de partage britanniques antérieurs. Les États arabes, qui venaient d’être créés et dont l’expérience diplomatique était très limitée, votèrent contre les deux plans, bien qu’Israël acceptât le plan de la majorité. Alors que la guerre faisait rage, Israël s’est déclaré État en 1948 et, à la fin de la guerre, a ajouté de nouveaux territoires à ceux qui lui avaient été attribués par la résolution de l’ONU.
Avec la création de l’État d’Israël et son expansion au cours des guerres qui ont suivi, de nombreuses résolutions des Nations unies ont porté sur Israël et les territoires occupés : plus de 400 par l’Assemblée générale et plus de 222 par le Conseil de sécurité, sans compter les 44 résolutions auxquelles Washington a opposé son veto. L’une des résolutions les plus importantes du Conseil de sécurité est la résolution 242 de 1967, qui, tout en reconnaissant l’existence d’Israël, exige son retrait des territoires occupés lors de la guerre de 1967. Les Palestiniens n’ont pas accepté cette résolution, car elle impliquait la reconnaissance de l’État d’Israël. L’Égypte et la Jordanie l’ont acceptée et, plus tard, d’autres États arabes en ont fait une condition à la reconnaissance d’Israël. Au lieu de se conformer à la résolution, les Israéliens ont présenté le Plan Allon, qui proposait la partition de la Cisjordanie, en attribuant deux zones distinctes aux Palestiniens, qui seraient annexées à la Jordanie, le reste demeurant sous le contrôle d’Israël. La partie la plus étrange du plan était que les deux zones palestiniennes divisées se trouvaient à l’intérieur d’Israël et n’étaient pas bordées par le Jourdain, bien que le plan ait autorisé un passage vers la Jordanie par Jéricho.
L’accord de Camp David de 1978 entre Israël et l’Égypte ne parvint pas à amener Israël à faire la moindre concession substantielle en faveur de l’autodétermination palestinienne. Il a fallu attendre 1987 et la première Intifada pour que l’attention du monde entier soit à nouveau attirée sur les problèmes palestiniens non résolus.
Les négociations secrètes entre les représentants des deux parties à Madrid en 1991 ont fait naître de grands espoirs de paix, ouvrant la voie aux accords d’Oslo de 1993 et 1995. Comme indiqué précédemment, la Cisjordanie et la bande de Gaza ont été divisées en trois zones, sept villes palestiniennes et 450 villages dispersés dans les territoires contrôlés par Israël ont bénéficié d’une autonomie limitée et l’Autorité palestinienne (AP) a été établie. Les accords d’Oslo n’abordaient pas les questions majeures des réfugiés, des frontières ni de Jérusalem, qui devaient être réglées dans les années ultérieures. Il s’agissait manifestement d’un accord déséquilibré entre une partie plus forte bénéficiant d’un soutien international considérable et une partie beaucoup plus faible ne bénéficiant d’aucun soutien comparable. Pourtant, on pouvait espérer qu’il améliorerait progressivement la situation des Palestiniens et ouvrirait la voie à une véritable solution fondée sur la coexistence de deux États. Mais cela ne s’est pas produit. Israël a continué à établir des colonies de peuplement illégales sur les terres palestiniennes et a multiplié les blocus et les barrages routiers. À l’époque des accords d’Oslo, le nombre de colons en Cisjordanie était de 110 000, et aujourd’hui, sans compter les colons de Jérusalem-Est, il s’élève à plus d’un demi-million.
De nombreux autres accords ont suivi les accords d’Oslo. En 1997, l’accord d’Hébron a divisé la ville en deux parties : Hébron 1, avec 240 000 Palestiniens, et Hébron 2, avec plusieurs centaines de colons juifs. En 1998, le mémorandum de Wye River, conclu entre Clinton, Arafat et Netanyahou, a apporté quelques ajustements aux accords d’Oslo, et un petit pourcentage des trois zones a été redistribué. L’accord de Charm el-Cheikh de 1999 a apporté d’autres légères modifications.
En 2000, le président Bill Clinton a accueilli le premier ministre israélien Edud Barak et le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat à Camp David. Clinton et Barak ont proposé des modifications des frontières de la Cisjordanie selon lesquelles Israël annexerait 9 à 10 % supplémentaires de la Cisjordanie et 9 à 10 % supplémentaires de la rive du Jourdain qui seraient également placés sous contrôle israélien « temporaire et indéfini » [sic]. En contrepartie, Israël aurait ajouté aux territoires palestiniens 1 à 3 % de son propre territoire dans le désert du Néguev. Certaines parties non spécifiées de la zone C seraient également placées sous contrôle palestinien, sans aucune incidence sur les colonies juives. Les Palestiniens seraient autorisés à emprunter une autoroute reliant Jérusalem à la mer Morte, Israël se réservant le droit de la fermer à tout moment si cela était jugé nécessaire. La question des réfugiés restait en suspens. Ce projet accordait à l’État palestinien le contrôle administratif d’une partie de Jérusalem-Est sans « souveraineté » sur le site de la mosquée Haram al-Sharif/Al-Aqsa, ou sur le Mont du Temple. Arafat déclara qu’il ne pouvait pas accepter ces propositions et le sommet échoua. Le retour d’Arafat en Cisjordanie a coïncidé avec le début de la seconde Intifada, et la réaction d’Israël a notamment consisté en la démolition d’une grande partie de la résidence d’Arafat, en n’en préservant qu’une petite partie pour permettre son assignation à résidence imminente.
Des pourparlers de paix très importants ont eu lieu dans la ville égyptienne de Taba en 2001. Bien qu’aucun accord sur les frontières et le partage des terres n’ait été conclu, il a permis, du moins sur le papier, d’aborder certaines questions majeures relatives aux réfugiés et à Jérusalem. En ce qui concerne Jérusalem, au lieu de la diviser par une frontière, ce qui ne serait en réalité plus faisable depuis longtemps, il a été envisagé de diviser la ville en deux zones administratives : La partie occidentale, Yerushalayim, serait la capitale d’Israël, et la partie orientale, Al-Quds, la capitale du futur État palestinien. Plus important encore, sur la question des réfugiés, il était fait référence à la résolution 194 des Nations Unies de 1948 relative au droit conditionnel au retour et à l’indemnisation, et quelques propositions concrètes ont été faites : 1- le retour contrôlé des réfugiés en Israël et dans les territoires palestiniens, ainsi que dans les territoires échangés entre les deux parties ; et 2- faire en sorte que les réfugiés obtiennent officiellement la citoyenneté de l’endroit où ils se sont installés, transfert éventuel dans un pays tiers.
Cet accord a certainement représenté un grand pas en avant dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Toutefois, il a coïncidé avec l’élection de George W. Bush et des néo-conservateurs aux États-Unis, la fin du gouvernement Barak et l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon en Israël. Plus grave encore, Ehud Barak n’était pas réellement disposé à conclure un tel accord. En 2003, lors d’une conférence des universités de Tel-Aviv et d’Al-Quds, où les négociateurs américains, israéliens et palestiniens analysaient l’échec de Camp David II, Barak a ouvertement admis qu’il ne prenait pas l’accord au sérieux, ce qui a provoqué la colère du principal négociateur israélien présent à la conférence. (Arafat n’a pas pu y assister car il était assigné à résidence !) En fait, juste avant de remettre le gouvernement à Sharon, Barak a envoyé une note au nouveau président des Etats-Unis déclarant que ce qui avait été convenu à Taba et à Camp David II n’était pas considéré comme contraignant pour le nouveau gouvernement Israélien.
En 2001, Ariel Sharon a proposé unilatéralement et en dehors de toute négociation le « Plan Sharon » qui comportait quelques changements mineurs dans les territoires attribués précédemment aux Palestiniens tout en étendant les zones sous contrôle israélien à toute la vallée du Jourdain et à la mer Morte.
En 2002, George W. Bush, par l’intermédiaire du « Quartet » (États-Unis, Union européenne, Nations unies, Russie), a présenté la feuille de route 2002, qui était en fait une voie sans issue : dans un premier temps, les Palestiniens devaient renoncer à la violence, Israël devait se retirer sur les lignes d’avant septembre 2000 (deuxième Intifada) et geler les colonies construites depuis 2001 ; dans un deuxième temps, un État palestinien devait être créé et, dans un troisième temps, une conférence internationale devait déterminer les frontières définitives et régler la question de Jérusalem.
Les États arabes ont présenté leur propre plan de paix (Arab Peace Plan) qui posait trois conditions à la paix et à la reconnaissance formelle d’Israël : le retrait sur les frontières de 1967, la résolution de la question des réfugiés sur la base des résolutions de l’ONU et la création d’un État palestinien dont la capitale serait Jérusalem-Est. Israël l’a rejeté.
En 2003, des personnalités politiques et des militants israéliens et palestiniens favorables à la paix se sont rencontrés de manière non officielle et ont proposé l’Initiative de Genève. Pour ce qui est des frontières et de la délimitation des territoires, ils ont proposé un plan d’échange de terres, attribuant la majeure partie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza aux Palestiniens, tout en convenant que les zones proches de la Ligne verte, où la population juive est importante, seraient annexées à Israël. En contrepartie, une partie du territoire israélien proche de Gaza serait annexée à la partie palestinienne. Sur la question des réfugiés, en revanche, il n’y a pas eu d’avancée.
Le temps passait et les questions palestiniennes essentielles restaient en suspens. Après des années d’assignation à résidence, Yasser Arafat fut envoyé en France pour des raisons médicales et mourut mystérieusement en 2004. Les conflits internes entre les courants politiques palestiniens se sont intensifiés et le mouvement s’est finalement divisé en deux branches distinctes.
Par la suite, de nombreuses réunions et sommets ont eu lieu, sans résultat sérieux. En 2005, des représentants d’Israël, de l’Autorité palestinienne, du roi de Jordanie et du président égyptien se sont réunis à Charm al-Cheikh. Lors du sommet de Riyad en 2007, les dirigeants arabes ont réitéré la déclaration de Beyrouth. Lors de la conférence d’Annapolis la même année, George W. Bush, Ehud Olmert et Mahmoud Abbas ont tenté de relancer les pourparlers de paix de la « feuille de route », mais aucun accord n’a été conclu. L’offre d’Olmert de céder une partie de Jérusalem-Est à l’État palestinien est un élément notable de cette initiative. L’élection de Barack Obama a fait naître l’espoir d’un règlement négocié, comme il l’avait promis. Mais les conférences de 2010 et 2013 entre Obama, Netanyahou et Abbas n’ont pas permis de progresser. En 2014, après les affrontements entre Israël et le Hamas, Netanyahou a abandonné tous les efforts en faveur de négociations de paix. Pendant la présidence Trump, toute velléité de processus de paix entre Israël et la Palestine a été purement et simplement mise de côté, et la coalition israélienne d’ultra-droite n’avait de toute façon aucun intérêt à une quelconque paix négociée avec les Palestiniens. Les accords d’Abraham visaient simplement à réunir les autocraties arabes et Israël et n’abordaient pas la question palestinienne. L’administration de Joe Biden n’a pas non plus pris d’initiative majeure.
En bref, aucun des soi-disant processus de paix n’a résolu les problèmes palestiniens évoqués précédemment. Au cours de ce long parcours, des frustrations et des colères bien enracinées ont fait alterner des périodes de calme avec des tempêtes et des explosions. La première Intifada a préparé le terrain pour les négociations de Madrid et d’Oslo, et la deuxième Intifada a amené le sommet de Taba. La dernière offensive effroyable du Hamas, qui a massacré de nombreux civils et emmené des otages, suivie de la brutalité inimaginable de la réaction israélienne, de la punition collective et de l’assassinat de milliers d’habitants de Gaza, a de nouveau attiré l’attention du monde sur le conflit israélo-palestinien qui persiste. Reste à savoir si cela conduira à un nouveau cycle de négociations de paix une fois que les opérations militaires auront pris fin.
EXISTE-T-IL DES SOLUTIONS À CE CONFLIT SANS FIN ?
Avec la faillite totale de la Conférence d’Oslo, nombreux sont ceux qui remettent en question l’idée d’une solution dite à deux États. Écartant la thèse absurde d’un État palestinien dans les frontières d’avant 1948 ou « du fleuve à la mer », certains (re)mettent l’accent sur la solution d’un seul État pour les deux peuples, en ne tenant pas compte du principe de base de l’idéologie sioniste qui repose sur la nécessité d’avoir un pays d’accueil pour les juifs. Que l’on soit d’accord ou non avec cette idéologie, il s’agit d’une réalité que l’on ne peut méconnaître. La solution d’un seul État est, sans aucun doute, un idéal qui pourrait être concrétisé dans le futur. Cependant, il n’y a aucune chance qu’il se réalise de sitôt. Il est important de souligner ce que l’on appelle le « dilemme démographique » : Aujourd’hui, la population d’Israël est de 9,7 millions d’habitants, dont 2,1 millions d’Arabes et environ un demi-million de personnes d’autres ethnies ou religions, ce qui fait que la population juive d’Israël est d’environ 7,1 millions d’habitants. La population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza est d’environ 5,4 millions et, si elle était ajoutée à la population israélienne non juive, les Israéliens deviendraient une minorité dans la « patrie » juive. Bien qu’Israël encourage l’immigration juive et qu’à ce jour, environ neuf grandes vagues d’immigration aient eu lieu, et malgré le taux de natalité très élevé chez les juifs ultra-orthodoxes, le taux de croissance global de la population juive d’Israël est inférieur à celui de la population palestinienne, en dépit du grand nombre de personnes tuées chaque année au cours des nombreux affrontements.
Certains à gauche ont également mis en avant les potentialités que recèle l’union entre les classes ouvrières des deux camps contre la classe capitaliste dominante. Il s’agit d’une belle idée, mais qui n’a aucun fondement dans la réalité. La Histadrut, la puissante Fédération générale israélienne du travail, qui fédère plus de 20 syndicats industriels et compte environ 800 000 membres, est toujours l’une des institutions les plus puissantes du pays, bien qu’elle ait été affaiblie par la progression du néolibéralisme depuis les années 1980. Il s’agit d’un mouvement progressiste pour les travailleurs israéliens, qui compte même plus de 100 000 membres arabes. Mais en tant qu’institution fondatrice du sionisme, elle n’a jamais adopté une position ferme par rapport aux territoires occupés d’après 1967. Du côté palestinien, la Fédération générale des syndicats palestiniens, qui compte environ 290 000 membres, bien qu’elle défende les travailleurs palestiniens, est très proche de l’Autorité palestinienne, elle a peu de pouvoir réel et, comme beaucoup d’autres syndicats, souffre d’un manque de démocratie interne. En bref, il n’est pas réaliste d’espérer que, dans les conditions actuelles, les travailleurs des deux camps s’unissent pour défier la puissance dominante.
La réalité est que la solution des deux États n’a jamais été véritablement à l’ordre du jour. Même ce à quoi, en 2010, l’amertume m’a fait donner le nom de « solution à un État et demi », ne s’est jamais concrétisé. Pourtant, tout bien considéré, la seule solution à ce conflit vieux de 75 ans est une véritable solution à deux États. Les négociations de paix mentionnées ci-dessus, bien qu’elles aient toutes échoué, portent en elles les germes d’une solution pratique, réaliste et relativement équitable. Si de véritables conditions de paix sont mises en place, elles peuvent constituer la base d’un accord durable.
Mais la question principale est de savoir quelles sont ces conditions réelles pour la paix. À l’encontre de la situation actuelle où les courants politiques réactionnaires, ultraconservateurs et fondamentalistes des deux camps s’affrontent, je pense que ce sont en fin de compte les courants progressistes laïques qui joueront le rôle principal dans la recherche d’une paix durable. Tant qu’il n’y aura pas de changements majeurs dans la société civile et la politique israéliennes, et que la gauche progressiste israélienne et les forces libérales seront mises à l’écart par les fanatiques réactionnaires de droite, il n’y aura aucun espoir de paix, et le monde assistera périodiquement à d’autres explosions. De la même manière, si des changements du même ordre ne se produisent pas du côté palestinien et que les forces progressistes sont pas en mesure de faire face efficacement à l’Autorité palestinienne inepte et corrompue, d’une part, et au fondamentalisme religieux, d’autre part, et de créer un front laïque progressiste unifié, elles ne pourront pas faire entendre fortement leur voix dans le processus de paix de demain. Il est évident qu’il y a là beaucoup de grands « si », et que de nombreux facteurs régionaux et internationaux puissants, allant de l’impérialisme, de la politique américaine en particulier, aux fondamentalismes religieux (juif, chrétien, islamique), en passant par les autocraties régionales et les partisans de l’antisémitisme et de l’islamophobie, constituent des obstacles majeurs à une paix véritable entre Israël et la Palestine.
Il est donc difficile d’être optimiste, mais il n’y a pas d’autre choix que de le rester et de travailler dur pour trouver des moyens pratiques et progressistes pour avancer vers une paix basée sur une solution à deux États par laquelle un gouvernement démocratique laïque viable pour la Palestine sera établi dans les frontières d’avant 1967 avec sa capitale dans la partie orientale de Jérusalem unifiée, avec des plans d’échange de terres négociés basés sur l’initiative de Genève, la résolution du problème des réfugiés sur la base des résolutions de l’ONU et de l’accord de Taba, et une division équitable des sources d’eau, des frontières terrestres et des frontières maritimes.
Saeed Rahnema