La détermination reste forte dans le secteur de l’Éducation, le gouvernement l’a bien compris. Le ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, présente même ses excuses à retardement aux enseignantes de maternelle, et il affiche une soudaine volonté de dialogue avec les syndicats, qu’il dénigrait le jour de la grève. Le succès de celle-ci et le soutien des parents fragilisent l’assurance gouvernementale, Sarkozy préférant éviter en ce moment les foyers de tension sociale.
Dans la plupart des cas, les assemblées générales (AG) de la grève du 20 novembre se sont prononcées pour une nouvelle grève rapide, en décembre, afin de maintenir la pression. Ce n’est malheureusement pas le choix de l’intersyndicale de l’Éducation au soir de la grève. Elle n’appelle qu’à une journée d’action, le mercredi 10 décembre. Certains départements ont reconduit la grève le 25 novembre, d’autres le 27. Mais ils se sont rapidement trouvés isolés, et cela n’a pas permis d’engager un véritable mouvement de reconduction en jours de grève rapprochés mettant véritablement le gouvernement sous la pression de la mobilisation.
Pour autant, la mobilisation se poursuit, sous des formes variées, avec l’entrée en lutte de nouvelles catégories de personnels et d’usagers. Le 29 novembre, 2000 parents et enseignants ont défilé au Mans et à Clermont-Ferrand. Le 3 décembre, 700 personnes se sont rassemblées devant le Sénat et ont défilé jusqu’au ministère pour y déposer les 200 000 signatures de la pétition « Sauvons les Rased ». Le 4 décembre, dans la région Paca, parents et enseignants ont organisé une « veillée des écoles », avec débats, dans 170 établissements. À Marseille, plus d’un millier ont descendu la Canebière, lors d’une manifestation de nuit aux flambeaux. À Paris, à l’occasion du conseil d’administration du CNRS (lire Rouge n° 2277), les chercheurs ont manifesté afin de dénoncer les menaces sur les organismes de recherche et la diminution des effectifs. Des IUT s’opposent également à la contre-réforme des universités (1000 en AG à Toulouse). La tension monte dans les IUFM, où des AG s’organisent entre personnels et étudiants. Le 5 décembre, les lycéens ont lancé l’opération « Lycée vide », avec des manifestations (1000 à Colmar, 100 à Mulhouse, 200 à Lyon, etc.) d’opposition à la contre-réforme des lycées et son « bac light ».
Ces initiatives se mènent dans bien d’autres départements, avec manifestations aux flambeaux, actions « Gilets jaunes pour l’école en danger ». Un mouvement de suspension de l’aide personnalisée dans les écoles s’est développé, amenant le Snuipp, syndicat majoritaire, à relayer le mot d’ordre. La pétition intersyndicale en soutien à Alain Refalo, auteur de la lettre « En conscience, je refuse d’obéir », a réuni 5 000 signatures ; la pétition de « désobéissance pédagogique » en rassemble 4000. Une nouvelle pétition dans les écoles, l’« Appel des 100 », indique une politisation du mouvement. Elle a déjà recueilli plus de 10 000 signatures en dix jours : « Nous voulons rester dignes de notre mission d’éducateur. Nous demandons que cessent la brutalité, la méfiance et le mépris. Nous demandons l’arrêt de cette politique et la démission du ministre qui l’incarne. »
Ensemble, parents et enseignants semblent déterminés à maintenir la pression jusqu’aux vacances, pour engager les suites du mouvement à la rentrée. Il existe incontestablement un mouvement de fond avec une convergence entre les personnels et parents qui fragilise Darcos. Pour le moment, celui-ci reçoit les syndicats sans rien céder. Raison de plus pour maintenir la pression et commencer à préparer la grève de janvier. L’intersyndicale, face à la pression maintenue, en discute après les réunions avec Darcos. Après une journée de grève, plusieurs ? À nous de mettre cela partout à l’ordre du jour
Hélène Kaplan
* Paru dans Rouge n° 2278, 11/12/2008.
« Le Point » et les enseignants
Les hérauts du sarkozysme ne sont pas fatigués… En dépit de l’effondrement du discours néolibéral, ou encore de leur impuissance du moment à justifier toujours plus de cadeaux fiscaux aux puissants, leur haine de classe a trouvé matière à s’exercer de nouveau. Leur cible ? Les services publics. Cela dit, comme il paraît un peu difficile de défendre, par les temps qui courent, la mise en Bourse de La Poste, c’est à l’école qu’ils s’en prennent.
La dernière livraison du Point est, à cet égard, un morceau d’anthologie, digne d’être cité dans les écoles de journalisme comme exemple de l’engagement militant dévoyé sous le masque de l’objectivité. Le titre du dossier, appelé en couverture (photo de Xavier Darcos à l’appui) résume l’intention : « Tout ce que l’on n’ose pas dire sur les profs. » Sur les huit pages consacrées au sujet, l’attaque n’est toutefois portée que sur un aspect : les personnels de l’Éducation nationale refusent l’alléchante proposition présidentielle du « gagner plus ». Marque de leur attachement à leur mission ? Absolument pas, nous disent les trois rédactrices préposées à la célébration des œuvres du ministre : « C’est un fait : 60 % des enseignants du secondaire et 80 % du primaire sont des femmes. Elles ont choisi une vie qui leur permet de rentrer chez elles à 16 h 30 dans le primaire, de disposer de demi-journées entières dans le secondaire et d’avoir les mêmes vacances que leurs enfants. » Le travail de préparation, les copies, l’accompagnement des élèves ? Pour les auteures, « soyons honnêtes, leurs rythmes sont incomparablement plus légers que ceux de tous les salariés du privé ».
Passons sur la dimension sexiste d’une démonstration à laquelle trois femmes ont accepté de se prêter. Soyons-leur surtout reconnaissants de nous livrer, entre les lignes, le sens profond de cette attaque en règle : liquider le critère d’intérêt général qui régit en principe le service public. L’offensive de Darcos, relèvent-elles, « n’a qu’un objectif : affirmer que le métier d’enseignant n’est pas un sacerdoce, mais un métier comme un autre, avec des objectifs, des évaluations, des exigences de résultats ». Cela s’appelle faire passer l’école à l’heure des pratiques managériales, au moment où elles viennent précisément de révéler à quels prodiges elles conduisaient dans le privé… Cela fait rêver !
Christian Picquet
* Paru dans Rouge n° 2278, 11/12/2008 (La gazette des gazettes).
Les contre-réformes ne passeront pas !
La journée de grève du 27 novembre a prouvé, une fois de plus, la colère et la détermination des enseignants, face aux contre-réformes de Xavier Darcos, qui touchent toute l’école, de la maternelle à l’université.
Dans le premier degré, la journée du 27 novembre concernait une dizaine de départements en dehors d’un appel national. À Paris, un millier d’enseignants et de parents d’élèves, se sont rassemblés devant le salon de l’Éducation, pour organiser un comité d’accueil au ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, qui a préféré botter en touche et se rendre à une réunion sur l’Europe. Dans d’autres villes (Toulouse, Grenoble, Strasbourg, Bordeaux, Tours…), les enseignants universitaires se sont mobilisés pour refuser la politique gouvernementale en matière de recherche et d’enseignement supérieur (lire page 2).
À travers ces différentes mobilisations, ce qui est en jeu, c’est à la fois le refus de la politique du gouvernement en matière d’éducation et la recherche d’actions, pour obliger le gouvernement à retirer ses contre-réformes. Ce que Darcos ne semble pas ignorer, lui qui ne cesse de faire des déclarations mensongères et manipulatrices, pour mieux diviser et tenter de casser les mobilisations. Peine perdue, celles du 20 novembre et du 19 octobre sont là pour rappeler que l’opinion publique est un point d’appui important, notamment dans le premier degré. Aujourd’hui, 40 départements sont touchés par le gel (désobéissance collective) des mesures Darcos, et notamment des 60 heures (sur les 108 heures annualisées) destinées à l’aide personnalisée pour les élèves en difficulté. Dans de nombreux conseils d’école, enseignants et parents votent le boycott de ces 60 heures, estimant qu’elles ne servent qu’à masquer la disparition, sur trois ans, de 8 000 postes d’enseignants spécialisés (Rased) dont le travail consiste justement en une prise en charge de ces élèves.
Les suppressions de postes, les attaques contre le statut de la fonction publique des enseignants, la mise en concurrence des structures représentent une véritable casse du service public d’éducation. Il y a donc matière à mobiliser largement sur ces bases. Ce n’est pas ce que proposent, pour l’instant, les syndicats majoritaires, préférant au « tous ensemble » des journées d’action perlées ou des journées d’action sans grève, comme celle qui se déroulera le 10 décembre. Ce pas qualitatif d’appel à un « tous ensemble » est posé dans les assemblées générales, nombreuses et importantes, organisées sur tout le territoire avec la volonté d’en découdre par la grève et de montrer une réelle détermination dans le refus de la politique éducative du gouvernement et pour une école de la réussite de tous. Mais les directions syndicales majoritaires semblent faire la sourde oreille, campant sur des positions de négociation des contre-réformes et refusant de mener un véritable combat contre la politique du gouvernement. Dans ce contexte, les équipes syndicales combatives et les collectifs d’auto-organisation sont des armes précieuses.
Nina Lehair
* Paru dans Rouge n° 2277, 04/12/2008.
C’est Darcos qu’il faut virer
Le 20 novembre, les enseignants se sont massive ment mobilisés pour s’opposer aux contre-réformes du ministre de l’Éducation, Xavier Darcos. Il est néces saire de pousser à la généralisation de la grève dans toute l’Éducation nationale.
Dans les écoles primaires, jeudi 20 novembre, le taux de grévistes a atteint 70 %, au niveau national. Dans de nombreux départements, il fut égal à celui de 2003. Une trentaine d’assemblées générales (AG) ont voté la poursuite du mouvement par la grève en proposant d’en discuter la semaine suivante, une dizaine de départements se mettant en grève les 25 ou 27 novembre.
La colère des enseignants et leur résistance face aux attaques gouvernementales qui démantèlent le service public d’éducation ont donc largement été démontrées dans la rue, avec le soutien des lycéens et des étudiants. Xavier Darcos estime que « [les mobilisations] montrent, en tout cas, qu’il y a dans ce ministère une culture de la grève qui nous empêche de parler des choses réelles ». Même s’il affirme vouloir maintenir ses contre-réformes, ses interviews relèvent d’un aveu de faiblesse. Pas plus de réponse à la hauteur du côté des syndicats majoritaires du premier degré (Snuipp-FSU, SE-Unsa, Sgen-CFDT) qui, loin de s’appuyer sur le mouvement des enseignants pour construire le rapport de force, inventent un nouveau concept, en adressant au gouvernement un « préavis de négociations » de cinq jours.
Quant à l’intersyndicale éducation, elle s’est réunie le lundi 24 novembre, afin de proposer de nouvelles actions, trop éloignées pour créer un véritable rapport de force. Or, dans les AG, l’arrêt des grèves de 24 heures, inefficaces, comme celles qui ont été appelées l’année dernière par les syndicats majoritaires, fait consensus.
Si, dans le second degré, les suppressions de postes, l’augmentation des heures supplémentaires et la contre-réforme des lycées cristallisent le mécontentement, dans le premier degré, le mécontentement se concentre sur les 108 heures annualisées, et particulièrement les 60 heures d’aides personnalisées, qui n’ont d’autre but avoué que de supprimer 9 000 postes d’enseignants spécialisés (Rased) auprès des élèves en difficulté dans les trois prochaines années.
En opposant parents et enseignants, le gouvernement comptait bien gagner une bataille d’opinion idéologique. La manifestation nationale du 19 octobre a montré que l’ensemble de la communauté éducative rejette les mesures Darcos, de la maternelle à l’université. La présence des lycéens, des étudiants et des fédérations de parents d’élèves dans la rue, le 20 novembre, montrent que le gouvernement a d’ores et déjà perdu sur ce point.
Dans les assemblées générales, il faut mettre en débat la généralisation de la grève à tous les personnels de l’Éducation nationale, avec les élèves et le soutien des parents. Si les syndicats majoritaires ne veulent pas offrir cette perspective, il est temps de créer des cadres autogérés (coordinations, collectifs…), afin d’engager l’épreuve de force avec le gouvernement. Sans plus attendre.
Nina Lehair
* Paru dans Rouge n° 2276, 27/11/2008.
Grève dans l’Éducation le 20 novembre
Les syndicats du second degré, emboîtant le pas de ceux des écoles, appellent à la grève, le jeudi 20 novembre. Les conditions sont maintenant réunies pour une puissante grève contre la politique du ministre de l’Éducation, Xavier Darcos. Après la journée du 7 octobre, et surtout la manifestation nationale unitaire du 19 octobre, devant l’intransigeance réaffirmée du ministre, la colère est toujours présente chez les personnels de l’Éducation. Les suppressions de postes massives, confirmées lors de la discussion budgétaire, touchent tous les secteurs. La conscience qu’elles vont favoriser une baisse généralisée de l’offre de formation est partout présente. D’autant que se multiplient les annonces : diminution d’un tiers des postes Rased (prenant en charge des enfants en grande difficulté scolaire), diminution des options dans le secondaire et des heures de cours, réduction du temps d’enseignement pour tous dans le primaire, baisse du nombre de postes aux concours de recrutement, disparition des instituts de formation des maîtres (IUFM), baisse des moyens de remplacement, remise en cause de la scolarisation en maternelle…
Après beaucoup de tergiversations syndicales, la grève du 20 novembre doit être l’occasion d’affirmer l’opposition majoritaire des personnels à la politique menée par Darcos. Intervenant la même semaine que la mobilisation contre la privatisation de La Poste (le 22), elle sera aussi l’occasion de construire une convergence d’action pour la défense des services publics, entre usagers et salariés.
* Paru dans Rouge n° 2274, 13/11/2008 (Au jour le jour).
Bras de fer pour l’école
Jeudi 20 novembre, toute l’Éducation nationale devait être en grève, dans l’unité intersyndicale. Le mouvement promet d’être très suivi, et c’est bien compréhensible : en deux ans, 25 000 postes auront été supprimés et l’on assiste à une vaste entreprise de démolition de l’école publique.
Dans le premier degré, Xavier Darcos veut liquider les Rased (instituteurs chargés d’aider les élèves en difficulté), remet en cause les maternelles par des déclarations scandaleuses, réduit les horaires d’enseignement de deux heures. Non content de ces exploits, il entreprend de réduire également les horaires des lycéens par une contre-réforme qui se propose de mettre à mal plusieurs matières, comme l’histoire ou les sciences économiques et sociales, ces dernières étant accusées, par des milieux proches du Medef, de donner « une image trop négative de l’entreprise » !
Face à cette offensive tout terrain de la droite, la grève du 20 novembre doit être une première riposte, mais il ne faut pas en rester là. Déjà, des assemblées générales, surtout dans le primaire, des sections du Snuipp (syndicat du premier degré de la FSU) ont appelé à reconduire, le 21 ou le 25, pour mettre le gouvernement sous pression. Si elles sont entendues et qu’un mouvement reconductible se profile, il sera regardé avec sympathie par les travailleurs des autres secteurs, qui ont aussi des revendications de défense du service public – comme à La Poste – ou de leur emploi, comme dans l’automobile.
C’est pourquoi la mobilisation en faveur de l’école a valeur d’exemple. D’autant qu’elle peut associer les parents, mécontents de voir réduite l’offre éducative, ce qui défavorise les élèves des classes populaires n’ayant d’autres moyens que les cours pour réussir. Et les jeunes, que Darcos a voulu démagogiquement enrôler en leur promettant moins de cours et qui, lors du forum où il en a réuni 600, le samedi 15 novembre, lui ont répondu « mascarade » et l’ont chahuté.
Comme eux, c’est par un vaste chahut gréviste qu’enseignants, jeunes et parents se doivent de répondre aux attaques du ministre, afin de signifier à ceux qui nous gouvernent que, décidément, l’école vaut plus que leurs profits.
Robert Noirel
* Paru dans Rouge n° 2275, 20/11/2008 (Editorial).
Contre Darcos, on continue !
Décidément, Darcos n’en rate pas une. Durant les vacances, il a suggéré que le Parlement prescrive ce qui doit être enseigné en histoire à l’école. Quand on sait que les députés ont voté un amendement sur les « aspects positifs de la colonisation », on mesure la provocation. Celle-ci a dû être moins bien préparée que les précédentes, puisque le ministre a dû faire volte-face le lendemain.
Mais ces gesticulations ne peuvent faire oublier la nature de la politique qu’il met en œuvre et la réalité du mécontentement qu’elle suscite. Le succès de la manifestation du dimanche 19 octobre est venu le rappeler avec force. Dans la foulée, une grève unitaire est annoncée pour le 20 novembre dans le premier degré. Elle devrait être massive. Elle le sera encore plus si les syndicats du secondaire, et notamment le Snes, prennent la décision d’y appeler aussi. Le choix de saucissonner la mobilisation, degré par degré, face à un projet aussi global, serait catastrophique.
D’autre part, le 4 novembre, un rassemblement unitaire a eu lieu à l’Assemblée nationale contre la suppression des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). Le budget 2009 prévoit déjà de supprimer 3 000 des 8 000 postes Rased, alors que le ministre prétend que la lutte contre la difficulté scolaire est sa priorité. Plus que jamais, il s’agit de construire la mobilisation la plus massive possible, associant les personnels, les élèves, les parents d’élèves, pour refuser la démolition de l’école.
* Rouge n° 2273, 06/11/2008 (Au jour le jour).